Des constats et des expériences édifiantes

La 55e session de la Commission économique africaine) qui s’est achevée le 21 mars 2023, a donné lieu à différentes déclarations visant à imprimer une orientation nouvelle des économies du continent, en quête de relance. Et a été l’occasion de partages d’expériences par des ministres africains.
L’Afrique doit s’employer à trouver des ressources innovantes et accélérer la reprise économique après les multiples crises qui ont érodé deux décennies de progrès en matière de développement et accru la pauvreté, ont exhorté les ministres des finances du continent.
Réunis à Addis-Abeba, en Éthiopie, les ministres ont réitéré l’urgence de transformer les économies africaines et de stimuler l’industrialisation. Ils ont souligné la nécessité d’accélérer la reprise économique en Afrique car celle-ci risque de manquer de nombreux ODD (Objectifs de développement durable ODD).
Mohamed Ibn Chambas reconnaît que l’Afrique n’a pas été en mesure de faire respecter l’Initiative « Faire taire les armes » comme prévu », pointant du doigt les conflits actuels dans le Bassin du Lac Tchad, le Sahel, la région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique.
Notant que la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et le changement climatique entraveront les efforts de l’Afrique pour atteindre les ODD et l’Agenda 2063, les ministres ont déclaré que la triple crise a perturbé les marchés alimentaires et énergétiques, exacerbé l’insécurité alimentaire et provoqué des taux d’inflation élevés qui ont plongé des millions d’Africains dans la pauvreté et des difficultés économiques.
L’Afrique doit investir environ 66 milliards $ dans ses systèmes de santé et ses infrastructures sanitaires. De plus, le financement visant à combler les déficits d’infrastructures s’élève entre 137 et 177 milliards $ d’ici à2025.
En outre, les ministres ont reconnu qu’il est de plus en plus improbable d’atteindre les sept prochaines années, les cibles des ODD 1 et 10 qui consistent à éradiquer l’extrême pauvreté et à réduire les inégalités avant l’échéance du Programme de développement durable à l’horizon 2030. La pauvreté et les inégalités en Afrique feront donc peser des risques élevés sur la prospérité, la paix et la sécurité, ainsi que sur le contrat social.
Les ministres ont donc reconnu la nécessité de stimuler la reprise économique et de protéger les populations vulnérables contre la flambée de l’inflation ; laquelle devrait atteindre 12,4 % en Afrique en 2023. Selon la déclaration des ministres, la hausse des taux d’intérêt et le resserrement de la politique monétaire par les banques centrales pour lutter contre l’inflation ont contribué à aggraver l’espace budgétaire déjà limité.
Des priorités affirmées
Certes, la Zone de libre-échange (ZLECAf) augmentera le commerce intra-africain dans les domaines de l’agroalimentaire, des services, de l’industrie, de l’énergie et des mines et attirera les investissements transfrontaliers. Sur ce point, les ministres appellent la CEA à soutenir le continent avec la réflexion stratégique et les nouvelles perspectives dans la réalisation de la prospérité d’ici 2030 et l’atteinte des objectifs du Programme de développement à l’horizon 2030 et de l’Agenda 2063.
Le Secrétaire exécutif par intérim de la CEA, Antonio Pedro, en clôturant la conférence, a déclaré que pour favoriser la reprise et la transformation en Afrique, le continent doit prioriser le renforcement des compétences, l’industrialisation et la diversification économique, le développement des infrastructures, le commerce intra-africain et le financement innovant.
L’Afrique est au cœur des transitions soutenables
« Nous avons pour mandat de tenir notre promesse de prospérité partagée envers les peuples d’Afrique », a déclaré Antonio Pedro, ajoutant que des solutions durables doivent être développées par l’Afrique et que les partenariats et les collaborations sont essentiels pour une Afrique transformée.
Les dirigeants avaient pris note des conclusions de différents experts en développement. Qui redoutent que la pauvreté et les inégalités persistantes risquent de saper la prospérité, la paix et la sécurité en Afrique.

