Le Cameroun prépare une taxe carbone

Dès 2024, le Cameroun pourrait imposer une taxe carbone sur ses industries les plus polluantes, les cimentiers et les producteurs d’hydrocarbures. Le pays souhaite réduire ses émissions, conformément à ses engagements, et bénéficier de financements verts.
C’est un vieux projet qui ressort des cartons du gouvernement camerounais. Dans le cadre de la loi budgétaire 2024, l’État pourrait instaurer une taxe carbone. Le gouvernement en a reçu l’aval par une circulaire, signée le 30 août par le président Paul Biya, relative à la préparation du budget de l’an prochain.
Cette mesure s’inscrit dans la volonté de renforcer la fiscalité du Cameroun – qui envisage aussi une taxe sur les bières –, notamment en matière de respect des normes environnementales. La taxe carbone serait appliquée aux entreprises dont les activités sont les plus coûteuses pour l’environnement, comme les industries lourdes, les cimentiers, les groupes pétrochimiques.
Le président de la République prescrit « la poursuite du renforcement de la fiscalité environnementale, en droite ligne des engagements internationaux souscrits par le Cameroun ». Dès lors, « le champ d’application de la taxe spéciale sur les produits pétroliers sur certains combustibles tels le gaz naturel liquéfié pourrait être revu, de même que l’institution d’une taxe carbone pourrait être envisagée », indique le président Biya.
La taxe carbone est une taxe environnementale basée sur les émissions de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Selon le bureau sud-africain ISS Africa, le Cameroun devrait quadrupler ses émissions de carbone d’ici vingt ans, à 15,1 millions de tonnes, principalement en raison des usines de ciment et d’hydrocarbures. Cette réforme vise à inciter les pollueurs à réduire leurs émissions afin d’éviter de payer davantage de taxes. Elle permettrait également au Cameroun de respecter ses engagements internationaux en matière de réduction des émissions de carbone. En effet, les prévisions d’ISS Africa, qui projette donc une augmentation fulgurante des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2043, contredisent les engagements internationaux du Cameroun, dont l’objectif est de plutôt réduire les émissions de carbone de 32% d’ici à 2035, observe le magazine en ligne Investir au Cameroun. Le pays avait proclamé cette ambition lors de la COP 21 de Paris.
En instaurant la taxe carbone, le Cameroun pourrait aussi se positionner sur le marché international du carbone et bénéficier de « financements verts ». À cet effet, le ministre des Finances, Louis Paul Motazé, avait présidé, à l’automne 2022, un atelier de sensibilisation sur le marché du carbone afin d’en faire une source de financement plus importante pour le pays. Le marché du carbone est un mécanisme qui permet d’échanger des droits d’émission de CO2, à l’image d’actions ou d’obligations. Les pays ou les entreprises les moins pollueurs peuvent donc vendre leurs droits d’émission aux entités les plus pollueurs. Bien sûr, pour pouvoir prétendre à s’inscrire dans ce mécanisme et obtenir ces financements, le Cameroun doit produire un bilan carbone complet. Or, aujourd’hui, l’analyse n’est disponible que pour deux des cinq zones agro-écologiques du pays. « Il s’agit de faire l’état des lieux, d’interroger la situation à date et de proposer des palliatifs ou des thérapies, pour endiguer les carences et autres manquements constatés dans le processus d’adhésion de notre pays au marché du carbone », précisait le ministre lors de cet atelier.

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En bref
Une digitalisation de l’agriculture, face aux pénuries d’eau
Bénéficiant d’un appui de 100 millions de dollars de la Banque mondiale, le Cameroun engage un programme de digitalisation des systèmes agricoles. Le Projet d’accélération de la transformation numérique au Cameroun (PATNUC) vise dans un premier temps le développement des solutions numériques pour dynamiser la productivité agricole. Concrètement, il s’agira pour les autorités camerounaises d’étendre l’accès à l’Internet et d’améliorer les compétences digitales des exploitations agricoles aussi bien en zones urbaines que rurale.
« Nous allons donc développer des applications spécifiques aux cultures vivrières et stimuler l’emploi et l’entrepreneuriat des jeunes. Le but est de doper le secteur des technologies de l’information et de la communication pour soutenir la Stratégie nationale de développement », indique le gouvernement. Cette transformation favorisera le développement l’intelligence artificielle et de l’internet des objets afin d’optimiser les récoltes, réduire les quantités de déchets dans les fermes et augmenter les revenus des agriculteurs.
Ces pratiques permettront également d’expérimenter l’irrigation intelligente, alors que l’eau se fait rare. En 2021, la Banque mondiale avait prêté 200 millions $ à l’État. Ce financement est destiné au renforcement des techniques agricoles dans la région de l’Extrême-Nord qui souffre de la sècheresse et de la fracture numérique.
@AB