Eau : le coût de l’inaction

Tandis que Macky Sall est salué pour son « Leadership » sur la question de l’eau, un rapport de la Banque mondiale, commandé par le Sénégal, pointe l’urgence d’investir dans des mécanismes et une gouvernance adéquats, alors que les besoins augmentent.
« La sécurité de l’eau est le fondement du développement du Sénégal et un élément essentiel à la réalisation de ses objectifs de développement socio-économique », résume une étude de la Banque mondiale. Le rapport, « Sécurité de l’eau au Sénégal » est rendu public à l’occasion de la Conférence des Nations unies sur l’eau, qui s’achève ce 24 mars, à New York.

Réunion au cours de laquelle le président du Sénégal a reçu le « prix du Leadership sur l’eau ».
« Je suis honoré de recevoir le prix du Leadeship pour la sécurité de l’eau, à l’occasion de la conférence de l’ONU sur l’eau, où me représente le ministre Serigne Mbaye », a commenté Macky Sall sur Twitter. Pour le président du Sénégal, ce prix « reconnaît nos efforts pour l’accès universel à l’eau et le rôle de notre pays, hôte du 9e Forum de l’eau, dans la mobilisation de la communauté internationale pour une meilleure prise en charge de la gestion des ressources hydriques ».
Cette réunion internationale, co-organisée par la Suisse et le Sénégal, offre l’occasion à ce dernier de promouvoir « le Blue Deal pour la sécurité de l’eau et de l’assainissement, pour la paix et le développement », s’est félicité le ministère de l’eau dans un communiqué. Le gouvernement du Sénégal souhaite également mettre en perspective « la coopération transfrontalière et internationale dans le domaine de l’eau, la coopération multi-acteurs, la coopération intersectorielle, y compris la coopération scientifique, et la place de l’eau dans la réalisation de l’agenda 2030 ».
Le Sénégal a les moyens de faire mieux : un programme de reconstitution des eaux souterraines peut débuter dès 2024. Les eaux usées traitées peuvent être mieux utilisées et recharger les eaux souterraines.
Pourtant, a reconnu le ministère de l’Eau, le Plan Sénégal émergent à horizon 2035 ne prend pas en compte les contraintes liées à la disponibilité ou à la gestion des ressources en eau. Ce qui a conduit le gouvernement à demander l’expertise de la Banque mondiale (BM) sur cette question cruciale.
En effet, « la détérioration des ressources en eau et un cadre juridique et organisationnel inadéquat menacent la sécurité de l’eau, au Sénégal », commente le rapport de l’institution. La disponibilité de l’eau ne correspond pas toujours aux besoins et la qualité de l’eau n’est pas toujours au rendez-vous. Par exemple, les eaux potables souterraines fournissent 85% de l’eau potable et la plupart des utilisations industrielles mais sont menacées par la surutilisation et la pollution. Le stress hydrique met à rude épreuve la capacité du pays à répondre aux besoins.
Une ressource épuisable et dégradable
La Banque mondiale se montre sévère : « En effet, il sera nécessaire de prendre des mesures hardies pour adresser les contraintes identifiées. À savoir : textes obsolètes, chevauchement de responsabilités, carences organisationnelles, positionnement hiérarchique de la structure en charge de la gestion des ressources en eau, manque de moyens humains et financiers. »
Et l’institution de décrire l’urgence : selon ses calculs, le coût du statu quo en matière de gestion des ressources en eau a déjà un impact sur plus de 10% du PIB, en raison des événements extrêmes et de la pollution. Le coût des inondations représente 6,3% du PIB.
Dès lors, s’attaquer à la sécurité de l’eau « exigera de considérer et de gérer les ressources en eau comme une ressource épuisable et dégradable ayant une valeur économique significative », explique la BM.
Le rapport détaille la situation région par région, expliquant, entre autres éléments, les dégâts causés par l’orpaillage, dans certaines zones du pays. Sachant que « les problèmes de sécurité de l’eau ne sont nulle part plus répandus que dans le triangle Dakar-Mbour-Thiès qui comprend plus du tiers de la population et de l’activité économique sénégalaises ». Ce triangle concentre la moitié du PIB du Sénégal, affiche une croissance de 4% l’an, et est pourtant confronté à « des risques majeurs pour la sécurité de l’eau ».
Aussi, la Banque mondiale préconise-t-elle de hiérarchiser les plans existants de développement, au regard de ce nouveau paramètre, et « selon les principes de l’économie circulaire ». Les investissements à consentir, notamment dans le triangle cité, sont « nettement en deçà des coûts actuels d’un assainissement insuffisant et des inondations au Sénégal ». De son côté, la SONES (Société nationale des eaux du Sénégal) a la capacité financière de soutenir une part importante du service de la dette du secteur, juge la BM.
Le Sénégal peut s’engager dans la bonne direction
En matière juridique et organisationnelle, la BM préconise au Sénégal de se conformer aux « bonnes pratiques internationales ». À commencer par renforcer le pouvoir de l’instance de décisions et de conseils chargée de la question de l’eau, la DGPRE. Elle doit être présente dans toutes les régions et disposer d’un personnel adéquat. De son côté, le Conseil supérieur de l’eau doit être « réactivé » et ses fonctions précisées dans un Code de l’eau révisé.
La BM émet une série d’autres recommandations, comme la création d’une plateforme de collaboration multisectorielle et multi-acteurs. Il est également possible au Sénégal de diversifier les sources d’approvisionnement en eaux. Par exemple en protégeant davantage le lac de Guiers de la pollution. Un programme de reconstitution des eaux souterraines peut débuter dès 2024. Les eaux usées traitées peuvent être mieux utilisées et recharger les eaux souterraines. Il est également possible, moyennant investissements, de régler les problèmes récurrents d’inondations dans la banlieue de Dakar.
@NA