Électricité : le défi du dernier kilomètre

Un projet mené au Kenya montre qu’intensifier le raccordement des populations périurbaines au réseau électrique a certes des effets bénéfiques, mais ne fait qu’augmenter légèrement la consommation, sans dynamiser l’utilisation productive de l’énergie ainsi disponible.
Au Kenya, la BAD (Banque africaine de développement) soutient un projet de connectivité du dernier kilomètre, dont l’évaluation de la première phase est riche d’enseignements. Si les premiers résultats semblent positifs, il faut aller plus loin et encourager l’utilisation productive de l’électricité par les bénéficiaires, en plus de la consommation de base des ménages, jugent les observateurs de ce projet.
« Le programme a été conçu pour accélérer le raccordement des personnes à faible revenu en subventionnant les frais de raccordement à l’avance. »
« Deux à trois ans après avoir connecté les ménages au réseau, la consommation d’électricité par les bénéficiaires est restée faible, les ménages utilisent principalement l’électricité pour l’éclairage et le chargement des téléphones », souligne un rapport d’étape. Comment alors la Kenya Power and Lighting Company (KPLC), l’agence chargée de la mise en œuvre du projet, pourrait-elle « stimuler » une demande supplémentaire d’électricité de la part des ménages et des entreprises dans les zones rurales, comme le recommande la BAD ?
Contrairement aux prévisions initiales, l’utilisation productive de l’électricité n’a que peu augmenté. Aussi le Keyna doit-il davantage lier l’accès à l’électricité à des activités génératrices de revenus telles que les services d’irrigation et la promotion des petites entreprises.
Selon Anthony Musyoka, ingénieur à la compagnie Ketraco, les communautés sont mal informées : « Il n’y a pas eu de sensibilisation des communautés. Elles doivent être sensibilisées pour qu’elles sachent que l’électricité peut être utilisée pour créer de la richesse, et pas seulement pour s’éclairer. »
D’autres points sont soulevés, notamment la nécessité de rendre l’électricité plus abordable et plus fiable, le rapport indiquant que « le coût élevé de l’électricité par rapport au revenu des ménages bénéficiaires compromet l’accès à l’électricité et l’utilisation productive de celle-ci ».
De son côté, Joseph Oketch, de l’Autorité de régulation de l’énergie et du pétrole, rappelle que le coût élevé de l’électricité est déterminé par plusieurs facteurs. « Il s’agit davantage du coût élevé de la production, du coût de la transmission ainsi que du coût de la distribution et de l’approvisionnement. Toutes ces questions doivent être abordées de manière globale. » Car le rapport souligne les effets positifs notables du projet : une augmentation de 83 % de l’accès à l’électricité pour l’éclairage, grâce au réseau national.
Quelques améliorations à apporter
Ainsi, le rapport indique-t-il que la probabilité que les enfants étudient le soir a augmenté de 45 % et que les notes des élèves du secondaire ont augmenté de 34 % chez les ménages bénéficiaires. « Cela témoigne de l’amélioration de la capacité et de la qualité de l’électricité, étant donné que la plupart des comtés sont désormais desservis par le réseau », reconnaît Anthony Musyoka.
Ce bilan d’étape positif fait du Kenya un modèle pour les autres pays de la région, selon Alemayehu Wubeshet Zegeye, de la BAD. « Le modèle utilisé au Kenya était unique et a permis d’accélérer la connexion en très peu d’années. Le programme a été conçu pour accélérer le raccordement des personnes à faible revenu en subventionnant les frais de raccordement à l’avance. » En effet, la réduction des frais de raccordement de 35 000 à 15 000 shillings kenyans (environ 269 dollars à 115 $), payables en trois ans, a encouragé un plus grand nombre de ménages ruraux à demander un raccordement au réseau.
Le pays a l’intention de raccorder 17 millions de ménages au réseau national d’ici 2030, dont neuf millions sont actuellement raccordés ; le projet Kenya LMCP a permis de raccorder jusqu’à présent environ 530 000 ménages dans 47 comtés.
Le rapport émet quelques recommandations. Comme assurer la durabilité des bénéfices du projet. Premièrement, en renforçant la capacité organisationnelle et opérationnelle de la compagnie e charge du projet (ici, la KPLC) par le biais d’instruments autres que des prêts. Deuxièmement, renforcer la participation des dirigeants communautaires et des bénéficiaires. De plus, il faut davantage stimuler et réguler la demande des ménages et des entreprises pour l’utilisation productive de l’électricité. Enfin, les acteurs doivent encore améliorer la conception et la mise en œuvre des futurs projets d’électrification.
@AB