La piste de l’agro-écologie

Parmi les solutions pour « nourrir l’Afrique », figure celle, parfois décriée pour sa faible productivité, de l’agro-écologie. Le FIDA s’oriente résolument dans cette voie qui sollicite les compétences locales et permet d’exploiter des espèces animales et végétales négligées.
Ce 5 juin marque le lancement de la Semaine africaine des entreprises agricoles et des sciences. L’événement rassemble plus d’un millier de parties prenantes travaillant dans la recherche et l’innovation en matière d’agriculture et d’entrepreneuriat agricole en Afrique. Il vise à diffuser les résultats de la recherche et les innovations, à établir des partenariats, à contribuer à la concertation sur les politiques et à définir les priorités d’une action collective pour améliorer la productivité et la compétitivité du secteur agricole africain.
De nombreuses organisations internationales participent à différents ateliers, au premier rang desquelles le FIDA (Fonds international de développement agricole).
Le FIDA a réalisé, début juin 2023, son plus important placement privé (115 millions d’euros) auprès d’Amundi Asset Management, dans le but de multiplier les financements en faveur d’une transformation inclusive et durable du monde rural.
Lequel se livre, dans une note préparatoire, à une analyse d’une des solutions préconisées pour répondre à la pression sur les systèmes alimentaires nationaux et sur les écosystèmes : l’agro-écologie.
« Pour parvenir à la sécurité alimentaire et à d’autres résultats sociaux, environnementaux et économiques, il est nécessaire d’opérer une transition vers des systèmes agricoles et alimentaires plus résistants au climat, plus inclusifs, plus sensibles à la nutrition et plus durables », juge le FIDA. Qui constate que la nécessité d’améliorer et de diversifier la production tout en respectant l’environnement fait l’objet d’un large consensus, mais les parties prenantes des divers systèmes agricoles et alimentaires d’Afrique ne s’accordent pas sur la manière d’y parvenir. Au niveau mondial, l’agro-écologie (en tant que science, pratique et mouvement social ou politique) suscite un intérêt croissant pour les systèmes agricoles et alimentaires durables.
Dans sa dernière série de rapports, le GIEC juge que l’adaptation fondée sur les écosystèmes peut réduire les risques climatiques tout en fournissant des avantages sociaux, économiques et environnementaux et que les pratiques agro-écologiques peuvent accroître la résilience et la durabilité des systèmes alimentaires dans la région africaine.
S’adapter aux changements climatiques
Tel est le sens des dernières « COP » sur le climat et sur la diversité. Dans le droit fil de l’agro-écologie, l’agro-biodiversité au niveau des exploitations et des paysages, y compris l’agroforesterie et les cultures mixtes, a un rôle essentiel à jouer pour mieux répondre aux besoins nutritionnels des communautés rurales et urbaines, pour créer des opportunités génératrices de revenus pour les jeunes, les agriculteurs et les femmes, et pour aider à répondre au changement climatique et à ses effets sur l’agriculture.

De plus, l’intégration d’espèces animales, végétales, de champignons jusque-là négligées dans les systèmes locaux de production alimentaire augmenterait la résilience du système de subsistance des communautés rurales et isolées et renforcerait leur développement social et économique. Pour être plus productifs, résilients et durables, les acteurs et les systèmes agricoles doivent s’adapter aux conditions socio-économiques, culturelles et environnementales locales.
Parmi les pratiques agricoles à envisager pour renforcer la résilience et l’adaptation au changement climatique, le FIDA cite la diversification des espèces et des variétés de cultures et de bétail ; l’utilisation de pratiques et de technologies durables et résistantes au climat pour améliorer l’efficacité des systèmes agricoles et contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre ; des stratégies de gestion intégrée des ravageurs et des mauvaises herbes ; des systèmes d’agroforesterie et d’élevage pour contribuer à améliorer la santé des sols, à réduire l’érosion et les émissions de CO2, et à fournir de l’ombre aux cultures et au bétail.
Ainsi, juge le FIDA, l’agro-écologie peut soutenir l’adaptation au changement climatique et les résultats d’atténuation le plus directement en promouvant la résilience, la diversification, l’efficacité, les synergies, l’économie circulaire, le recyclage et le co-apprentissage.
Un examen systématique de 110 études mené par le FIDA montre que les approches agro-écologiques qui impliquent l’ensemble du système favorisent l’adaptation au changement climatique. Par exemple, la diversification biologique des exploitations agricoles a toujours eu de fortes incidences positives sur l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets.
De la ferme à l’assiette
Pour leur part, les espèces « négligées » présentent un grand potentiel pour relever des défis cruciaux tels que la pauvreté, la faim, la malnutrition et le changement climatique, en raison de leur capacité à croître sans demander beaucoup d’intrants et de leurs valeurs nutritionnelles élevées.
En outre, ces espèces ont tendance à être gérées avec des connaissances locales traditionnelles, à utiliser des sources de semences informelles, à jouer un rôle potentiel dans l’atténuation des risques dans les systèmes de production agricole et à impliquer une forte composante de genre.
Il existe plusieurs modèles de développement, comme celui promu par l’Union européenne, baptisé « de la ferme à l’assiette ». L’objectif principal est de rendre l’agriculture respectueuse de l’environnement.
La transition vers des systèmes agricoles et alimentaires résistants au climat, inclusifs, sensibles à la nutrition et durables nécessite l’engagement de toutes les parties prenantes dans un contexte particulier. « Un processus clair est nécessaire pour permettre aux gouvernements, aux agriculteurs, aux autres citoyens, aux chercheurs, au secteur privé, à la société civile, aux partenaires du développement et à d’autres de s’engager et d’apprendre ensemble à concevoir et à soutenir les transitions », note le FIDA. L’organisation appelle aussi au partage des connaissances à l’échelle mondiale. Cela « permettra à divers acteurs d’apprendre comment les pratiques agroécologiques peuvent contribuer à la résilience climatique et aux systèmes agricoles et alimentaires durables en Afrique ».
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En bref
Solliciter le secteur privé
Le FIDA a réalisé, début juin 2023, son plus important placement privé (115 millions d’euros) auprès d’Amundi Asset Management, dans le but de multiplier les financements en faveur d’une transformation inclusive et durable du monde rural. Grâce à cette obligation à 15 ans, le FIDA complète son plan de financement pour l’année 2023. Associés aux contributions de ses États membres, les produits qui en découleront lui permettront de financer son programme d’investissement de 3,5 milliards de dollars sur trois ans (2022-2024) en faveur des zones rurales de plus de 90 pays en développement.
Cette obligation permettra entre autres de fournir aux petits exploitants un accès aux marchés pour vendre leurs produits locaux, de développer les filières agricoles, de partager et de mettre en place des techniques agricoles résilientes face aux changements climatiques, de remettre des terres en état et de protéger les zones littorales contre les phénomènes météorologiques extrêmes, d’encourager l’adoption de régimes alimentaires nutritifs et durables, ou encore de donner aux femmes un accès aux ressources financières et au pouvoir décisionnel.
Cet investissement s’est déroulé à l’approche du Sommet pour un nouveau Pacte financier mondial, qui se tiendra les 22 et 23 juin 2023 à Paris. À cette occasion, les dirigeants mondiaux réfléchiront à des solutions pour réformer l’architecture financière mondiale et acheminer davantage de fonds vers les pays les plus pauvres à l’appui de l’action climatique et de leur propre développement.
@AB