Le Cameroun refinance sa dette

Grâce à une émission euro-obligataire réussie, le Cameroun peut alléger le poids de sa dette, ces prochaines années. Ce refinancement écarte le spectre d’un surendettement, pour un pays qui aura besoin, ces prochaines années de financer son développement économique.
Par Kimberly Adams
« Après la première émission de 2015, dont l’intérêt était de 9,5%, le Cameroun a sur ce premier semestre opéré un retour bienvenu sur les marchés financiers, notamment ceux des euro-obligations. »
Ainsi se félicite le ministre camerounais des Finances, Louis Paul Motaze, après l’émission qui a permis à son pays de lever 450 milliards de F.CFA (686 millions d’euros) sur les marchés financiers internationaux. En effet, après cette opération, sursouscrite 3,2 fois, le taux d’intérêt ressort à 5,95%.
Pour le pays, ce nouvel emprunt est en fait… un désendettement. Car les fonds recueillis vont servir à refinancer l’emprunt de 2015, dont le taux d’intérêt – même revu à 8% après sa conversion en euros – était peu soutenable. En effet, il aurait fallu au pays, à partir de 2023, dépenser environ 150 milliards de F.CFA par an.
« La confiance que les investisseurs viennent de témoigner dans la signature du Cameroun est une source d’encouragement pour la poursuite des réformes que le pays poursuit en vue de la montée sociale d’ici 2035. »
La réussite de cette levée de capitaux n’était pas gagnée d’avance, tant l’inquiétude s’est fait jour, ces derniers mois, concernant la dette du Cameroun. L’opération de refinancement était la première depuis 2015 sur les marchés internationaux. Un temps, le Cameroun avait envisagé, avec le FMI et la BEAC (Banque centrale des États d’Afrique centrale), la possibilité d’emprunter sur le marché de la CEMAC. Le faible engouement et le manque de profondeur du marché l’en ont dissuadé.
Directement libellés en euros, les carnets d’ordres ont atteint 1481,15 milliards de F.CFA, alors que le pays ne recherchait que 450 milliards. « L’État a atteint un taux de rachat record », se félicite le ministre qui fait état de 205 investisseurs ayant participé aux enchères.
« Les investisseurs ont marqué leur confiance retrouvée dans la qualité de signature du Cameroun, confortée par la bonne exécution d’un premier programme, la perspective de signature d’un nouveau programme avec le FMI et la mise en œuvre de notre stratégie de développement 2020-2030 », résume Louis Paul Motaze.
Un ratio de dettes raisonnable
Il est vrai qu’au-delà des inquiétudes concernant certains pays spécifiques, les marchés de la dette reviennent peu à peu favorables aux pays en voie de développement, dont la croissance est appelée à retrouver ses niveaux récents dès 2022. Le Bénin et la Côte d’Ivoire en ont également bénéficié, ces derniers mois.
Certes, le délai de paiement est allongé, mais le service de la dette va diminuer. Le taux d’intérêt obtenu constitue également un point d’ancrage pour les opérations ultérieures, y compris sur les marchés de la CEMAC.
Le Cameroun n’a pas lésiné sur la communication financière. Après l’annonce de l’opération sur les marchés, par le président Paul Biya, le 26 mai, une délégation s’est rendue en France pour présenter l’opération. Puis, un Roadshow, tenu du 23 au 29 juin a permis rencontres et négociations entre la délégation camerounaise et une centaine d’analystes financiers.
Ils représentaient plus de 70 groupes d’investisseurs avec de grandes capacités d’investissement. « Ces rencontres ont permis à notre délégation de présenter la situation politique et sociale du pays, ses performances et ses perspectives économiques à moyen et long terme. L’objectif était de donner aux investisseurs une meilleure image du crédit au Cameroun », explique le ministre.
Sur le plan économique, nos défis restent nombreux, concède-t-il. « Mais la confiance que les investisseurs viennent de témoigner dans la signature du Cameroun est une source d’encouragement pour la poursuite des réformes que le pays poursuit en vue de la montée sociale d’ici à 2035. »
Préalablement à ces réunions, le ministre avait dû répondre aux critiques ou les inquiétudes exprimées au Cameroun. Face aux députés, il a tenu à rappeler que les critères convergence de la CEMAC donnent la possibilité à un pays d’Afrique centrale de s’endetter jusqu’à 70% de son PIB.
« Nous en sommes à peine à 45% », avant cette dernière opération, a-t-il expliqué. « Ce serait bien, chaque fois qu’on dit que le Cameroun est surendetté, de se renseigner. Chez les autres c’est comment ? En Afrique centrale, nous voyons des pays endettés à plus de 100% du PIB ! »
KA