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Industrie

L’enjeu industriel des cryptomonnaies

L’enjeu industriel des cryptomonnaies
  • Publiéseptembre 14, 2022

Le groupe français Engie mise sur sa cryptomonnaie pour financer son ambition d’être le leader de l’installation de panneaux solaire décentralisés en Afrique. Explications du processus et des contraintes, notamment environnementales.

 

En mai 2022, Engie a lancé sa première initiative en cryptomonnaies pour accélérer l’utilisation de solutions solaires hors réseau dans les pays subsahariens. Le groupe français s’est associée à Energy Web, une ONG suisse qui a créé la cryptomonnaie Energy Web Token (EWT), pour lancer une plateforme de crowdfunding décentralisée où les investisseurs qui déposent un certain montant de Token recevront un taux d’intérêt fixe de 10 %. 

En six jours seulement, la plateforme a atteint son objectif d’investissement de 20 000 EWT, malgré une période pilote initiale fixée à deux semaines. Un véritable succès.

Les 100 000 dollars d’EWT ont été transférés à Engie Energy Access, la filiale d’Engie pour les solutions solaires hors réseau en Afrique, où ils financeront des systèmes solaires mini-réseau dans trois pays ciblés en Afrique : le Rwanda, la Zambie et la Côte d’Ivoire.

Des critiques ont également exprimé des craintes quant à l’impact environnemental des cryptomonnaies. Les universitaires Peter Howson et Alex de Vries affirment que le bitcoin à lui seul « dépasse considérablement les émissions de carbone produites par l’industrie minière de l’or ».

 

Les paiements des clients dans le cadre d’un modèle PAYGO (Pay-As-You-Go), qui commence à 0,19 $ par jour pour un mini-réseau solaire de base, seront récupérés pour payer aux investisseurs leur intérêt fixe. Malgré les forts soubresauts des cryptomonnaies, ces derniers mois, l’appétit pour cette technique ne semble pas avoir diminué.

« La plateforme est actuellement en stade de concept dont l’objectif était d’évaluer et de comprendre l’appétit des investisseurs en cryptomonnaies », explique Stefan Zelazny, responsable des logiciels et de l’informatique chez Engie Energy Access.

Le géant français de l’énergie opère dans neuf pays du continent, et a installé plus de 43 MW de capacité solaire en 2021, fournissant de l’électricité à 7 millions de personnes. D’ici à 2025, grâce à la technologie blockchain, Engie Energy Access affirme être en mesure d’alimenter 20 millions d’Africains.

L’avantage d’utiliser des cryptomonnaies plutôt qu’un investissement traditionnel, selon Stefan Zelazny, est qu’ « il n’y a pas de couche intermédiaire, car la mise investie va directement à un actif ou à un bénéficiaire sur le terrain ». Les ménages africains qui reçoivent des mini-réseaux solaires financés par des cryptomonnaies ne verront aucune différence dans la façon dont ils accèdent au service.

Ils n’auront pas à payer l’énergie en cryptomonnaies, Engie se chargeant de la conversion pour eux. Ils pourront également payer en utilisant l’argent mobile, Engie ayant établi des liens avec plusieurs opérateurs d’argent mobile sur le continent, explique Stefan Zelazny.

 

Un concept difficile à étendre

 Engie affirme que la plateforme de crowdfunding permet d’attirer plus facilement des investissements considérables en peu de temps, en tirant parti de l’aspect spéculatif des cryptomonnaies et des importantes ressources financières disponibles dans la cryptosphère.

L’entreprise envisage les cryptomonnaies comme un outil innovant pour financer ses activités en Afrique, un continent où l’accès aux ressources financières reste le principal obstacle au développement économique et social.

Le projet en est toutefois au stade de concept, ce qui signifie que le rendement de 10 % pour les parties prenantes est garanti par Engie.  « Le projet n’est pas extensible en soi car il ne reflète pas le coût réel du financement et du risque sur le terrain. »

Il est évident qu’à une plus grande échelle, Engie ne pourra pas garantir un taux fixe de 10% pour chacun de ses crypto-investisseurs, surtout si l’on considère les importantes fluctuations des valorisations de ces produits depuis leurs créations.

« La vision est de faire évoluer ce concept vers un modèle de financement à l’échelle de l’industrie, qui mettra directement en relation les investisseurs et les clients ayant besoin de financement », explique Stefan Zelazny.

« Nous travaillons sur des solutions qui empêchent l’exposition aux volatilités des cryptomonnaies et qui sont optimisées pour les monnaies locales sur le terrain, tout en réduisant massivement les coûts de financement. »

 

Préoccupations environnementales

Les technologies crypto et blockchain sont déployées dans de multiples contextes. En 2018, l’équipe à l’origine de la plateforme Cardano, sur la technique de la Blockchain, a lancé un projet pilote visant à doter les étudiants éthiopiens d’identités et de titres numériques.

Cardano forme les utilisateurs du ministère éthiopien de l’Éducation aux fonctionnalités et à l’utilisation de la nouvelle plateforme d’identification basée sur la Blockchain. Ses développeurs espèrent intégrer un réseau de paiement en cryptomonnaies à l’échelle de l’Éthiopie, avant de connecter l’ensemble du continent africain à l’infrastructure Cardano.

L’appétit des crypto-investisseurs pour les projets de développement en Afrique est salué par certains dirigeants africains. Faustin-Archange Touadéra, le président de la République centrafricaine, qui vient de lancer la cryptomonnaie  – controversée – Sango Coin, a déclaré que le système financier international ne fonctionne pas pour l’Afrique et que les cryptomonnaies accorderont aux pays une autonomie financière.

Toutefois, d’autres pays se montrent plus sceptiques. Le Nigeria a récemment interdit à ses banques d’autoriser les transactions en cryptomonnaies.

Des critiques ont également exprimé des craintes quant à l’impact environnemental des cryptomonnaies. Les universitaires Peter Howson et Alex de Vries affirment que le bitcoin à lui seul « dépasse considérablement les émissions de carbone produites par l’industrie minière de l’or ».

« En novembre 2021, le bitcoin utilise plus d’énergie que l’ensemble de la Thaïlande (environ 190 TWh), dont la majorité est générée par des combustibles fossiles. » Engie et Energy Web ont tenté de réduire l’empreinte environnementale de leur projet en déployant un processus de « preuve d’autorité », un modèle beaucoup plus centralisé que ceux utilisés pour les principales cryptomonnaies.

Cela permet une faible consommation d’énergie par rapport aux modèles de « preuve de travail » et de « preuve d’enjeu », deux des mécanismes les plus répandus pour les cryptomonnaies, où de multiples acteurs sont en concurrence pour générer chaque nouveau bloc de transactions qui sera inclus dans la Blockchain.

« Energy Web ne travaille pas avec un processus de consensus de type « proof of work » mais avec un processus de type « proof of authority ». Cela réduit massivement les coûts des transactions et ne consomme pas d’énergie supplémentaire », confirme Stefan Zelazny.

Dans le cas des opérations d’Engie en Afrique subsaharienne, « nous parlons des besoins essentiels des gens », poursuit le responsable ; « il est donc important pour nous que le réseau soit stable, et qu’il ne gaspille pas d’énergie ».

@AB

 

 

Écrit par
Leo Komminoth

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