L’Afrique face aux changements climatiques

Un article de l’AFD détaille les risques engendrés par les bouleversements climatiques, par pays et sous régions. Et mesure l’ampleur des investissements à consentir pour l’adaptation aux changements et pour que l’Afrique ne devienne pas elle-même une grande émettrice de GES.
On le sait, l’Afrique ne contribue pour l’instant que de façon marginale aux émissions de GES (gaz à effet de serre), mais elle est particulièrement exposée aux multiples risques climatiques. Partant de ce constat, Marie-Noëlle Woillez analyse plus en détail pour l’AFD (Agence française de développement) l’état des lieux des pays africains en matière de changement climatique. Son article paraît dans l’ouvrage collectif L’Économie africaine 2023 que l’AFD présente au public ce 12 janvier.
Selon les données disponibles, la température moyenne aurait augmenté de 1,4% en Afrique, depuis le début de l’ère-industrielle. En termes de précipitations, les pays africains ne sont pas logés à la même enseigne. On constate une tendance significative à la baisse au Maroc, dans les régions côtières de Tunisie et d’Algérie, au Sahel occidental et au Cameroun ; les pays d’Afrique du Nord étant particulièrement éprouvés depuis quarante ans. Une tendance à la hausse des précipitations est observée en Afrique australe, et depuis le début du siècle, au Sahel, après une période de sécheresse entre 1970 et 2000.
Même en respectant l’accord de Paris, les températures continueront d’augmenter, notamment l’été en Afrique du Nord. Les précipitations devraient continuer de diminuer à l’ouest de l’Afrique, ainsi que dans les régions côtières d’Ouest et du Nord. « Plus le niveau de réchauffement global sera important et plus les risques associés augmenteront », prévient l’auteure, qui se réfère aux modélisations du GIEC.
Émissions annuelles de GES (en tonnes équivalent CO2) ; source : CAIT.
Pays africains | Émissions |
RD Congo | 679 |
Afrique du Sud | 562 |
Nigeria | 354 |
Égypte | 351 |
Algérie | 282 |
Autres pays africains | moins de 200 |
Elle évoque notamment les risques en matière d’écosystèmes et de biodiversité, que l’on observe déjà depuis quarante ans. On peut redouter, par exemple, des épisodes récurrents de mortalité de masse des coraux, dans la partie ouest de l’océan Indien. Le changement climatique ne sera pas qu’un facteur direct : les activités humaines, via l’agriculture et le pastoralisme, exercent déjà des pressions importantes : déforestation, modification de la fréquence des feux, présence de grands herbivores… Par exemple, au Congo, les sécheresses ont entraîné une mortalité accrue des arbres, mais le phénomène est exacerbé par la déforestation pour l’agriculture.
Des conséquences sur les populations
Certes, les pays ne restent pas sans rien faire. Face à la sécheresse, les pays du Maghreb se mobilisent. Ainsi, le Maroc déploie-t-il son Plan national de l’eau, dont le coût est estimé à près de 40 milliards d’euros, à horizon 2050. Il comprend, entre autres projets, « un ambitieux programme de construction de barrages supplémentaires » pour accroître les capacités de stockage, un recours accru à l’irrigation, tout en réduisant les besoins en eau grâce à des techniques plus économes ou à des conversions vers l’arboriculture. « Cette stratégie est susceptible de rencontrer des limites physiques avec l’augmentation de la fréquence des sécheresses qui pourrait limiter le remplissage des barrages et donc leur rôle d’amortisseur, lors des années sèches », prévient l’auteur.
On peut redouter, notamment en Afrique australe, de gros dégâts sur la faune et la flore marine. Et pour l’homme, de grandes conséquences sur l’agriculture et la pêche. À moins d’une adaptation, les rendements des cultures de blé et de maïs devraient diminuer, en Afrique de l’Ouest, de 9% à 41%, selon les projections (de 1,5 à 4 degrés de réchauffement). On peut également redouter l’extension des zones infestées par les insectes ravageurs, ainsi qu’un stress thermique accru pour les animaux d’élevage. En matière de ressources halieutiques, la réduction des captures – si rien n’est fait –, toucherait en priorité des pays comme le Nigeria, le Ghana, la Guinée, le Sénégal.

Bien sûr, ces fléaux ont des conséquences directes sur la vie des populations, sur l’approvisionnement en denrées, les conditions de travail, les déplacements, etc. Par exemple, l’auteure prévient des risques encourus par l’accumulation de journées aux chaleurs extrêmes, notamment dans des grandes cités comme Abidjan, Accra, Lomé, Lagos… Il est même possible que des régions entières deviennent inhospitalières, comme la côte entre le Sénégal au Nigeria. Zones côtières, on s’en doute, déjà affectées par la montée des eaux. Dix millions de personnes vivent à moins de deux mètres d’altitude au Nigeria, en Égypte, elles sont 2 millions au Cameroun et entre 0,5 et 2 millions en Mauritanie, au Sénégal, en Guinée, au Liberia, au Bénin, en Angola, au Mozambique… Phénomène aggravé par la subsidence, c’est-à-dire l’affaissement des sols, notamment, en Afrique, dans les deltas (Nil) à cause des barrages ou l’extraction des eaux (Lagos).
De nombreux pays, notamment en Afrique de l’Ouest, devront faire face simultanément à des impacts multiples : réduction de la productivité des cultures, du bétail et des pêcheries, accroissement du stress thermique et donc perte de travail, montée du niveau marin, etc. S’il est délicat, dans le cas de l’Afrique, de se livrer à des projections en termes de PIB, par exemple, le danger ne fait désormais aucun doute.
Les besoins d’adaptation iront croissant, alors que les flux financiers destinés à l’adaptation sont actuellement très en deçà des estimations des besoins, ne serait-ce qu’à court terme. Malgré son faible rôle dans les émissions de GES, il est donc crucial que l’Afrique investisse massivement dans les technologies de décarbonations, sous peine de devenir à son tour un émetteur majeur dans les prochaines décennies.
@AB