Niger : une forte croissance, de nombreux besoins

Dans une note intitulée « Maximiser les dépenses publiques pour mieux reconstruire », la BIRD (Banque mondiale) dresse les forces et les risques du Niger à court et moyen terme. Le pays retournera vite à une forte croissance, mais ses dépenses devront être mieux ciblées.
Par Paule Fax
Dans un contexte d’incertitude plus élevé que d’habitude, l’économie du Niger devrait enregistrer une croissance de 5,5 % en 2021, juge la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement). Selon cette branche de la Banque mondiale, la reprise économique du Niger permettra une hausse du PIB par habitant, qui demeurera, néanmoins, inférieur à celui de 2019, durant quelques années encore.
En matière de finances publiques, la BIRD suggère au Niger d’éliminer les exonérations fiscales, et d’améliorer l’efficacité et la transparence des dépenses. Ce qui n’empêcherait pas d’adopter de nouveaux filets sociaux et de lutter contre les inégalités de genre.
La croissance sera progressive dans tous les secteurs, prévoit la note de la BIRD publiée fin juillet. L’agriculture bénéficiera de la réouverture de la frontière avec le Nigeria, l’industrie sera portée par la reprise de la demande mondiale de pétrole tandis que l’assouplissement progressif des restrictions liées à la pandémie relancera le secteur des services.
Du côté de la demande, l’investissement privé progressera régulièrement, soutenu par des projets d’infrastructure, à condition que la situation de sécurité intérieure ne se détériore pas davantage. La consommation privée bénéficiera également de l’augmentation de l’activité dans les secteurs de la construction et de l’énergie, mais sa croissance devrait être légèrement inférieure au rythme d’avant l’épidémie.
Avec la reprise complète des opérations frontalières avec le Nigeria et l’importation de biens d’équipement pour les grands projets d’infrastructure, le déficit commercial devrait légèrement se creuser, pour atteindre 21 % du PIB.
Les prix des exportations, notamment l’uranium et les produits pétroliers, devraient augmenter en 2021, soutenant le terme des échanges et augmentant à la fois les recettes d’exportation et les recettes publiques. Un effet atténué par la fermeture, en mars 2021, de la mine d’uranium d’Akouta et par les capacités limitées de raffinage et de transport.
De même, les termes de l’échange seront affectés par la réduction des prix internationaux de l’or. Sauf nouveau « choc », l’inflation reviendra à la moyenne à long terme de 2 %.
Restent certaines difficultés, souligne la BIRD : avec la persistance des problèmes sécuritaires, humanitaires et sociaux, cette année, le déficit budgétaire devrait rester élevé et la dette publique culminer à 44,7 % du PIB. Progressivement, croissance économique, hausse des recettes fiscales et douanières viendront compenser la nécessaire stabilité des dépenses.
Une transition « relativement pacifique »
La croissance devrait augmenter dans les années à venir. Elle dépassera 10% en 2023, lorsque les effets de la pandémie seront totalement dissipés aux niveaux local et mondial et, surtout, lorsque la production pétrolière sera mise en service. L’augmentation des exportations de pétrole contribuera au renforcement de la position extérieure tandis que les recettes supplémentaires provenant du secteur de l’énergie faciliteront également l’assainissement budgétaire.
« À condition que les dépenses soient maîtrisées », prévient la BIRD. Tout cela devrait permettre une réduction de la pauvreté, mais pas avant 2023. D’ici là, la crise de la Covid-19 pourrait avoir des répercussions sur « les dimensions non monétaires du bien-être ». Par exemple, les fermetures temporaires d’écoles encouragent l’abandon scolaire, en particulier pour les filles et les personnes les plus vulnérables.
Toutefois, les risques globaux du Niger sont en baisse, comme en témoigne la transition « relativement pacifique » du pouvoir, qui pourrait attirer de nouveaux investisseurs. Reste les risques sécuritaires et ceux liés à une éventuelle reprise de l’épidémie.
À moyen terme, les fortes pressions démographiques continueront d’être un défi majeur. En outre, étant donné la forte dépendance à l’égard de l’agriculture – de subsistance – et son faible niveau de résilience, le pays est fortement exposé au risque de catastrophes naturelles. Aussi, préviennent les experts de la BIRD, « le boom attendu des exportations de pétrole ne doit pas être considéré comme une raison de se reposer sur ses lauriers ».
D’autant que la mise en service de l’oléoduc qui relie le bassin pétrolier d’Agadem au port de Seme, sur la côte du Bénin, et qui devrait permettre d’augmenter considérablement les exportations de pétrole est reportée au début de 2023.
Les résultats positifs de l’après Covid-19 dépendront aussi des circonstances extérieures, c’est-à-dire de l’état des principaux partenaires commerciaux du Niger, du succès de la Zone de libre-échange, de la disponibilité des investissements étrangers et des subventions, de la disponibilité et de la diffusion des vaccins…
La santé d’abord, les finances publiques après
Dans les vingt prochaines années, le Niger devra s’adapter à la détérioration continue des conditions climatiques, apprendre à gérer la richesse potentielle provenant de l’augmentation de la production pétrolière, améliorer la fourniture de services de base et d’infrastructures. Le tout dans un contexte de forte croissance démographique.
« Dès lors, le défi pour le gouvernement nouvellement nommé est d’adopter un plan de réformes audacieux, soutenu par les partenaires internationaux, visant à garantir que Niger puisse sortir de la crise dans des conditions meilleures que celles de son entrée. »
À court terme, la priorité doit être donnée aux dépenses de santé, avant de rétablir les finances publiques. Sur ce point, la BIRD suggère au Niger d’éliminer les exonérations fiscales et d’améliorer l’efficacité et la transparence des dépenses.
Ce qui n’empêcherait pas, concernant ces dernières, d’adopter de nouveaux « filets sociaux » et de lutter contre les inégalités de genre. Enfin, la BIRD recommande de mettre en œuvre des mesures visant à attirer de nouveaux acteurs dans le domaine de la microfinance et des technologies financières « afin de renforcer la concurrence et d’encourager tous les acteurs du secteur financier à étendre leur champ d’action ».
PF