Newmatic s’attaque au marché africain

La forte demande d’appareils électroménagers de la nouvelle classe moyenne africaine attire des exportateurs singapouriens tels que Newmatic. L’urbanisation attendue du continent suscite les convoitises, au-delà du secteur immobilier.

 

Après une promotion, Grace Mutai, 32 ans, professionnelle du marketing à Nairobi, a décidé de rénover sa cuisine. Elle a choisi un modèle moderne et modulaire de Newmatic, doté d’une cuisinière à ventilation pour dissiper les odeurs de nourriture. Son choix est emblématique de l’appétit croissant des Kényans pour les appareils électroménagers haut de gamme, une tendance sur laquelle la société singapourienne Newmatic s’est empressée de capitaliser.

« Les marchés africains non saturés offrent de grandes opportunités, mais les entreprises singapouriennes doivent faire preuve de prudence dans un environnement qu’elles ne peuvent pas considérer comme acquis. »

Newmatic a fait son entrée sur le marché dynamique de l’Afrique de l’Est en 2018, en s’associant à une entreprise kényane en difficulté financière. L’entreprise a organisé des chaînes d’approvisionnement avec un fabricant chinois, transportant toute une série d’appareils de cuisine, des hottes aux plaques de cuisson, jusqu’au port de Mombasa. Ces appareils ont rapidement été installés dans des salles d’exposition réparties dans toute l’Afrique de l’Est, avant que l’arrivée de la Covid n’entraîne des restrictions à l’échelle du pays.

« Nous avons eu beaucoup de chance pendant la pandémie, car nous sommes passés de deux à neuf salles d’exposition en Afrique de l’Est », explique Dave Choy, directeur de Newmatic. « La plupart de nos concurrents n’ont pas pu se procurer de stocks lorsque la demande post-Covid a été très forte en 2021, alors que nous avions de solides relations en Asie et que nous avons maintenu nos lignes d’approvisionnement. »

D’ailleurs, « nous avons pu récupérer toutes les affaires manquées par la concurrence, à tel point qu’au Kenya, notre part de marché est d’environ 90 % », confie Dave Choy à African Business.

En étendant désormais ses activités à l’Ouganda et à la Tanzanie, Newmatic tire parti de l’explosion de la demande d’appareils électroménagers sur les principaux marchés d’Afrique de l’Est.

Selon le cabinet d’études de marché Statista, le chiffre d’affaires du marché kenyan des appareils ménagers devrait atteindre 124 millions de dollars en 2023. En outre, un taux de croissance annuel anticipé de 14,28% entre 2023 et 2027 prévoit un volume de marché de 212 millions $ d’ici 2027.

 

La construction en plein essor

Soutenu par des revenus disponibles en constante augmentation et une vague d’appareils électroménagers de pointe, le marché kenyan de l’électroménager est en plein essor. Une classe moyenne robuste et un nombre croissant de femmes actives sont les moteurs de cette croissance, indique Statista, alimentant la demande d’appareils efficaces et permettant de gagner du temps, tels que les cuisinières, les machines à laver et les réfrigérateurs. Newmatic livre et installe les commandes dans tout le Kenya, des rives de l’océan Indien à la ville portuaire de Mwanza, près du Serengeti.

Le marché kenyan de la construction, estimé à 17,3 milliards de dollars en 2022, devrait connaître un taux de croissance annuel moyen de 5 % entre 2024 et 2027. Cette croissance est soutenue par l’adoption par le gouvernement de PPP (partenariats public-privé) et par une volonté d’attirer les investissements. Un rebond des activités touristiques stimulera les investissements dans les bâtiments de vente au détail et les projets d’accueil des touristes.

De 2023 à 2026, l’industrie devrait enregistrer un taux de croissance moyen de 5,7 %, soutenu par des investissements dans des projets de transport, d’électricité, de logement et de fabrication.

Ces projets reflètent les promesses électorales du président William Ruto, qui comprennent un large éventail d’initiatives, allant de la construction de nouveaux logements abordables et d’hôpitaux à la mise en place d’une vaste connectivité par fibre optique, de fonds de colonisation des terres et d’un important développement de l’infrastructure routière.

« Avec le cycle de construction actuel, les terrains se raréfient et les gens construisent vers le haut. Pour maximiser l’espace, les cuisines modulaires sont donc de mise », explique Dave Choy. « Votre cuisine ne ressemble plus à celle de votre grand-mère, et comme de nombreux Africains urbains sont de plus en plus fiers de leur maison, la cuisine est un endroit où l’on aime non seulement cuisiner, mais aussi recevoir », ajoute-t-il.

