L’Afrique du Nord doit mobiliser les capitaux privés

Le rapport conjoncturel de la Banque africaine de développement insiste sur les efforts que doivent poursuivre les pays d’Afrique du Nord contre l’inflation. À moyen long terme, ils devront exploiter leur formidable potentiel en matière de développement durable.
En Afrique du Nord, l’incidence de la pauvreté et le chômage, en particulier celui des jeunes, ont récemment augmenté, soulignant la nécessité de renforcer la résilience et la diversification de l’économie. Selon la BAD (Banque africaine de développement), la croissance devrait atteindre 4,6% en 2023 (contre 4,1% en 2022) et se stabiliser à 4,4% en 2024, avec d’importantes disparités entre les pays.
La BAD publie, détaille, ce 27 juillet 2023, ses Perspectives économiques en Afrique du Nord.
L’inflation devrait continuer à augmenter pour atteindre un taux à deux chiffres de 14,2% en 2023 et retomber à 6,9% en 2024. Le déficit budgétaire régional devrait se maintenir autour de 3,5% du PIB en 2023 et 3,2% du PIB en 2024. Voilà pour les chiffres clés.
Les défis de la corruption, du commerce et des flux financiers illicites, ainsi que de la gestion non durable des ressources, sont interdépendants et nécessitent une approche globale en matière de gouvernance, de capacité institutionnelle et de pratiques de gestion durable des ressources.
Toutefois, préviennent les économistes, les chocs extérieurs, tels que les fluctuations des prix des produits de base, et le changement climatique représentent un risque pour l’assainissement budgétaire. L’environnement économique mondial, y compris la structure des échanges, le tourisme et les flux d’investissements étrangers, devrait influencer la position extérieure de la région.
Les priorités à court terme comprennent la coordination des politiques monétaires et budgétaires, pour faire face à la hausse de l’inflation et protéger les petites entreprises et les populations grâce à des dépenses publiques ciblées. En effet, avec une inflation mondiale élevée, les pays d’Afrique du Nord doivent concilier l’impératif de lutte contre l’inflation et l’objectif de croissance élevée.
De même, le maintien et l’appui de la sécurité alimentaire dans la région restent un objectif crucial. Grâce à des investissements dans des variétés améliorées de cultures de base, de meilleures stratégies de gestion de l’eau et des sols. La région doit renforcer sa résilience, assurant les liens entre transition énergétique, gestion de l’eau et sécurité alimentaire ».
Enfin, pour relever les défis de l’assainissement budgétaire, les pays doivent poursuivre leurs efforts, notamment en améliorant l’administration fiscale par une numérisation accrue, en élargissant l’assiette fiscale, en réduisant le gaspillage des dépenses publiques et en renforçant les systèmes de gouvernance afin d’améliorer la transparence et la responsabilité.
Une dette croissante
À moyen terme, détaille la BAD, les gouvernements devraient attirer davantage de capitaux étrangers, en encourageant la diversification économique, en améliorant l’environnement des affaires et en renforçant le développement du secteur privé et la compétitivité des exportations. Certes, le renforcement de l’intégration régionale, par le biais de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine), peut offrir des possibilités de stimuler les échanges et les investissements intra-africains et d’améliorer les positions extérieures des pays du Nord. En ce qui concerne le fardeau de la dette, « les gouvernements d’Afrique du Nord devraient s’attaquer aux niveaux croissants de la dette publique à moyen terme, en allouant les fonds de la dette de manière transparente, en restructurant les entreprises publiques en situation difficile et en procédant à des examens réguliers des dépenses publiques », insistent les économistes.
Le rapport de la BAD est sous-titré « Mobiliser les financements du secteur privé pour le climat et la croissance verte ». En effet, la nécessité d’une croissance verte devient de plus en plus urgente en Afrique du Nord. Pourtant, les faibles montants des financements dédiés représentent un obstacle important à la transition de la région vers une économie verte. L’investissement annuel nécessaire serait de 25,7 milliards de dollars jusqu’en 2030. Et l’investissement consenti ne serait que de 5,9 milliards $, moins du quart des besoins.
Les donateurs bilatéraux sont les premières sources de financement climatique, représentant environ 80% des flux totaux. Les contributions du secteur public de l’Afrique du Nord représentent 18%, tandis que les 2% restants proviennent du secteur privé. Parmi les autres besoins financiers figurent les investissements dans l’agriculture durable (estimés à 33 milliards $ par an), tandis que les investissements dans la gestion des déchets sont estimés de 5 à 7 milliards $ par an et ceux dans le développement urbain de 30 à 40 milliards $ par an.
« Malgré plusieurs défis, les pays d’Afrique du Nord ont la possibilité de débloquer des investissements privés et de stimuler la transition vers une croissance verte, en particulier dans les domaines des énergies renouvelables, de l’agriculture durable et du tourisme durable », estime la BAD. Grâce à son ensoleillement abondant, à sa capacité éolienne en mer et à ses hectares de terres inhabitées, l’ « Afrique du Nord a le potentiel pour devenir le premier producteur mondial d’hydrogène vert ».
Financement et expertise du secteur privé
Toutefois, des partenariats fondés sur le marché sont nécessaires pour permettre une consommation intérieure et mondiale à grande échelle, ainsi qu’une demande d’hydrogène vert et une coopération accrue pour concevoir, financer, construire et exploiter des infrastructures de production, de stockage et de distribution de ce type d’hydrogène. La région est confrontée à plusieurs difficultés : l’absence de cadres politiques clairs et cohérents, des cadres réglementaires insuffisants et un accès limité au financement et aux opportunités d’investissement.
Si les grandes institutions du développement doivent travailler ensemble, financement du secteur privé peut jouer un rôle clé en fournissant les capitaux nécessaires pour investir dans les infrastructures d’énergie propre, les améliorations de l’efficacité énergétique, l’agriculture durable et les projets de restauration des terres en Afrique du Nord. Le financement du secteur privé peut également apporter l’expertise, la technologie et les compétences de gestion nécessaires à la mise en œuvre efficace et efficiente de ces projets de développement.
L’utilisation d’instruments et de mécanismes de financement innovants sera nécessaire pour mobiliser le financement du secteur privé, juge la BAD qui cite les obligations sociales, des obligations vertes, des obligations liées à la durabilité, des marchés du carbone, des échanges dette contre climat et des financements mixtes.
L’Afrique du Nord dispose d’importantes richesses naturelles, notamment des écosystèmes variés, des ressources minérales et d’un potentiel d’énergie renouvelable. Toutefois, ce capital naturel est menacé par le changement climatique, la dégradation de l’environnement, la nécessité de remédier à la mauvaise gestion des ressources naturelles, l’insuffisance des capacités institutionnelles et le manque de sensibilisation du public. En revanche, « le potentiel d’exploitation du capital naturel en Afrique du Nord pour financer ses objectifs de développement est énorme », juge a BAD pour qui « investir dans la gestion durable du capital naturel peut constituer une option de financement complémentaire pour les initiatives liées au climat et à la croissance verte ».
L’exploitation du capital naturel en tant qu’option de financement complémentaire pour le climat et la croissance verte nécessite une volonté politique, un engagement et une coordination de la part des pouvoirs publics et des autres parties prenantes, ainsi que des mécanismes et des politiques de financement innovants pour appuyer la gestion durable des ressources naturelles.
@AB