De grands projets dans la production de véhicules électriques

De nouveaux investissements permettront à la RD Congo et la Zambie de passer du statut d’exportateurs de minerais critiques non traités à celui de centres de fabrication dynamiques de véhicules électriques et de batteries.
Début avril 2023, on apprenait qu’Afreximbank et la CEA (Commission économique des Nations unies pour l’Afrique) avaient signé un accord-cadre avec la RD Congo et la Zambie pour la création de zones économiques spéciales destinées à la production de véhicules électriques et de batteries. Le continent cherche à valoriser la demande croissante de ses minerais essentiels.
La ruée mondiale sur ces minerais ne fait que commencer. La production de graphite, de lithium et de cobalt devra être portée à 3,1 milliards de tonnes d’ici à 2050, soit une multiplication par 5,5 par rapport aux niveaux de 2019.
Ces deux pays possèdent d’importantes réserves de certains minéraux essentiels à la production de batteries pour les véhicules électriques et d’autres technologies clés pour la transition vers l’énergie verte. La RD Congo représente environ 70 % de l’offre mondiale de cobalt et 88 % des exportations de cobalt. Les deux pays contribuent ensemble à 11 % de l’approvisionnement mondial en cuivre.
Ils possèdent également des réserves de lithium, un ingrédient clé dans les batteries des véhicules électriques. Mais jusqu’à présent, les deux pays ont été relégués au rôle de fournisseurs de minéraux critiques non transformés pour les fabricants étrangers.
Afin de s’assurer que les pays progressent dans la chaîne de valeur, Afreximbank et la CEA dirigeront la création d’une société d’exploitation en consortium avec des investisseurs publics et privés et la filiale de fonds d’impact d’Afreximbank, le Fonds pour le développement des exportations en Afrique. La nouvelle société développera des zones économiques spéciales (ZES) dédiées à la production de précurseurs de batteries, de batteries et de véhicules électriques dans les deux pays.
Les ZES se présentent sous différentes formes et leur efficacité en Afrique fait l’objet de nombreux débats, mais il s’agit généralement de zones géographiquement limitées où les entreprises bénéficient d’avantages fiscaux et d’autres privilèges légaux, mis en place pour attirer les investissements étrangers et stimuler l’emploi. ARISE Integrated Industrial Platform, un promoteur d’infrastructures panafricain, a été choisi comme consultant technique pour mener l’étude de préfaisabilité pour l’établissement des ZES en RD Congo et en Zambie.
Selon les organisateurs, le projet « déploiera une technologie véhicules électriques bien établie et éprouvée qui permettra aux deux pays d’exploiter leurs ressources minérales à grande échelle. Il accélérera la fabrication de produits à valeur ajoutée avant l’exportation, ce qui leur permettra de capturer plus de valeur au sein de ces États, et il entraînera une nouvelle demande d’ingénieurs qualifiés possédant une expertise technique, ce qui stimulera considérablement les marchés du travail locaux ».
Les défis de la fabrication
Toutefois, il existe des obstacles importants à la mise en place d’installations de fabrication de batteries en Afrique. Aucun pays africain ne possède à lui seul tous les minerais nécessaires à la production de batteries, ce qui signifie que les pays devront mettre en commun leurs réserves de minerais pour atteindre l’échelle et la fiabilité minimales, selon le rapport Triple Win de l’Institut de gouvernance des ressources naturelles (NRGI).
Ils devront également s’assurer qu’ils n’engagent pas une part trop importante de leurs minéraux pour l’exportation.
L’accessibilité financière et le manque d’infrastructures de recharge à l’échelle du réseau signifient que le marché africain des véhicules électriques à quatre roues devrait être restreint pendant des décennies : la chaîne de valeur des batteries fabriquées à partir de nickel, de manganèse et de cobalt (NMC) pourrait donc se limiter à la production de matériaux précurseurs pour les batteries.
Mais avec un potentiel plus important sur le marché africain des véhicules électriques à deux et trois roues – qui utilisent des batteries au phosphate de fer lithié (LFP) – les industries basées sur cette chimie des batteries pourraient être viables, suggère NRGI. Cela nécessitera des investissements dans des usines de fabrication de cellules, qui pourraient être facilités par un soutien aux fabricants nationaux de véhicules électriques à deux et trois roues, par davantage de découvertes de lithium et par une coordination régionale sur le raffinage du lithium.