Alors que l’Afrique connaît un taux d’urbanisation accéléré de 4,4 % par an, le plus rapide au monde, au moins 40 % de la population réside aujourd’hui dans des zones urbaines ; un chiffre qui devrait doubler d’ici à 2050. Cette urbanisation rapide, soutenue par un marché du logement en plein essor, entraîne un changement démographique important. L’urbanisation rapide et l’essor de la classe moyenne augmentent la demande de logements et stimulent le secteur immobilier.

Dans ce contexte de boom immobilier, le 2023 Wealth Report de Knight Frank met en évidence un changement dans les tendances d’investissement au Kenya. En 2022, les Kenyans fortunés ont consacré 40 % de leur portefeuille à l’immobilier commercial, éclipsant les maigres 18 % consacrés aux actions. Cette année, plus de 60 % des Kenyans disposant d’un patrimoine net supérieur à 1 million de dollars ont l’intention d’investir dans l’immobilier locatif privé, une tendance qui pourrait stimuler la demande d’appareils de cuisine.

Malgré la désillusion croissante face à la volatilité du marché boursier et aux rendements attrayants des obligations d’État, le marché de l’immobilier reste résistant. Il sert de couverture contre les incertitudes économiques telles que l’inflation et la dépréciation de la monnaie.

En 2022, la richesse des particuliers fortunés de la région n’a diminué que de 5 %, soit nettement moins que la baisse moyenne mondiale de 10 %. Cette disparité témoigne de la solidité des investissements immobiliers, un fait qui devient de plus en plus évident pour les investisseurs africains, les incitant à délaisser le marché boursier.

Malgré le scepticisme initial de ses pairs quant aux difficultés perçues pour faire des affaires en Afrique, Newmatic a su saisir des opportunités lucratives sur le continent qui surpassaient celles des marchés plus encombrés de l’Asie du Sud-Est.

L’industrie de l’électroménager, connue pour sa concurrence intense en Asie, a trouvé en Afrique un paysage commercial accueillant et plein de potentiel.

« Les Singapouriens ou mes collègues chinois peuvent penser que l’Afrique n’est pas sûre. Dans une certaine mesure, elle peut représenter un défi, mais cette façon de penser empêche en fait les gens d’explorer les opportunités commerciales en Afrique », déclare commente Dave Choy.

L’entreprise affirme qu’elle a de solides antécédents en matière de formation et d’autonomisation du personnel local, ce qui s’est avéré un moteur important de son expansion rapide sur trois marchés africains, tout comme sa volonté d’offrir des normes de service élevées.

Cette approche, associée au soutien d’agences telles que Enterprise Singapore, a permis à Newmatic de rivaliser avec de grandes marques internationales, démontrant ainsi le pouvoir de l’autonomisation locale, des normes de service élevées et du soutien gouvernemental dans la réussite des entreprises en Afrique.

 

Défis et opportunité de libre-échange

Pourtant, Newmatic n’a pas toujours tâche aisée. Confronté à des défis tels que la bureaucratie, la sécurité et l’instabilité politique, Newmatic souligne l’importance de stratégies commerciales souples. En s’appuyant sur sa chaîne d’approvisionnement pour faire face à des problèmes tels que les taux d’intérêt élevés et la dépréciation des devises, l’entreprise garantit la livraison des bons produits dans les délais impartis. Newmatic s’apprête à étendre son empreinte à de nouveaux marchés africains, notamment la Somalie, le Ghana, le Maroc et le Nigéria, grâce à des modèles de joint-venture stratégique.

Grâce à ces partenariats, Newmatic engage et équipe efficacement ses partenaires, ce qui leur permet de s’attaquer à chaque marché unique de manière ciblée.

De plus, la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) offre une opportunité significative, transformant potentiellement le paysage commercial. Il existe un potentiel futur pour l’établissement d’installations de fabrication dans une zone de libre-échange au Kenya, qui pourrait tirer parti des avantages de la zone de libre-échange continentale africaine, en offrant des avantages en matière de droits d’importation et en facilitant le commerce transfrontalier. « Pour les entreprises singapouriennes, les marchés africains non saturés offrent de grandes opportunités, mais elles doivent faire preuve de prudence dans un environnement qu’elles ne peuvent pas considérer comme acquis. Et elles doivent planifier en amont », conclut Dave Choy.

 

Retrouvez d’autres articles sur notre mini-dossier Singapour en Afrique en cliquant sur le bouton Singapour ci-dessous.

@AB