Des engagements concrets

Quels sont les principaux accords, annonces et faits marquants du deuxième sommet des leaders américano-africains qui vient de s’achever à Washington ? Un rendez-vous marqué par des promesses fermes du Président Biden et des accords entre groupes privés.
Le sommet des leaders américano-africains s’est ouvert par une telle fanfare, le mardi 13 décembre 2022, que les observateurs ont craint que le spectacle ne l’emporte sur le fond. Heureusement, les délégués ont été agréablement surpris. Divers accords portant sur des réalisations concrètes ont vu le jour, qu’il s’agisse d’accords d’investissement entre le gouvernement américain et le secteur privé, d’une série de nouvelles initiatives de financement ou de réunions bilatérales entre les chefs d’État africains, les institutions de financement du développement et les départements d’État et du Commerce des États-Unis.
Premier jour – mardi
En tête de l’ordre du jour de la première journée, figurait une réunion ministérielle à huis clos sur l’AGOA, ce texte législatif qui accorde aux entreprises africaines un accès en franchise de droits aux marchés américains. La question de savoir si le Congrès renouvellera le traité qui expire en 2025. L’accord, qui a connu un succès variable, se heurte à l’opposition de certaines industries, comme la filière avicole africaine, toujours réticente à l’idée de laisser libre cours à la concurrence étrangère.
Les parlementaires « doivent porter le texte au Congrès », juge un délégué de l’ambassade du Sénégal à Washington. Qui prévient : « S’ils ne prolongent pas l’AGOA au-delà de 2025, chaque pays aura besoin d’un accord commercial. »
Lors d’un débat, le président sénégalais Macky Sall, s’exprimant en sa qualité de président de l’Union africaine, a présenté les six priorités du continent en ce qui concerne les relations avec les États-Unis.
D’ailleurs, le Sénégal espère lancer des exportations d’énergie vers les États-Unis alors que son premier projet d’exportation de gaz est en voie d’achèvement. Des pourparlers ont débuté, le 13 décembre, en vue d’un éventuel accord commercial bilatéral au cas où l’AGOA serait annulée, révèle notre source.
Le Forum sur la paix, la sécurité et la gouvernance, où le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a pris part avec le secrétaire à la défense Lloyd Austin, l’administratrice de l’USAid, Samantha Power, et le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a constitué un autre temps fort de la première journée.
Les discussions ont porté sur le désir des États-Unis de sévir contre la Russie, qui fournit des armes bon marché et des mercenaires sur le continent, ainsi que sur la nécessité d’une gouvernance forte et de la stabilité après la série de coups d’État en Afrique de l’Ouest.
« Il est très difficile de trouver une issue aux problèmes de sécurité et aux difficultés économiques sans une réforme de la gouvernance, et nous devons être honnêtes, les tendances ne sont pas très bonnes », a déclaré Samantha Power lors du débat.
Le premier jour de la conférence a également été marqué par des manifestations de la communauté oromo de la diaspora éthiopienne. La foule a protesté contre l’arrivée du Premier ministre Abiy Ahmed dans la capitale en scandant : « Abiy Ahmed est un tueur ! »
Jour 2 – Mercredi
Le deuxième jour a été marqué par une série d’accords ininterrompus entre les États-Unis et l’Afrique, dans le cadre du Forum commercial qui a dominé la deuxième journée.
Dans son discours, Joe Biden a annoncé son intention de débloquer 5 milliards de dollars de projets d’investissement sur le continent. « Ce Forum a pour but de créer des liens, de conclure des affaires et, surtout, de parler de l’avenir. Notre avenir commun », a confié le président des États-Unis.
Joe Biden a révélé que les États-Unis ont signé un accord « historique » avec le secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). « Ce protocole d’accord ouvrira de nouvelles possibilités de commerce et d’investissement entre nos pays et rapprochera l’Afrique et les États-Unis plus que jamais », a déclaré le Président. Ajoutant que l’accord consacrera des protections pour les travailleurs, tant en Afrique qu’aux États-Unis, et soutiendra les PME, les entreprises appartenant à des femmes, celles appartenant à la diaspora, et les économies urbaines du continent qui connaissent une croissance rapide.
« Nous mettons enfin en œuvre la ZLECAf », a-t-il déclaré, coupant cours aux commentaires selon lesquels les États-Unis ne soutenaient pas l’initiative d’une zone de libre-échange régionale.
Le protocole d’accord a été signé mercredi par Wamkele Mene, secrétaire général de la ZLECAf, et la représentante américaine au commerce, Katherine Tai. Qui a expliqué à cette occasion : « Nous avons signé ce protocole d’accord afin de créer une plateforme pour un dialogue régulier avec le Secrétariat et d’autres parties prenantes pour aborder des questions d’intérêt mutuel concernant la négociation et la mise en œuvre de la ZLECAf. »
Parallèlement, l’agence américaine Millennium Challenge Corporation a signé son premier contrat de transport régional avec les gouvernements du Bénin et du Niger pour un investissement de 500 millions $, dans de nouvelles routes et voies de navigation à partir du port principal de Cotonou au Bénin.
La Société américaine de financement du développement international a également annoncé un investissement de près de 370 millions $ dans de nouveaux projets.
« Cent millions $ pour accroître l’énergie propre et fiable pour des millions de personnes en Afrique subsaharienne ; 20 millions $ pour financer des engrais afin d’aider les petits exploitants agricoles, en particulier les femmes, à augmenter le rendement de leurs cultures ; 10 millions $ pour soutenir les PME qui contribuent à apporter de l’eau potable aux communautés », a détaillé Joe Biden.
