La difficile relance du barrage Grand Inga

Dans le cadre du projet Grand Inga, de nouveaux barrages situés près de l’embouchure du fleuve Congo pourraient fournir de l’électricité à l’Afrique du Sud, mais le prix de 80 milliards de dollars pourrait se révéler prohibitif.
Les eaux puissantes du fleuve Congo pourraient-elles aider l’Afrique du Sud à sortir du cauchemar des délestages ?
Un coup d’œil sur la carte suggère une idée excentrique. Le projet de centrale hydroélectrique Grand Inga se trouve à plus de 2 000 km au nord des frontières sud-africaines ! Pourtant, le président sud-africain Cyril Ramaphosa et son homologue congolais, Félix Tshisekedi, se sont entretenus à Kinshasa, les 5 et 6 juillet 2023, pour relancer le projet, resté en sommeil pendant de nombreuses années.
La décision des prêteurs internationaux de soutenir le Grand Inga dépendra en partie de considérations environnementales et sociales, notamment en ce qui concerne la réinstallation des populations.
Dans le cadre du projet Grand Inga, plusieurs nouveaux projets hydroélectriques seraient construits près de l’embouchure du fleuve Congo (en plus des deux barrages construits entre 1968 et 1982).
L’électricité serait exportée à partir de la première de ces nouvelles installations, connue sous le nom d’Inga 3, par l’intermédiaire de l’une des plus longues lignes de transmission au monde. Cette ligne devrait traverser l’Angola, la Namibie et le Botswana pour atteindre le cœur économique de l’Afrique du Sud, dans la province de Gauteng.
L’Afrique du Sud s’intéresse au potentiel de production d’électricité du Grand Inga depuis au moins la fin des années 1990 et a signé un accord avec la RD Congo pour recevoir de l’électricité du mégaprojet en 2013. Le plan de ressources intégré de l’Afrique du Sud – l’outil de référence pour guider la planification politique en matière d’énergie –, prévoit que le pays importera 2 500 MW d’Inga à horizon 2030. Les autorités ont déjà évoqué la possibilité de doubler la capacité d’importation pour la porter à 5 000 MW, soit près de 10 % de la capacité de production actuelle de l’Afrique du Sud.
Les rapports suggèrent que les deux pays visent maintenant à finaliser un accord dans les 18 mois. Les travaux d’ingénierie et de conception préliminaires devront alors être effectués à la fois sur Inga 3 et sur la ligne de transmission qui l’accompagne, après quoi le projet devra finaliser son projet de financement pour permettre le démarrage de la construction.
Encore une fausse note ?
Le fait que les présidents Ramaphosa et Tshisekedi aient réaffirmé leur enthousiasme pour Inga « reflète d’importantes considérations politiques et économiques dans les deux pays », fait observer Harry Verhoeven, chercheur principal à l’Université de Columbia.
L’Afrique du Sud bénéficierait d’une nouvelle source importante d’énergie verte, tandis que Félix Tshisekedi pourrait utiliser Grand Inga pour générer des revenus d’exportation et positionner la RD Congo en tant que leader dans les efforts régionaux de lutte contre le changement climatique.
Malgré ces avantages, estime Harry Verhoeven, il est « très douteux » que le projet puisse progresser ; « les obstacles financiers et techniques restent considérables, tout comme les questions de gouvernance qui ont longtemps pesé sur le projet. »

La Banque mondiale a accepté de contribuer au financement d’Inga 3 en 2014, mais s’est retirée deux ans plus tard, invoquant par euphémisme des inquiétudes quant à la « direction stratégique » prise par le gouvernement congolais pour mener à bien le projet. Le changement d’avis de la Banque mondiale a entraîné l’arrêt de l’avancement du projet pendant plusieurs années.
Patrick Edmond, consultant en chef de la société de conseil stratégique Africa Matters Limited, qui fait partie de J.S. Held, se montre également sceptique quant à la possibilité que cette dernière avancée apparente se révèle être une percée durable. « De nombreuses annonces importantes concernant le développement d’Inga ont été faites au fil des ans et n’ont jamais porté leurs fruits ; il est peu probable qu’il en soit autrement », confie-t-il à African Business.
Compte tenu de la complexité même du projet, des multiples parties prenantes impliquées et d’un coût d’au moins 80 milliards de dollars, il n’est pas surprenant que la recherche d’un consensus se soit avérée si difficile. Patrick Edmond souligne que « chaque avancée du projet s’est heurtée à des obstacles légèrement différents ».
Le facteur humain
Une filiale du géant minier australien Fortescue Metals Group a reçu un contrat de construction pour le Grand Inga en 2021, mais des spéculations persistantes indiquent qu’elle perdra le contrat au profit de rivaux chinois. Entretemps, Félix Tshisekedi aurait courtisé diverses sources de financement possibles et a affirmé, lors de sa conférence de presse avec Cyril Ramaphosa, que la Banque mondiale envisageait de se joindre à nouveau au projet.
La décision des prêteurs internationaux de soutenir le Grand Inga dépendra en partie de considérations environnementales et sociales, notamment en ce qui concerne la réinstallation des populations. L’ONG International Rivers mène depuis longtemps une campagne contre le projet, avertissant qu’Inga 3 entraînerait le déplacement de 10 000 personnes et plongerait encore plus la RD Congo dans l’endettement.
@AB