José António, l’impératif social

Dans un entretien avec Anver Versi, rédacteur en chef d’African Business, le ministre angolais de l’Urbanisme et du logement, José António Maria da Conceição e Silva, présente sa vision de l’Angola et le programme de logements sociaux du pays – le plus ambitieux d’Afrique. Il place cette initiative dans le contexte politique, économique et social de l’Angola.
Depuis la fin de la guerre civile en 2002, le gouvernement du MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola) a mis en oeuvre un vaste programme de reconstruction nationale. Le pays affiche aujourd’hui la baisse la plus rapide du taux de pauvreté et vous avez entrepris l’un des programmes de construction de logements les plus ambitieux d’Afrique. Que défend votre parti ?
Le socialisme démocratique est au coeur du MPLA. Nos politiques ont donc une forte dimension sociale. Le parti dirige le pays depuis son indépendance en 1975, car il s’agit du mouvement qui a su le mieux répondre aux aspirations du peuple angolais. Le socialisme démocratique est enraciné dans les valeurs du parti, qui n’a pas perdu de vue sa vocation d’origine : la croissance économique du pays et la distribution des fruits de la croissance à l’ensemble de la population. Cette philosophie a dicté toutes nos politiques et c’est la forme que prend le socialisme en Angola.
Bien que vous ayez une orientation socialiste démocratique, vous avez activement encouragé le secteur privé. Est-il exact que vous envisagez une privatisation plus importante, dans un avenir proche ?
Même si le parti possède une forte dimension sociale, il est tout à fait conscient des réalités du marché et les incorpore dans ses politiques. Nous nous efforçons d’instaurer les conditions favorables aux investissements privés, locaux et étrangers. La création d’un secteur privé dynamique est un élément essentiel de nos politiques. Le MPLA se considère comme un régulateur et la promotion du secteur privé est réglementée.
Quels secteurs vont demeurer publics et quels secteurs seront ouverts à la privatisation ?
Tout d’abord, il faut comprendre que la privatisation est un processus en cours et que nous ne changerons pas de cap dans un avenir proche. Aujourd’hui, l’unique secteur dans lequel nous avons besoin du contrôle de l’État est l’énergie. Des entreprises sont engagées, mais il s’agit de sociétés publiques. L’État gère également, en grande partie, les secteurs de l’éducation et de la santé, cependant seule l’énergie est entièrement sous le contrôle de l’État. À l’avenir, il est possible que nous demandions à des entreprises privées de participer au secteur énergétique.
Quelle est la principale source d’énergie en Angola et existe-t-il un déficit énergétique ?
Plus des deux tiers de l’énergie angolaise proviennent de centrales hydroélectriques. Nous possédons 23 centrales, dont 16 sont hydroélectriques. Nous avons quatre centrales au diesel, trois centrales diesel et turbines à gaz, ainsi qu’une centrale thermique. Le barrage de Matala, sur le fleuve Cunene, est la principale source d’électricité dans le Sud-Ouest de l’Angola. La centrale hydroélectrique de Cambambe sur le fleuve Kwanza, à la frontière des provinces de Cuanza Norte et de Bengo, a une puissance de 180 MW, suffisante pour alimenter plus de 120 535 foyers. Je ne vous cite ici que quelques exemples, mais n’oubliez pas que, pendant la guerre civile, beaucoup de centrales, en particulier celles dans les zones contrôlées par l’Unita, ont été sérieusement endommagées ou même détruites. Des investissements très importants ont été réalisés pour effectuer des travaux dans ces centrales. Par exemple, la construction du barrage de Gove a débuté en 1969 et s’est achevée en 1975, mais le travail a cessé avec la guerre civile. Le barrage a finalement été inauguré par le président Dos Santos en 2012. L’objectif du barrage est de produire de l’électricité et de maîtriser les inondations. Nous investissons beaucoup dans de nouveaux projets énergétiques. Nous espérons non seulement être autonomes en 2017-2018, mais aussi en position d’exporter vers les pays voisins.
Dans quel état avez-vous retrouvé le pays en 2002 ?
Le pays avait été dévasté par la guerre. Par exemple, il était impossible de se rendre en voiture d’une province à l’autre! Comme vous le savez, l’agriculture était florissante en Angola. Avec la guerre, les champs étaient devenus inutilisables à cause des mines et les populations rurales se sont réfugiées en ville. Cela a eu des répercussions profondes sur les villes. Elles n’étaient pas conçues pour accueillir tant de monde. Les gens se fabriquaient des abris où ils le pouvaient. Les services sont devenus tout à fait insuffisants. Beaucoup d’infrastructures ont également été détruites avec l’arrivée massive des populations rurales.
Quelle a été la priorité du gouvernement il y a 13 ans ?