Qui a également lancé une nouvelle initiative de transformation numérique avec l’Afrique, qui investira 350 millions $ afin de viser plus d’un demi-milliard $ de financement. L’objectif est de renforcer l’accès à l’Internet et les compétences sur tout le continent.
Cela comprend des partenariats entre Microsoft et Viasat pour apporter le haut débit à cinq millions d’Africains, ainsi que des programmes de formation pour les entrepreneurs africains, en particulier les femmes, afin qu’elles puissent coder et acquérir les compétences dont elles ont besoin pour créer leurs propres entreprises et obtenir des emplois qualifiés dans des entreprises technologiques.
« Et cela comprendra des partenariats entre l’Afrique, les entreprises américaines et africaines pour fournir des services de cybersécurité afin de s’assurer que l’environnement numérique de l’Afrique est fiable et sûr », a promis le Président.
Ainsi, Ventures investira 150 millions $ pour explorer les mines de cuivre zambiennes en utilisant l’IA. L’opération pourrait fournir suffisamment de cuivre pour plus de 100 millions de batteries de véhicules électriques, afin de répondre au boom mondial des véhicules électriques.
Le gouvernement angolais s’est associé à deux sociétés américaines, ABD Group et Acrow Bridge, pour construire 186 ponts en acier couvrant tous les territoires de l’Angola. La première phase du projet de 371 millions $ commencera au début de 2023.
Cisco Systems et Cybastion, une petite entreprise de la diaspora, ont annoncé conjointement 800 millions $ de nouveaux contrats pour protéger les pays africains contre les cybermenaces.
Visa s’engage à investir plus d’un milliard de dollars en Afrique au cours des cinq prochaines années pour développer ses activités sur le continent, notamment en fournissant des services de paiement mobile à un plus grand nombre de petites entreprises.
Enfin, General Electric et Standard Bank fourniront 80 millions $ pour améliorer les services de santé sur le continent et donner accès à des équipements de pointe.
Troisième journée – Jeudi
Le président Biden a ouvert la troisième journée par un débat avec Anthony Blinken, Macky Sall et Moussa Faki Mahamat, au cours duquel il a souligné son soutien à l’adhésion de l’Afrique au G20 en tant que membre permanent du groupement des principales économies mondiales.
« Cela a été long à venir, mais cela va venir », a promis Joe Biden. En plus des investissements détaillés les deux jours précédents, le président américain cherchera des fonds pour aider les économies africaines à se désendetter et pour soutenir le redressement de l’Afrique.
« Je demande au Congrès l’autorisation de prêter 21 milliards de dollars au FMI afin de permettre aux pays à revenu intermédiaire d’accéder aux financements nécessaires, qu’il est si difficile de les trouver aujourd’hui. »
Joe Biden a également dévoilé une nouvelle initiative africaine de transition démocratique et politique. « En collaborant étroitement avec les gouvernements africains, les institutions régionales et la société civile, mon Administration travaillera avec le Congrès pour investir 75 millions $, afin de renforcer une gouvernance transparente et responsable, de faciliter l’inscription des électeurs, de soutenir la réforme constitutionnelle, et plus encore. »
Les six priorités (plus une) de Macky Sall
Le gouvernement va également renforcer les avantages en matière de sécurité qui découlent de la bonne gouvernance, rédigeant un nouveau Partenariat du XXIe siècle pour la sécurité en Afrique.
« Grâce à ce programme pilote de trois ans, doté d’un budget de 100 millions $, le ministère de la Défense travaillera avec nos partenaires africains pour stimuler les réformes qui renforcent leur capacité de sécurité », a expliqué le Président.
Lors d’un débat, le président sénégalais Macky Sall, s’exprimant en sa qualité de président de l’Union africaine, a présenté les six priorités du continent en ce qui concerne les relations avec les États-Unis :
- La paix et la sécurité dans la lutte contre le terrorisme, ainsi que le soutien des États-Unis au Conseil de sécurité des Nations unies pour placer la menace terroriste africaine dans le cadre du mécanisme de sécurité collective de la Charte des Nations unies, afin qu’elle fasse partie de la lutte mondiale contre le terrorisme.
- L’Afrique demande l’attribution de DTS (Droits de tirage spéciaux) et la mise en œuvre au sein du G20 d’un allègement de la dette, car les chocs mondiaux continuent de laisser de nombreux Africains dans l’incapacité de supporter le coût de la vie.
- L’Afrique souhaite un engagement plus soutenu à l’égard des investissements dans les infrastructures de développement, telles que les routes, les chemins de fer, les centrales électriques et les infrastructures numériques.
- L’Afrique demande une transition verte équitable pour satisfaire ses besoins d’industrialisation et pour s’assurer qu’elle puisse réaliser l’accès universel à l’électricité.
- L’Afrique souhaite travailler avec les États-Unis pour gagner la guerre contre la faim. L’UA souhaite que des mesures urgentes soient prises pour faciliter l’accès aux engrais. Macky Sall a proposé que le président américain lance une initiative au niveau de l’exécutif axée sur l’agriculture en Afrique.
- L’Afrique demande une gouvernance mondiale plus inclusive et plus juste en accélérant la refonte du conseil de sécurité et en donnant à l’Afrique un siège permanent aux Nations unies.
Enfin, Macky Sall a demandé aux États-Unis de lever les sanctions à l’encontre du Zimbabwe, insistant sur ce point : « Le Zimbabwe est sanctionné depuis l’époque de Mugabe et je pense qu’il est temps de lever ces sanctions afin que les Zimbabwéens puissent continuer à lutter efficacement contre le sous-développement et la pauvreté. »
@AB