Financer autrement les villes
Certes, les villes africaines ne sont pas encore les moteurs de croissance qu’elles devraient être, mais avec des réformes clés, elles peuvent prospérer, juge un rapport de la Banque africaine de développement.
À moins de changements urgents, les villes africaines ne demanderont ni ne recevront les financements dont elles ont désespérément besoin pour relever les défis d’une urbanisation sans précédent, selon un nouveau rapport de la BAD (Banque africaine de développement BAD).
Alors que la population des villes africaines devrait presque tripler au cours des 25 prochaines années, la BAD propose un certain nombre de stratégies clés pour répondre au besoin urgent de financement de la croissance urgente du continent.
Les conclusions du rapport font état d’une augmentation spectaculaire de la population – la population urbaine de l’Afrique devrait atteindre 1,5 milliard d’habitants d’ici à 2050. La ville de Lagos comptera environ 24,5 millions d’habitants en 2050, soit plus de 32 fois sa taille au moment de l’indépendance du Nigeria en 1960.
L’urbanisation représente une opportunité économique, politique et sociale cruciale pour accélérer les progrès vers les cibles fixées dans les objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies et l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Mais si les villes africaines sont incapables de construire des infrastructures et d’étendre leurs services, le coût en sera supporté par le monde entier, indique le rapport.
« Il est temps de voir grand ; les villes africaines détiennent le pouvoir. Agissons avec audace pour transformer l’avenir de l’Afrique pour les générations à venir », a déclaré Astrid Haas, co-auteur du rapport, lors de la présentation du rapport à l’occasion d’un forum organisé en marge du Forum africain de l’investissement à Marrakech, le 10 novembre.
La planification est essentielle
Selon le rapport, la manière dont les Africains planifient l’urbanisation rapide déterminera la trajectoire du continent pour les siècles à venir – aucun pays n’a jamais atteint le statut de pays à revenu intermédiaire sans avoir connu une transition urbaine bien gérée.
Mais les villes africaines ne sont pas encore les moteurs de la croissance économique qu’elles pourraient être. Des investissements judicieux dans les infrastructures, la prestation de services de qualité et la création d’emplois font cruellement défaut. À lui seul, le déficit d’infrastructures du continent est immense : pour le combler, il faudra plus que doubler les investissements existants, estimés entre 130 et 170 milliards de dollars par an, dont la majeure partie sera déployée dans les villes.
Ce document cherche à aller au-delà des analyses existantes qui se contentent de conclure que « les villes africaines ont besoin de plus de financement » ou que « les villes africaines ont besoin de projets bancables ». Après avoir examiné les contraintes qui pèsent sur le financement des villes africaines, il examine de manière ascendante les différents budgets de dix villes africaines afin de révéler les thèmes communs et de mettre en évidence les possibilités d’amélioration du financement infranational, tant du côté de l’offre que de celui de la demande.
Les solutions détaillées vont de la création d’environnements favorables et de l’augmentation des flux de revenus vers les villes à l’amélioration de l’autonomie fiscale et de la solvabilité.
Des réformes sont nécessaires
Bien que le défi du financement des villes africaines soit généralement décrit comme un problème de « bancabilité », il faudra également modifier la manière dont le financement est fourni, affirme le rapport.
« Le défi consiste à mieux jouer le jeu du financement et à tirer parti des options disponibles que les villes peuvent influencer. Toutefois, cela n’est possible que si les villes bénéficient du soutien de leur gouvernement national pour améliorer la collecte des recettes et obtenir des financements », affirment les auteurs.
S’appuyant sur les exemples du Mexique et des Philippines, ils soulignent la nécessité de mobiliser les marchés nationaux pour le financement plutôt que de chercher à l’extérieur. Les réformes, telles que le développement d’instruments comme les notations de crédit, ont permis aux investisseurs de voir les améliorations apportées par les villes et de comprendre les opportunités d’investissement.
Selon les auteurs, de telles réformes sont tout à fait à la portée des pays africains.
« Des efforts simultanés des secteurs public et privé ciblant l’offre et la demande des marchés financiers sont essentiels pour façonner le développement de l’Afrique à l’horizon 2050 et faire en sorte que les villes du continent soient des lieux productifs, vivables et durables où les citoyens non seulement vivent, mais s’épanouissent », affirment-ils.
Quatre façons d’attirer davantage d’investissements privés dans les villes
S’exprimant également lors de la présentation, Akinwumi Adesina, président de la BAD, a souligné qu’il fallait accorder une plus grande priorité à l’attraction des investissements privés dans les villes.
Il a présenté quatre façons d’y parvenir : en accordant une plus grande autonomie et une plus grande responsabilité fiscale aux villes ; en utilisant des titres de créance qui pourraient fournir un financement plus important ; en développant un meilleur financement hypothécaire pour rendre les villes plus vivables avec un accès à des logements abordables ; et en fournissant un espace réglementaire supplémentaire pour lever des fonds sur les marchés de capitaux locaux en émettant des obligations municipales et vertes afin de stimuler leur propre financement.
@AB