Ylias Akbaraly : La stratégie de diversifications

Le groupe malgache Sipromad affiche une croissance exponentielle, se diversifiant dans de nombreux secteurs. Son PDG Ylias Akbaraly nourrit la vision d’un groupe fort de 8 000 salariés sur la Grande île, en Afrique et en Europe.
Par Hichem Ben Yaïche et Nicolas Bouchet
Quel est la structure de votre important groupe, Sipromad ?
C’est un groupe familial dont la holding s’appelle Redland puisqu’elle est née à Madagascar. Ce pays est considéré comme la « terre rouge » et nous avons toujours voulu garder cette source qui représente d’où nous venons et où nous allons.
En ne distribuant pas de dividendes, nous avons réinjecté des milliards d’ariarys. Cela nous a permis de renforcer nos capitaux propres, de renforcer notre capacité d’endettement, de nous diversifier et de renforcer les activités existantes.
Redland chapeaute le groupe Sipromad et Thomson Broadcast. Tout le capital est détenu par une famille. Nous y tenons et nous voulons rester un groupe familial. Nos activités sont diversifiées : nous sommes dans les domaines industriel, énergétique, bancaire, du transport de fonds où nous sommes partenaires avec Brinks et avec Orange Money. Nous sommes aussi dans l’aérien, le tourisme, l’immobilier et nous démarrons deux nouvelles activités très importantes dans le domaine avicole et dans le domaine agricole.
Nous sommes aussi de plus en plus engagés dans le numérique ; en 2018, nous avions acquis de Thomson Broadcast œuvre à la migration de la télévision analogique vers la télévision numérique. Nous intégrons à cela la radio civile AM-FM.
Viennent ensuite les studios de télévision et, depuis peu, nous intégrons d’autres activités dont vous entendrez parler en 2022 et sur lesquelles travaillent nos équipes de Recherche & Développement.
Quelle a été votre méthode pour moderniser et faire grandir ce groupe, qui certes familial, doit s’intégrer dans le capitalise mondial ?
D’ici 2023, nous avoisinerons les 8 000 personnes suite à tous les investissements engagés. Pour passer d’un modèle à un autre, il y a d’abord notre vision. Nous appliquons notre plan de développement à des investissements, des opportunités qui se présentent. En Afrique, il faut être diversifié et multisectoriel pour faire face aux aléas parfois difficiles à maîtriser.
Dès le départ, nous avons opté pour cette stratégie de diversification. Nous restons un groupe familial : nous ne distribuons pas de dividendes, ce qui fait que nous réinjectons toute notre profitabilité dans l’activité et que nous nous développons très bien. Cela nous donne aussi la confiance des partenaires.
Comment vous appuyez-vous sur les ressources humaines pour servir cette stratégie ?
Dans ce domaine, nos valeurs de proximité, de respect, d’écoute avec nos collaborateurs nous aident beaucoup. Chez nous, une décision ne se prend pas à un seul niveau mais de façon collégiale, en écoutant les collaborateurs, en prenant leurs avis. Cette méthode donne à nos équipes davantage de confiance et fait de l’entreprise une boîte à idées.
Comment financez-vous cette croissance ? Quelles sont les interactions du groupe avec son environnement, à Madagascar d’abord et dans ses projections ailleurs ?
En ne distribuant pas de dividendes, nous avons réinjecté des milliards d’ariarys. Cela nous a permis de renforcer nos capitaux propres, de renforcer notre capacité d’endettement, de nous diversifier et de renforcer les activités existantes.
Nous travaillons beaucoup avec la Société Générale –l’un des banques chefs de file de nos opérations –, avec la Bank of Africa, et des banques mauriciennes. Grâce à de très bonnes relations et une confiance mutuelle, nous créons de la richesse au sein de notre groupe.
Quel est votre défi pour aller plus loin ?
D’abord, nous travaillons beaucoup. Notre groupe a une particularité, ses prises de décisions rapides. Notre mobilité est très rapide et facile et nous ne sommes nullement bloqués par des considérations autres que celles du business. Quand nous avons une opportunité d’investissement pour notre stratégie de développement, nous l’étudions, la discutons, et rapidement nous prenons une décision.
C’est comme cela que nous avons développé et diversifié notre groupe, qui ne connaissait que le métier industriel du temps de mon père. En l’espace de vingt ans, nous avons vivement accéléré le mouvement.
Comment l’environnement des affaires vous a-t-il aidé ou freiné ? Comment faites-vous pour naviguer puisque vous n’êtes pas seul, il y a plusieurs groupes concurrents à Madagascar.
Quand vous arrivez dans un environnement économique et que vous êtes une petite entreprise, il n’est pas très facile d’entrer dans le système parce que les gens ne vous connaissent pas. Il y a de la méfiance, on essaie d’abord de vous comprendre.
Il y a aussi des systèmes organisés où l’on n’aime pas trop les étrangers que sont les nouvelles entreprises. Il faut faire ses preuves, être patient et persévérant. Il ne faut pas lâcher. Comme partout, certains systèmes sont bien organisés et il faut trouver sa place et la confiance de tous les autres.
Souffrez-vous du décalage entre le potentiel énorme de Madagascar, pays aux 27 millions d’habitants, une superficie et une diversité importantes ? N’êtes-vous pas un peu affecté par un contexte social et économique dégradé ?
Effectivement, c’est un grand pays avec un énorme potentiel, qui se met en marche petit à petit. C’est vrai que les indicateurs sociaux et économiques sont encore moyens. Pour notre part, nous ne sommes pas politiques. Nous voyons cela et nous nous disons que chacun doit apporter sa pierre à l’édifice. C’est pour cette raison que cela n’a jamais été un facteur bloquant pour nos investissements.
Notre stratégie fait totalement abstraction de la politique et nous sommes focalisés sur notre vision de développement. On peut dire aujourd’hui que cela porte ses fruits puisque tous nos secteurs se développent très bien et que nous entrons dans l’agriculture. De ce côté-là, nous n’avons pas eu de freins de l’administration malgache et on nous laisse travailler.