Cotonou se tourne vers le marché mondial de l’habillement

La zone industrielle de Glo-Djigbé, un vaste parc industriel situé à 45 km au nord de Cotonou, contribue aux plans du Bénin visant à faire passer les exportations de coton de 500-600 millions de dollars à 11,6 milliards de dollars par an, à horizon 2030.
Dans la vaste usine, le vrombissement des machines à coudre étouffe le son des voix. Plus de 150 personnes, assises à plusieurs rangées de grandes tables de production, coupent et cousent des feuilles de tissu colorées pour fabriquer des T-shirts et autres vêtements. Nous ne sommes ni au Bangladesh ni en Chine : nous sommes au Bénin.
Le pays est l’un des principaux producteurs de coton du continent, exportant environ 700 000 tonnes chaque année. Récemment, le gouvernement s’est lancé dans une mission visant à capturer une plus grande partie de la valeur du coton, en transformant la matière première au Bénin plutôt que de l’exporter brute.
L’un des principaux attraits pour les investisseurs étrangers est la réduction des taxes pendant une période déterminée et l’exonération des droits d’exportation. La GDIZ au Bénin suit un modèle similaire à celui de la ZES de Nkok d’Arise IIP au Gabon, qui traite le bois.
Au cœur de ces plans se trouve la zone industrielle de Glo-Djigbé (GDIZ), un vaste parc industriel situé à environ 45 km au nord de la capitale, Cotonou, qui devrait accueillir 32 usines textiles intégrées d’ici à 2030. L’objectif est de transformer le coton cultivé localement en vêtements de classe mondiale pouvant être exportés vers l’Europe et l’Amérique du Nord.
« Ce qui se passe ici est une transformation », confirme Létondji Beheton, directeur général de la Société d’investissement et de promotion de l’industrie (SIPI-Bénin), qui gère la GDIZ. « Le modèle est complètement différent de tout ce que l’on peut voir ailleurs dans le monde. Même le développement de la Chine ne s’est pas déroulé de cette manière. Nous essayons très clairement d’améliorer la vie de nos concitoyens tout en ajoutant de la valeur à l’industrie du coton. »
Le dirigeant fait référence à la manière dont certains pays asiatiques se sont développés rapidement grâce à des ateliers de misère où le personnel travaille de longues heures dans des conditions épouvantables pour produire des biens de consommation bon marché pour l’Occident. Il affirme que l’équivalent africain du modèle de développement de l’industrie légère se distingue en veillant à ce que les travailleurs des usines soient bien payés et que les conditions de travail soient correctes.
Priorité à l’exportation
Les ouvriers de l’usine sont payés 60 000 F.CFA, soit environ 915 euros par mois.
Les T-shirts actuellement fabriqués sont destinés aux États-Unis, ce qui donne un coup de pouce à une industrie d’Afrique subsaharienne qui a toujours eu du mal à rivaliser avec l’Asie du Sud et du Sud-Est. SIPI-Bénin, une coentreprise entre le gouvernement du Bénin et Arise Industrial Integrated Platforms, qui exploite également d’autres zones économiques spéciales (ZES) au Gabon et au Togo, a signé un contrat avec le fabricant de vêtements américain TCP Apparel pour l’exportation de 50 000 T-shirts vers l’Amérique.
Le Bénin fait partie des 35 pays africains actuellement autorisés à importer des marchandises aux États-Unis dans le cadre du dispositif AGOA, qui prévoit un accès en franchise de droits pour les vêtements et certains autres produits. Selon le Bureau du représentant américain au commerce, le Bénin n’a exporté que 92 000 dollars de vêtements tissés vers les États-Unis en 2019, dernière année pour laquelle des données étaient disponibles. Ce chiffre était loin derrière des catégories telles que les fruits comestibles et les noix (8 millions $), les aliments conservés (197 000 $) et les meubles et la literie (174 000 $).
Létondji Beheton indique que la GDIZ vise également des contrats avec des détaillants de vêtements internationaux basés en Europe, tels que M&S, H&M et Zara.