Nous avions plusieurs priorités. Nous devions réparer les infrastructures pour reconnecter les diverses régions du pays et relancer l’économie ; nous devions déminer les campagnes dans l’espoir de redynamiser l’agriculture et nous devions développer rapidement les secteurs de l’éducation et de la santé.
Avez-vous bâti des écoles et des hôpitaux ?
Des écoles, des hôpitaux, des dispensaires et toutes les infrastructures associées à l’éducation et à la santé. Nous avons dû également former suffisamment de personnel qualifié.
Pour mesurer l’ampleur des travaux et de la formation, par où avez-vous commencé ?
Il a fallu prendre un point de départ. Nous ne nous sommes pas limités aux infrastructures de santé et d’éducation – infrastructures physiques et ressources humaines. Nous avons dû développer de la même manière tous les autres secteurs. Nous avons entrepris des travaux dans le secteur des transports (routes, chemins de fer, ports, aéroports), le secteur de l’énergie, l’approvisionnement en eau, le traitement des eaux usées, etc. La gestion de ces activités et le travail quotidien de gouvernance et d’administration étaient également à prendre en compte.
Peu de gens hors de l’Angola se rendent compte de l’immense tâche à laquelle le gouvernement a dû s’atteler en 2002. Certains pays vous ont-ils aidés ? Les Angolais qui étaient à l’étranger sont-ils revenus ?
Même pendant la guerre, nous envoyions les étudiants à l’étranger ; nous voulions continuer à former les jeunes et à améliorer la qualité de nos ressources humaines. Je suis moi-même allé au Portugal pour me spécialiser. Beaucoup d’Angolais sont partis en Europe de l’Est. Les pays de l’Est nous ont bien soutenus pendant la guerre civile. Nous étions les bienvenus chez eux et nous y avons reçu une formation de qualité. D’autres Angolais sont partis en Europe de l’Ouest. Un grand nombre de nos médecins ont été formés en Russie et à Cuba. Encore aujourd’hui, ils ont la réputation d’être parmi les meilleurs médecins d’Afrique.
Quelles sont les priorités du gouvernement au cours des dix prochaines années ?
La santé, l’éducation et les infrastructures. Il est essentiel de continuer à les renforcer : d’une part, elles attirent des investissements étrangers, d’autre part, elles permettent d’industrialiser et de diversifier l’économie. Nous avons un programme spécifique pour l’industrialisation de l’Angola. La diversification de l’économie est cruciale pour que le pays soit moins dépendant du pétrole. Nous voulons éviter la « malédiction des ressources » dont sont victimes de nombreux pays producteurs de pétrole. Nous prévoyons d’utiliser les revenus issus des hydrocarbures pour diversifier notre économie assez rapidement. La part du secteur non-pétrolier dans le PIB du pays est déjà en augmentation.
Comment voyez-vous la place de l’Angola au sein de l’Afrique ?
L’Angola est un pays important sur le continent et dans l’Union africaine. Nous sommes un modèle en termes d’indicateurs de croissance, à deux chiffres depuis longtemps, et nous jouons un rôle clé dans la stabilité du continent.
Pourtant, en tant que pays lusophone, qui a vécu une longue période de guerre, l’Angola demeure un mystère pour le reste de l’Afrique…
C’est précisément pour cette raison que l’Angola suscite tant d’intérêt aujourd’hui ! Nous sommes l’un des cinq pays lusophones d’Afrique et il est vrai que cela a rendu la communication difficile hors de la sphère lusophone. Les autres pays d’Afrique connaissaient peu l’Angola, hormis le fait qu’il était en proie à une guerre civile sanguinaire. Mais cela a changé rapidement. Les nations africaines s’intéressent beaucoup à présent à ce que nous faisons et aux succès que nous connaissons. Elles nous considèrent comme un exemple du progrès de l’Afrique. Nous sommes connus pour nos programmes qui apportent la croissance et la stabilité au pays. En outre – j’insiste là-dessus – nous avons mis en œuvre un vaste programme de réconciliation nationale. Il a donné de bons résultats et il assure la paix et la stabilité que connaît le pays aujourd’hui. On ne doit pas oublier que ce nous avons accompli jusqu’ici n’a été possible que grâce à la paix. Je suis convaincu que d’autres pays de la région, qui ont connu une guerre civile comme nous ou qui sont encore en guerre, peuvent tirer des leçons de notre exemple.
L’Angola joue-t-il actuellement un rôle actif dans l’Union africaine ?
La meilleure preuve que je puisse vous donner est l’appui massif que nous avons reçu de l’Union africaine quand nous avons été élus membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce vote de confiance reflète le rôle important que joue l’Angola en termes de réconciliation et de stabilité en Afrique et dans l’Union africaine.