Tchad : Un budget de sortie de crise

Avec la chute des cours du pétrole de 2014, le Tchad a été plongé dans une grave crise financière et économique. Le gouvernement, les partenaires techniques et financiers et le secteur privé multiplient les voies de sortie.
N’Djaména, Geoffroy Touroumbaye
Le Tchad a renoué avec une croissance de 1,5 % en 2018, après deux années consécutives de récession (-3,7 % en 2016 et -3,8 % en 2017). Ce rebond est dû au retour du dynamisme dans le secteur pétrolier (+3,5 %) et aux bons résultats de la bonne campagne agricole 2018- 2019, selon le ministre des Finances et du budget, Allali Mahamat Abakar. En 2019, la croissance se hisserait à 6,9 % (à 3 % hors pétrole).
Pour la Banque mondiale, la dynamique de développement du Tchad passe par une meilleure appréciation budgétaire, l’encouragement au secteur privé et concurrentiel, et une diversification de l’économie, afin de réduire la dépendance au pétrole.
Conforté par cette évolution favorable, le gouvernement a adopté, le 30 novembre, le projet de budget 2019 qui table sur des recettes totales (hors dons) de 826 milliards (1,26 milliard d’euros) de F.CFA pour 2019 contre 653 milliards de F.CFA (1 milliard d’euros) en 2018 (+26,6 %).
Il prévoit les dépenses totales (hors amortissement de la dette) à près de 980 milliards de F.CFA contre 950 milliards de F.CFA en 2018 (+3,1 %). Il en résulte un solde budgétaire de base (hors don) déficitaire de 153,35 milliards de F.CFA (contre 297,65 milliards en 2018) qui sera essentiellement financé par les appuis multiformes des partenaires techniques et financiers, a annoncé le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Oumar Yaya Hissein.
Le projet de budget 2019, à l’instar des précédents, obéit aux recommandations du FMI dans le cadre du programme de Facilité élargie de crédit. « Il reflète la volonté du gouvernement à promouvoir l’emploi, à améliorer les conditions de travail et le pouvoir d’achat des fonctionnaires en portant de 50 % à 65 % les augmentations générales spécifiques », affirme Allali Mahamat Abakar. Le 26 octobre, le gouvernement et les syndicats avaient signé un accord mettant fin à la grève qui a paralysé l’administration publique durant cinq mois.
Le budget 2019 « traduit aussi la volonté du gouvernement à soutenir la relance des activités économiques à travers la mise en oeuvre du plan d’apurement des arriérés intérieurs qui découlera de l’audit qui est en cours de finalisation », affirme le ministre des Finances.
En février 2018, le gouvernement a décidé d’apurer une partie de la dette intérieure, soit plus de 50 milliards de F.CFA (12,2 milliards de façon directe et 40 milliards par compensation des impôts). « Au nom de l’entreprenariat et du secteur privé », le président de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture, des mines et d’artisanat du Tchad (CCIAMA), Amir Adoudou Artine, avait salué cette volonté du gouvernement d’« avancer sur ce dossier épineux » qu’est la dette intérieure qui dépasse les 800 milliards de F.CFA (1,2 milliard d’euros).
Mobilisation des recettes
Le budget 2019 reste marqué par la faiblesse de la croissance au niveau de la sous-région, par un contexte sécuritaire précaire (lutte contre Boko Haram, situation confuse dans la province du Tibesti frontalière avec la Libye), par les incertitudes sur l’évolution des cours du pétrole et, au niveau national, par les effets induits des grèves intervenues durant l’année 2018.
L’aboutissement de la restructuration de la dette de 1,3 milliard de dollars de Glencore en février 2018, ainsi que la mise en oeuvre satisfaisante du programme avec le FMI, restent des éléments satisfaisants aux yeux du gouvernement qui entend poursuivre les efforts pour la mobilisation des recettes domestiques hors pétrole et la maîtrise des dépenses publiques pour aboutir à une troisième revue avec l’institution de Bretton Woods.
« Le président de la République a donné des instructions fermes au gouvernement en vue de procéder au réajustement de certaines rubriques, d’user de tous les leviers financiers, fiscaux et budgétaires susceptibles de permettre l’atteinte de ces objectifs visant à soutenir la croissance, à diversifier l’économie, à développer l’emploi et à consolider le redressement des finances publiques », confie Oumar Yaya Hissein.