La création de la GDIZ devrait avoir un effet d’entraînement sur la chaîne d’approvisionnement du coton et sur l’ensemble de l’économie. Patrice Donondu, directeur d’une usine de nettoyage de coton à Bohicon, indique que la zone industrielle devrait à terme recevoir environ 13 % de la production de coton du Bénin, dont la quasi-totalité est actuellement exportée.
« La transformation du coton ici, au Bénin, profitera à tout le monde », explique-t-il à African Business. « Elle augmentera la demande et stimulera l’activité dans tous les domaines de la chaîne d’approvisionnement. »
Patrice Donondu dirige l’une des vingt usines du pays francophone gérées par la Sodeco (Société pour le développement du coton). Ces usines nettoient le coton fourni par les petits exploitants dans le cadre d’un processus connu sous le nom d’ « égrenage », en éliminant les graines, la poussière ou toute autre particule étrangère.
À l’extérieur de l’immense usine de Bohicon, douze camions remplis d’environ 30 tonnes de coton attendent de décharger la précieuse marchandise. L’usine traite environ 300 tonnes de coton par jour, dont une grande partie est destinée à l’exportation sous forme d’énormes balles enveloppées dans du plastique vert.
Des retombées pour toute l’économie
Dans une ferme située à une douzaine de kilomètres de Bohicon, le village de Houegnonkpa abrite des producteurs de coton depuis plusieurs décennies. Le chef du village, Raphael Dovonon, espère vendre une partie de son coton à la GDIZ et se réjouit de la perspective d’un gros acheteur au Bénin.
Le coton contribue actuellement au PIB du Bénin à hauteur de 40 % et aux exportations à hauteur de 80 %. Selon Létondji Beheton, la GDIZ a des objectifs très élevés pour stimuler les exportateurs de vêtements afin d’augmenter la valeur du commerce du coton.
« Le Bénin exporte actuellement du coton pour une valeur de 500 à 600 millions $ par an. « Avec la transformation qui s’opère dans la zone, de la fibre au tissu, nous allons générer environ 11,6 milliards de dollars en termes de valeur chaque année. »
La première phase de la GDIZ, qui s’étend sur 400 hectares, devrait accueillir 36 entreprises différentes, pour un investissement total de plus de 550 millions d’euros d’ici à la fin de l’année. Outre le coton, d’autres entreprises de transformation de produits de base tels que la noix de cajou, l’ananas, le karité et le soja construiront des usines dans la GDIZ.
Une filière à protéger
La zone ouvre également ses portes à des acteurs non agricoles tels que Mauto, une start-up spécialisée dans l’e-mobilité qui construit une usine d’assemblage de motos électriques dans la GDIZ afin de proposer des centaines de milliers de vélos électriques à travers l’Afrique au cours des prochaines années. Depuis mai 2022, elle a vendu plus de 4 500 motos électriques au Bénin, au Togo et au Rwanda.
Pour Létondji Beheton, dans les trois prochaines années, la GDIZ disposera d’une centrale solaire de 300 MW, qui fournira de l’électricité bon marché aux entreprises qui s’installeront dans la zone industrielle.
« Ensuite, sur les toits de tous les entrepôts, nous installerons des panneaux solaires qui produiront 100 MW d’électricité », explique le responsable. « En outre, nous construirons ici une centrale électrique au gaz qui fournira 142 MW. Nous serons en mesure de fournir une électricité très bon marché. »
Le directeur général de la coentreprise explique que l’un des principaux attraits pour les investisseurs étrangers est la réduction des taxes pendant une période déterminée et l’exonération des droits d’exportation. La GDIZ au Bénin suit un modèle similaire à celui de la ZES de Nkok d’Arise IIP au Gabon, qui traite le bois.
En 2010, le gouvernement gabonais a interdit totalement l’exportation de bois brut, afin de garantir que la valeur soit ajoutée à la ressource naturelle avant qu’elle ne soit exportée. Létondji Beheton indique que des « discussions sont en cours » en vue d’une politique similaire au Bénin en ce qui concerne le coton, mais rien n’est encore confirmé.
@AB