Le FMI presse les réformes en Tunisie

L’économie de la Tunisie pourrait rebondir de 3,8% en 2021, juge le Fonds monétaire international. Lequel s’alarme des embauches dans l’administration publique l’an dernier, et appelle à une meilleure gouvernance des entreprises publiques.
Par Paule Fax
« Un ralentissement économique sans précédent. » Selon les estimations du FMI, le PIB réel de la Tunisie s’est contracté de 8,2 % en 2020. Il s’agit de la récession la plus prononcée depuis que le pays est devenu indépendant, note l’institution de Washington. Laquelle presse, une nouvelle fois, le pays à réaliser des réformes structurelles, s’alarmant d’une nouvelle poussée de la masse salariale dans ses administrations.
Selon le ministre de l’Économie, le gouvernement a déjà pris d’importantes mesures face à la conjoncture économique, qui « seront effectives dans les semaines à venir ». Ali Kooli insiste sur la nécessité d’« un retour énergique au travail au risque de cumuler plus de difficultés ».
Pourtant, reconnaît le FMI, la Tunisie est également touchée par le manque d’emplois : le taux de chômage, à 16,2% fin septembre 2020, « a touché de manière disproportionnée les travailleurs peu qualifiés, les femmes et les jeunes, et contribue au mécontentement social ». Lequel a été tempéré par la relative sagesse des prix.
Sur le plan des comptes publics, l’année 2020 s’est soldée par une forte réduction du déficit des transactions courantes. L’effondrement des recettes du tourisme, a été en partie compensé par le recul de la demande intérieure en produits importés. Ainsi que du soutien de la diaspora tunisienne qui a continué à envoyer des fonds dans le pays.
Il n’empêche, le déficit budgétaire avoisine 11,5% du PIB, en raison de la baisse des recettes fiscales. Pendant la crise, les embauches supplémentaires ont grevé le public, constate le PIB. Qui s’étonne qu’à 40% d’entre elles, seulement, ces embauches aient été effectuées dans le secteur de la santé, pour combattre la propagation de la Covid-19 dans le pays. C’est pourquoi la masse salariale de la fonction publique ressort à 17,6% du PIB, l’« une des plus élevée au monde », souligne le FMI. Et la dette de l’administration publique avoisinerait 87% du PIB, selon ses premières estimations.
Une riposte bienvenue à la crise sanitaire
En 2021, le PIB pourrait rebondir de 3,8 %, tandis que les effets de la pandémie commenceront à s’atténuer. Cependant, cette projection est exposée à des risques à la baisse considérables, étant donné l’incertitude entourant la durée et l’intensité de la pandémie, ainsi que le calendrier des vaccinations. Les perspectives à moyen terme dépendent dans une large mesure de la trajectoire future de la politique budgétaire, ainsi que des réformes structurelles et de la gouvernance.
Dans l’ensemble, la crise de la Covid-19 aggrave les fragilités sociales et économiques de la Tunisie, constatent les administrateurs du FMI qui, néanmoins, « saluent la riposte des autorités à la crise ». Dans l’immédiat, « la priorité consiste à sauver des vies, ainsi que les moyens de subsistance de la population, et à stabiliser l’économie jusqu’à ce que la pandémie s’atténue ». Toutefois, conseille le Fonds, la politique économique doit garder comme objectif de rétablir la soutenabilité des finances publiques et de la dette.
Dès lors, le FMI juge nécessaire de réduire la masse salariale et de limiter les subventions énergétiques, tout en accordant la priorité aux dépenses de santé et à l’investissement, ainsi qu’en protégeant les dépenses sociales ciblées.
Préoccupation qui doit s’étendre aux entreprises publiques, dont la gouvernance doit être améliorée. En s’écartant de ce cap, la Tunisie prend le risque d’une dette « insoutenable ». Le FMI appelle de ses vœux « une fiscalité plus équitable et favorable à la croissance ». Il juge peu approprié l’arme monétaire (« planche à billets ») pour relancer l’économie, face au risque inflationniste.
Sans attendre, l’agence Moody’s avait abaissé, fin février, sa notation sur la dette long terme de la Tunisie, de B2 à B3. L’agence invoque l’« affaiblissement de la gouvernance face à l’augmentation des contraintes sociales ». Elle s’attend, « au mieux, à un processus de longue haleine » dans les négociations avec la société civile pour lui faire accepter le train de réformes nécessaires. En revanche, la position extérieure de la Tunisie est « relativement stable ». Et Moody’s d’appeler à nouveau plan de soutien sous l’égide du FMI.
Retourner au travail
Justement, ce dernier plaide pour une meilleure promotion du secteur privé, « pour augmenter la croissance potentielle et la rendre plus riche en emplois et inclusive ». Sur ce point, il salue les efforts que les autorités consentent pour accroître l’inclusion financière et tirer parti des technologies numériques, ainsi que les investissements prévus dans les énergies renouvelables. Il est néanmoins nécessaire de renforcer la gouvernance et de mettre en œuvre les dispositifs de lutte contre la corruption, contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
De son côté, le ministre de l’Économie, des finances et de l’appui à l’investissement, Ali Kooli, a rappelé, le 1er mars, que le gouvernement a déjà pris d’importantes mesures face à la conjoncture économique, qui « seront effectives dans les semaines à venir ». Il insiste sur la nécessité d’« un retour énergique au travail au risque de cumuler plus de difficultés ».
Évoquant « l’après-Covid », à compter de 2022, le ministre juge que la Tunisie « ne peut pas vivre » avec un taux de croissance compris entre 1% et 2%. Résolument optimiste, Ali Kooli considère que le pays « doit arriver à réaliser un taux de croissance de près de 10% sur le court terme ». À condition que les revendications sociales s’estompent.
PF