Le Bénin, prêt à rebondir

La dette du Bénin, défendue par son gouvernement, n’inquiète pas Fitch Ratings. L’agence pourrait revoir favorablement sa notation, fait-elle savoir dans une note où elle salue les perspectives de croissance du pays, à l’endettement sous contrôle.
Par Laurent Soucaille
La décision, essentiellement technique, passerait inaperçue, en temps ordinaires. Fitch Ratings a revu favorablement ses perspectives sur le Bénin, pays que l’agence de notations estime prêt pour l’après-Covid.
Si la notation de la dette long terme en devises est maintenue à « B », les perspectives passent de « stables » à « positives ». Cette révision est l’occasion de dresser un panorama plutôt flatteur du pays de Patrice Talon, à quelques semaines d’échéances électorales majeures.
« La performance du Bénin dans le cadre de son dernier programme FEC a été solide, tous les objectifs étant atteints, et le pays a bilan de prudence budgétaire et progrès des réformes structurelles depuis 2016. »
En effet, cette révision des perspectives « reflète notre attente de base selon laquelle le Bénin enregistre une forte croissance à mesure que l’impact de la pandémie s’estompe et après la réouverture de la frontière avec le Nigeria », notent les analystes financiers. Qui considèrent que le gouvernement « inversera progressivement la détérioration temporaire des finances publiques et stabilisera la dette publique », laquelle se situera « bien en deçà » de ce que suggère la notation « B ».
« Cette décision confirme la résilience des fondamentaux économiques du pays, qui affiche en 2020 l’un des taux de croissance économique les plus dynamiques d’Afrique subsaharienne, en dépit de la pandémie », se félicite Romuald Wadagni, ministre de l’Économie et des finances.
La réouverture de la frontière, fermée par le Nigeria entre août 2019 et décembre 2020, devrait permettre aux flux commerciaux bilatéraux de se redresser en 2021. À court terme, l’impact visible devrait être faible : les données officielles indiquent que la frontière de 800 km est probablement restée poreuse pendant une partie de la fermeture.
Les importations officielles, dont environ 40% sont passées en contrebande au Nigeria, ont commencé à se redresser au deuxième trimestre 2020 et ont atteint environ 80% des niveaux de pré-fermeture, dès le trimestre suivant. Les discussions en cours entre les deux gouvernements reflètent un assouplissement des relations et « limitent le risque d’une nouvelle fermeture à court terme, même s’il reste un risque extrême », jugent les analystes.
Des objectifs atteints
L’économie béninoise a fait preuve d’une relative résistance au double choc lié à la pandémie et à la fermeture des frontières, avec une croissance du PIB estimée à 2,3% en 2020 contre 6,9% en 2019. Modérée, l’activité dans les secteurs de l’agro-industrie et de la construction, tirée par l’investissement public, a compensé en partie la faiblesse des performances des secteurs de l’agriculture, du commerce et des transports. Ces dernières ont été touchées par les mesures de confinement – bien que peu contraignantes, au Bénin – et la baisse de la demande mondiale et du commerce informel avec le Nigeria.
Fitch table sur une croissance de 5,6% en 2021, puis un retour aux niveaux d’avant le choc pandémique à 6,2% en 2022, tirée par un rebond du commerce, des transports, de l’agriculture et de la construction. Dans le même temps, les experts misent sur une reprise lente au Nigeria (+1,5% en 2021). Bien sûr, tout risque n’est pas écarté : la crise sanitaire pourrait se prolonger – alors que les perspectives de vaccination restent floues – au Bénin et chez les partenaires commerciaux.
À moyen terme, la crédibilité de la politique macroéconomique restera probablement solide. Après les élections d’avril 2021, le Bénin devrait renouveler son programme à moyen terme avec le FMI, qui a expiré à la mi-2020. « La performance du Bénin dans le cadre de son dernier programme FEC a été solide, tous les objectifs étant atteints, et le pays a bilan de prudence budgétaire et progrès des réformes structurelles depuis 2016. »
Sans doute, l’assainissement du déficit des administrations publiques sera-t-il un peu plus lent qu’envisagé. Néanmoins, à moyen terme, leur dette se stabilisera à environ 48% du PIB. Autre potentiel : la dette garantie et la dette des entreprises publiques représentent ensemble moins de 1% du PIB en 2020 alors que le gouvernement n’a encore signé aucun accord de partenariat public-privé.
Au plan purement financier, si le marché obligataire régional est « peu profond », les mesures de liquidité prises par la Banque centrale continueront de soutenir la demande d’obligations en francs CFA.
« On peut revenir en arrière… »
Voilà qui conforte la politique de Patrice Talon, et de son ministre Romuald Wadagni, qui n’hésitent pas à recourir au levier de la dette pour financer des investissements. La dette du Bénin avoisine 4 200 milliards de F.CFA.
Répondant aux inquiétudes qui s’expriment face à ce montant, le ministre considère qu’« on doit plutôt se féliciter sur le fait qu’aujourd’hui, l’État du Bénin va sur tous les grands marchés ». Il constate que dans le pays, en quelques années, « on a construit plus de salles de classe qu’en soixante ans d’indépendance ». Ironiquement, il a concédé qu’« on peut revenir en arrière et dresser un marché tous les trente ans, une rue asphaltée tous les dix ans ».
De leur côté, les analystes de Fitch jugent « modérés » les risques politiques au Bénin. Ils tablent sur une réélection de Patrice Talon, au terme d’« un processus électoral pacifique », même s’ils notent les tensions récentes qui ont mis à l’écart certains candidats.
LS