L’appel réussi des obligations vertes

Emergence Plaza, propriétaire du complexe commercial ivoirien Cosmos Yopougon, a émis pour 10 milliards de F.CFA d’obligations vertes. Une première réussie en Afrique francophone qui appelle d’autres initiatives similaires.
Par Laurent Soucaille
Vif succès pour les « obligations vertes » d’Emergence Plaza. Le propriétaire du complexe commercial le plus visité de Côte d’Ivoire, Cosmos Yopougon, a émis des obligations à huit ans, offrant un rendement de 7,5%.
Le produit de l’émission de 10 milliards de F.CFA (15,25 millions d’euros) sera utilisé pour refinancer un prêt bancaire (à 9%) et pour accompagner les futurs projets de l’entreprise en renforçant sa solidité financière et opérationnelle.
Le marché mondial des émissions d’obligations vertes, qui connaît une croissance rapide, a peu bénéficié aux Africains. Le continent a émis 3,96 milliards $ d’obligations vertes, contre 300 milliards $ pour l’ensemble du monde. Et seuls 64 millions $ ont été émis par des sociétés non-financières, avant l’opération de Cosmos Yopougon.
L’opération a mis en avant les avantages du financement vert auprès des entreprises et investisseurs de la région. Construire vert permet aussi d’obtenir un financement compétitif. Voilà qui ouvre la voie à davantage de projets écoresponsables et durables.
L’opérateur immobilier devient ainsi l’une des trois seules sociétés non financières africaines à émettre des obligations vertes, après Acorn Holdings (Kenya) et North South Power Company (Nigeria).
Cette émission constitue également la première obligation verte émise par une société ouest-africaine du secteur de l’immobilier. « Une large partie de l’Afrique n’a pas été en mesure de profiter de l’engouement international pour les obligations vertes stimulant un commerce respectueux de l’environnement et réduisant les coûts d’emprunt pour ceux qui sont en mesure de démontrer leurs impacts environnementaux positifs», commente Jean François Brou, directeur général de la Société ouest-africaine de gestion d’actifs.
Laquelle SOAGA a souscrit à l’opération d’Emergence Plaza. « Je pense que cette transaction historique contribuera à donner le coup d’envoi à davantage d’émissions d’obligations vertes de la part d’entreprises locales voyant l’intérêt d’aligner leurs activités à des objectifs écologiques et commerciaux vérifiés de manière indépendante. »
Une démarche qui n’est pas nouvelle : en ouvrant ses portes en 2018, le centre commercial Cosmos Yopougon a été le premier bâtiment d’Afrique de l’Ouest et centrale francophone à recevoir le certificat de bâtiment vert EDGE de la SFI (Société financière internationale). En 2020, en utilisant les recommandations EDGE pour optimiser sa consommation d’énergie, Cosmos Yopougon a réduit ses émissions de carbone de 44 %.
Cela ne coûte pas plus cher d’être vert
Cette émission sera « la première d’une longue série dans la région », considère Kadi Fadika-Coulibaly, Managing Partner de Hudson & Cie, l’arrangeur de l’opération. « Le développement de ce marché est d’autant plus important qu’il répond à l’enjeu sur le changement climatique, à savoir, la nécessité pour les émetteurs et les investisseurs de se concentrer davantage sur les questions de développement durable. »
De plus, le marché reconnaît le potentiel des obligations vertes dans le soutien des investissements et le développement immobilier plus respectueux de l’environnement.
En parallèle, Cosmos Yopougon s’est associé à des entreprises africaines de technologies propres et de recyclage pour développer des initiatives visant à renforcer sa durabilité. « Notre expérience montre que l’on peut intégrer des initiatives en faveur du climat tout en restant rentable et en générant des rendements attractifs pour les investisseurs ; cela ne coûte pas nécessairement plus cher d’être vert », commente Cheick Sanankoua, associé directeur de HC Capital Properties, gérant de Cosmos Yopougon.
« Cela a mis en avant les avantages du financement vert auprès des entreprises et investisseurs de la région : si vous construisez vert, vous pouvez avoir accès à un financement compétitif, ce qui est un langage que les gens comprennent. Je pense que cela incitera davantage d’entreprises à mettre en œuvre des projets écoresponsables et durables. »
HC Capital Properties prévoit d’émettre d’autres obligations vertes pour financer le développement de complexes commerciaux. « L’ensemble de notre modèle économique est centré sur le développement d’infrastructures de consommation moderne mais adaptées à la demande et construites selon les normes internationales sans pour autant cibler uniquement la classe aisée et les élites », explique Cheick Sanankoua.
Par Laurent Soucaille