Tidjane Thiam, pour un capitalisme inclusif

Une vingtaine de dirigeants internationaux unissent leur vision en faveur d’un capitalisme qui ne laisse personne de côté et qui respecte l’équité, sous le regard attentif du Vatican. Parmi eux, Tidjane Thiam.
Par Marie-Anne Lubin
Peut-on moraliser le capitalisme ? Les « Gardiens du capitalisme inclusif », un groupe de dirigeants internationaux, en sont persuadés. Et ils ont convaincu le pape François, attentif de longue date à leurs travaux, de créer un Conseil pour un capitalisme inclusif qui associe le Vatican. Conseil qui regroupe de nombreuses personnalités, dont Tidjane Thiam, membre du conseil d’administration du groupe de luxe Kering.
« Il est urgent de mettre en place un système économique qui soit équitable, digne de confiance et capable de relever les défis les plus profonds auxquels l’humanité et notre planète sont confrontées », affirme le pape François.
L’ancien directeur général du Crédit Suisse est également l’un des quatre ambassadeurs de la force africaine de réponse à la Covid-19. En novembre, le dirigeant franco-ivoirien a accepté de présider la Rwanda Finance Limited, une entreprise publique chargée de faire rayonner Kigali en tant que place d’investissements.
Ce Conseil se présente comme étant un nouveau partenariat historique entre certains des plus grands leaders mondiaux de l’investissement et du commerce, et le Vatican. Ses activités ont démarré le 8 décembre 2020. Il symbolise, selon ses promoteurs, « l’urgence de joindre les impératifs moraux et les impératifs du marché de réformer le capitalisme en une force puissante pour le bien de l’humanité ».
S’il œuvre sous la supervision morale du pape François et du cardinal Peter Turkson, qui dirige le Dicastère pour le service du développement humain intégral au Vatican, il se dit « inspiré par l’impératif moral de toutes les confessions ». Plus généralement, le Conseil invite les entreprises de toutes tailles à exploiter le potentiel du secteur privé pour construire « une base économique plus juste, plus inclusive et plus durable pour le monde ».
Régulièrement, les Gardiens du capitalisme inclusif présentent leur vision au pape François et au cardinal Turkson ; le prélat ghanéen étant par ailleurs président du Conseil pontifical Justice et paix. Ces dirigeants représentent plus de 10 500 milliards de dollars d’actifs sous gestion, des entreprises avec une capitalisation boursière de plus de 2 100 milliards $ et 200 millions de travailleurs dans plus de 163 pays.
L’organisation met au défi les entreprises leaders de l’investissement et du commerce de toutes tailles d’adopter ses principes directeurs et de s’engager publiquement à les mettre en œuvre. Ces actions collectives sont destinées à conduire à un changement général en faisant du capitalisme une plus grande force pour l’inclusion et la durabilité.
Une panoplie d’actions concrètes
Ses principes sont l’égalité des chances pour tous de rechercher la prospérité et la qualité de vie, quels que soient les critères tels que le milieu socio-économique, le sexe, l’appartenance ethnique, la religion ou l’âge. Le capitalisme inclusif prône des résultats équitables pour ceux qui ont les mêmes opportunités et les saisissent de la même manière.
Il veille à l’équité entre les générations afin qu’une génération ne surcharge pas la planète ou ne réalise pas d’avantages à court terme qui entraînent des coûts à long terme, au détriment des générations futures. Il prône l’équité envers les membres de la société dont les circonstances les empêchent de participer pleinement à l’économie.
Bien entendu, le Conseil entend fournir des outils pour sortir des « vœux pieux ». Les gardiens se sont déjà engagés dans des centaines d’actions significatives, et les membres du Conseil prendront des engagements permanents pour continuer à faire progresser le capitalisme inclusif. Ils seront redevables de leurs engagements publics et inviteront les entreprises du monde entier à les rejoindre.
Le pape François a déclaré aux gardiens : « Il est urgent de mettre en place un système économique qui soit équitable, digne de confiance et capable de relever les défis les plus profonds auxquels l’humanité et notre planète sont confrontées. » Le Souverain pontife salue ainsi ceux qui ont « entrepris de relever le défi en cherchant des moyens de faire du capitalisme un instrument plus inclusif pour le bien-être intégral de l’homme ».
« Le capitalisme a créé une richesse immense dans le monde, mais il a également laissé trop de gens derrière, conduit à la dégradation de notre planète et il ne bénéficie pas de la confiance de tous », répond Lynn Forester de Rothschild, fondatrice du Conseil et associée directrice d’Inclusive Capital Partners. Elle promet que le Conseil suivra l’avertissement du pape François d’écouter « le cri de la terre et le cri des pauvres » et de répondre aux demandes de la société pour un modèle de croissance plus équitable et durable.
On retrouve chez ces « gardiens » des dirigeants de groupes qui communiquent fréquemment sur leur RSE (Responsabilité sociétale de l’entreprise). Tel Mastercard, Allianz, Dupont, EY, Merck, Visa, Guardian Life Insurance, etc. Ainsi que des dirigeants syndicaux, d’organisations internationales ou de clubs de réflexion sur l’avenir du capitalisme.
ML