Les problèmes institutionnels abondent également. Dans une étude portant sur quatre pays africains riches en minéraux critiques – la RD Congo (cobalt), le Mozambique (graphite), Madagascar (graphite et nickel) et la Guinée (bauxite) – le Peterson Institute for International Economics a constaté qu’aucun de ces quatre pays ne disposait de l’infrastructure énergétique nécessaire pour accroître sa capacité de raffinage, dans laquelle les minéraux critiques bruts sont transformés en ingrédients pour les technologies de l’énergie verte.
Néanmoins, les institutions sont convaincues que la création de ZES en RD Congo et en Zambie aidera ces pays à progresser dans la chaîne de valeur des minerais. Antonio Pedro, secrétaire exécutif par intérim de la CEA, salue l’accord comme « une étape importante pour s’assurer que nous avons les bonnes politiques d’habilitation en place pour que la région bénéficie de ce que l’on appelle le boom des minéraux verts ».
Oluranti Doherty, directeur du développement des exportations d’Afreximbank, ajoute : « Cet accord-cadre fait de la RD Congo et la Zambie des destinations d’investissement compétitives à l’échelle mondiale. »
Les parcs industriels et les ZES sont, estime-t-on chez Afreximbank, « des outils essentiels que le continent peut déployer pour accélérer le développement de son infrastructure industrielle, promouvoir le commerce intra-africain, accélérer la mise en œuvre de la ZLECAf et faciliter le développement des exportations ».
Pour commercer entre nous, fabriquons nous-mêmes !
Les gouvernements doivent agir
Dans une interview accordée à African Business, Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce, souligne la nécessité pour les pays africains de s’intégrer dans la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques et d’insister sur les accords de traitement des minerais sur le continent afin d’ajouter de la valeur et de créer des emplois.
« Le moment est venu pour nous de nous assurer que nous faisons partie de la chaîne d’approvisionnement de ces nouveaux produits. Et nous avons les minerais qui sont recherchés, dont beaucoup se trouvent sur le continent. Les Africains doivent vraiment, cette fois-ci, de manière concertée, plaider en faveur de leur participation à la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques que tout le monde essaie de fabriquer. »
L’Afrique est riche en minéraux essentiels, notamment en « métaux de transition », un groupe d’éléments comprenant le cobalt, le nickel, le manganèse et le chrome, qui joueront un rôle clé dans le passage des combustibles fossiles à des sources d’énergie à faible teneur en carbone. La décarbonisation stimule la demande d’une série de minéraux, dont ceux-ci, le graphite, le lithium et les « terres rares » telles que le néodyme, le samarium et l’yttrium. Ils seront à la base de technologies essentielles à la transition énergétique, notamment les éoliennes, les panneaux solaires et les véhicules électriques.
Le Maroc possède 70 % des réserves mondiales de phosphate, la RD Congo 50 % du cobalt, le Gabon jusqu’à 15 % du manganèse, l’Afrique du Sud 91 % du Platinum, 46 % de l’yttrium, 22 % du manganèse, 35 % du chrome et 16 % du vanadium. La région plus large de l’Afrique australe abrite d’importantes ressources inexploitées de lithium, utilisées principalement dans la construction de batteries lithium-ion pour les véhicules électriques et le stockage à l’échelle du réseau.
Dans l’ensemble, le continent possède au moins un cinquième des réserves mondiales d’une douzaine de minéraux essentiels à la transition énergétique, selon le rapport Triple Win du Natural Resource Governance Institute (NRGI). « Ce qui rend l’Afrique essentielle à la transition énergétique », commente David Manley, analyste économique principal du NRGI pour la transition énergétique. En outre, le continent est relativement peu exploré et possède la plus faible concentration de richesses minérales connues au monde, selon l’organisation.
La ruée mondiale sur ces minerais ne fait que commencer. La Banque mondiale a étudié la production d’énergie propre nécessaire pour maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 2°C d’ici le milieu du siècle. Elle conclut que la production de graphite, de lithium et de cobalt devra être portée à 3,1 milliards de tonnes d’ici à 2050, soit une multiplication par 5,5 par rapport aux niveaux de 2019, pour répondre à la demande d’énergie et de technologies de stockage de l’énergie.
@AB