OCP : Le défi d’une industrie prospère et durable

Karim Saoud est vice-président de Groupe OCP, en charge du portefeuille Eau et énergie. Il décrit l’apport et les ambitions du leader mondial des phosphates dans l’utilisation et le retraitement de l’eau.
Propos recueillis par ABF
L’exploitation minière est un secteur très gourmand en eau ; comment l’OCP récupère-t-il les eaux usées urbaines pour rendre ses opérations plus durables ?
La récupération et la réutilisation des eaux usées urbaines après traitement entrent dans le cadre de notre stratégie durable de gestion de l’eau. En effet, l’utilisation de l’eau intervient à chaque étape de la chaîne de valeur : activités minières, bénéficiation (traitement du phosphate), transport, valorisation. L’OCP relève aujourd’hui le défi d’une croissance industrielle à la fois prospère et durable.
Dans le cadre de la déclinaison de notre stratégie eau, nous avons, par exemple, abandonné l’usage des eaux souterraines, considérées comme ressource stratégique du royaume. D’ailleurs, nous ferons de sorte que tous les besoins industriels en eau d’OCP soient satisfaits à partir d’eaux non conventionnelles (eaux usées traitées et eaux dessalées), à l’horizon 2030.
Nous poursuivons nos efforts d’optimisation sur toute la chaîne de valeur. Ainsi, nous avons lancé des projets innovants pour la récupération du maximum d’eau à partir des boues de lavage et le traitement des pistes minières, pour la recherche continue de procédés moins consommateurs d’eau…
L’accroissement de nos capacités industrielles s’accompagne naturellement d’une augmentation des besoins en eau. Pour y répondre, nous faisons recours en priorité à la réutilisation des eaux usées domestiques épurées. Nous contribuons ainsi à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles en eau douce.
Le groupe OCP déploie un programme ambitieux visant la réalisation de plusieurs stations d’épuration (STEP) des eaux usées urbaines et principalement leur réutilisation industrielle. La laverie Merah Lahrach est la première au monde à utiliser, pour le lavage du phosphate, des eaux usées épurées, provenant de la STEP de la ville de Khouribga. Cette station, dotée d’une capacité de 5M m3/an, a permis de traiter quelque 45 millions de m3, depuis sa mise en service en 2010.
Deux autres STEP lui ont succédé dans les sites miniers de Benguerir et Youssoufia, portant ainsi la réutilisation industrielle des eaux épurées par l’OCP à environ 10 millions de m3 par an. Une partie des eaux en sortie de la station de Benguerir sert aussi à l’arrosage des espaces verts de la Ville Verte Mohammed VI. L’épuration des eaux usées par des techniques de pointe permet d’obtenir de très bonnes performances.
Cette expérience pionnière s’avère une excellente réponse écologique aux besoins industriels du groupe. Elle constitue un encouragement à l’usage des eaux usées pour d’autres projets industriels.
Plusieurs études de faisabilité sont en cours avec nos partenaires pour renforcer les capacités de réutilisation industrielle des eaux usées épurées, à partir de STEP existantes ou nouvelles.
L’OCP réutilise 80% des eaux usées issues de l’enrichissement en phosphate. Comment fonctionne l’optimisation de l’utilisation de l’eau, tout au long de la chaîne de valeur ?
En lançant sa stratégie de développement industriel, le groupe OCP a mis la préservation des ressources naturelles en tête de ses priorités. Nous veillons à l’optimisation des ressources hydriques utilisées dans tous les processus de production et de transformation des phosphates.
En effet, dans l’exemple que vous citez, plus de 80% des eaux utilisées dans l’étape d’enrichissement, par lavage-flottation dans les sites miniers du groupe sont recyclées. Un procédé qui a été mis au point par les équipes d’OCP et où les eaux des boues de lavage sont recyclées et majoritairement récupérées puis réinjectées dans le process.
Je vous citerai un autre exemple : la consommation spécifique en eau dans les nouvelles unités industrielles a été réduite de 25% grâce à l’adoption de nouvelles technologies de pointe.
Aussi, le Slurry Pipeline reliant Khouribga à Jorf Lasfar et acheminant le phosphate lavé sous forme de pulpe, permet une économie de près de trois millions de m3 d’eau par an. Ce mode de transport hydraulique permet de conserver l’humidité de la roche, tandis que l’intégralité de l’eau servant à son transport est réutilisée dans les installations de valorisation du phosphate.
Le dessalement est un grand progrès technologique, mais très dépensier en énergie. Comment pouvons-nous tirer le meilleur parti de ces avancées technologiques tout en économisant de l’énergie ?
L’OCP investit dans le dessalement d’eau de mer pour couvrir la totalité de ses besoins additionnels requis par son développement industriel, sans aucun recours en eaux conventionnelles additionnelles.

La plateforme industrielle de Jorf Lasfar est alimentée depuis 2016 par la plus grande station de dessalement au Maroc avec une capacité annuelle de 25 millions de m3 ; Elle utilise le procédé d’osmose inverse, un procédé de production d’eau douce que nous maîtrisons depuis le démarrage de la station de dessalement à Laâyoune en 2006. Les besoins en énergie de cette station sont satisfaits à partir de l’excédent en énergie propre cogénérée par les installations industrielles de la plateforme OCP.
Le projet d’extension de la station de Jorf Lasfar, dont la mise en service est prévue en 2022, permettra d’atteindre une capacité totale de 40 millions de mètres cubes par an. D’autres stations de dessalement sont en cours d’étude dans les sites de Jorf Lasfar, Safi et Laâyoune.
La technologie adoptée dans nos stations de dessalement est une technologie « best-in-class », qui permet une plus faible consommation d’énergie électrique au mètre cube grâce notamment à un système de récupération d’énergie.
Au niveau des STEP également, la valorisation énergétique du biogaz issu du processus de traitement des eaux usées permet de couvrir jusqu’à 30% des besoins électriques de ces stations.
Un autre levier dans la gestion efficiente de l’énergie concerne le mode de transport. En effet, le Slurry Pipeline permet une grande optimisation énergétique. Ce mode de transport hydraulique est particulièrement écologique. La progression de la pulpe est favorisée par la gravité naturelle, ce qui permet d’éliminer l’énergie électrique consommée pour le transport par train et pour le séchage du phosphate. La réalisation de ce Slurry pipeline permet ainsi la suppression de 930 000 tonnes d’émissions de CO2 par an.
L’objectif du programme eau de l’OCP est d’utiliser une eau 100% durable d’ici 2030. Quels sont les projets clés sur lesquels l’OCP se concentrera pour atteindre cet objectif ?
Dès 2024, nous aurons réduit la consommation spécifique en eau de 15%. Nous poursuivons nos efforts d’optimisation sur toute la chaine de valeur. Ainsi, nous avons lancé des projets innovants aussi bien pour la récupération du maximum d’eau à partir des boues de lavage et le traitement des pistes minières que pour la recherche continue de procédés moins consommateurs d’eau au niveau de la transformation industrielle.
Nous envisageons aussi d’utiliser des ressources hydriques non conventionnelles supplémentaires en construisant de nouvelles STEP et de nouvelles unités de dessalement.
La R&D dans le domaine de l’eau est également de mise. Nous avons lancé de nombreux projets en collaboration avec différents partenaires, dont l’université Mohammed VI Polytechnique, pour développer des solutions d’optimisation de l’eau dans le processus industriel. Nous recherchons les technologies de traitement de l’eau les mieux adaptées et les plus compétitives, comme l’utilisation des énergies renouvelables dans les usines de dessalement.
ABF