« Il devient de plus en plus improbable que les États africains atteignent bon nombre de cibles fixées dans les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 », déclare la Secrétaire exécutive adjointe et Économiste en chef de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), Hanan Morsy. « Les chocs mondiaux ont anéanti plus de deux décennies de progrès que le continent a réalisés en matière de réduction de la pauvreté. Nous avons besoin d’interventions durables. »
Une fiscalité à peaufiner
Harvesh Seegolam, gouverneur de la Banque de Maurice, a indiqué qu’en 2020, pour atténuer les effets du choc économique, le gouvernement a proposé des mesures conventionnelles et non conventionnelles. L’une d’entre elles était de faire de la Banque centrale de Maurice une institution indépendante.
« Le gouvernement a instauré des moratoires pour soutenir des secteurs ciblés ; a introduit le crédit d’alignement », et le gouvernement a également créé la Mauritius Investment Cooperation, qui opère indépendamment de la Banque centrale, et a des audits indépendants pour s’assurer que l’argent investi profite à la banque.
La Mauritius Investment Cooperation a pour objectif principal de créer plus de richesse pour la future génération du pays. L’intervention est devenue rentable. Autre témoignage, celui du ministre éthiopien des Finances, Ahmed Shide qui a rappelé que son pays a également adopté une combinaison de politiques budgétaires et monétaires.
En 2020, le gouvernement a reporté le paiement de l’impôt sur le revenu des particuliers, rééchelonné les remboursements des prêts bancaires, accordé une amnistie fiscale à différents secteurs, stimulé la production alimentaire locale grâce à la culture de plus de terres et stimulé la production de viande. Le gouvernement s’est lancé dans davantage d’activités d’irrigation et a élargi la compagnie aérienne éthiopienne ainsi que les systèmes de paiement numérique pour faciliter les transactions.
De son côté, le ministre des Finances et du budget de la République centrafricaine, Hervé Ndoba (photo ci-dessous), a expliqué comment son pays faisait face aux pénuries de carburant, au coût élevé du transport des produits de base principalement parce qu’il s’agit d’un pays enclavé.
« Pour relever ces défis, le gouvernement a créé un port sec avec des entrepôts pour les importateurs, décidé des prélèvements douaniers pour limiter l’inflation des importations. Plus précisément, le gouvernement a créé une base personnalisée pour tirer parti des coûts de production et a ajusté les prix du carburant à la pompe. »
L’objectif de la Centrafrique est « d’augmenter la richesse par le biais de prélèvements communautaires. Nous travaillons sur la diversification financière à savoir, le financement vert, l’économie bleue ».
L’objectif de « faire taire les armes » n’est pas atteint
De son côté, la directrice exécutive du PNUD, Winnie Byanyima, le plus grand défi pour l’Afrique est l’accès aux services financiers. Déjà, avant 2020, les pays empruntaient à un taux d’intérêt de plus de 8 %, tandis que les pays à revenu élevé empruntaient à des taux inférieurs allant jusqu’à 1 %.
« Le coût élevé des emprunts enlève à l’Afrique les perspectives d’atteindre les ODD. En outre, le défi de ne pas pouvoir emprunter dans la propre monnaie des pays montre à quel point les pays sont traités de manière inégale en matière d’accès à des finances abordables. »
Enfin, Mohamed Ibn Chambas (photo), Haut Représentant de l’Union africaine pour la campagne « Faire taire les armes », souligne le rôle vital de la bonne gouvernance dans la réalisation du développement durable et la transformation à travers l’Afrique. « Sans une bonne gouvernance, le développement en Afrique reste lettre morte. »
D’où l’importance d’avoir en Afrique des gouvernements transparents, responsables et réactifs qui jouent un rôle crucial pour libérer le potentiel d’investissement et engager une croissance durable du continent. Et d’où l’importance des contrats sociaux entre les gouvernements et les citoyens, qui sont essentiels pour favoriser la confiance et promouvoir la cohésion sociale. La collaboration entre les gouvernements, la société civile et le secteur privé est également cruciale pour atteindre l’objectif commun de bonne gouvernance.
L’« Afrique a failli en matière de promotion de la bonne gouvernance », déplore Mohamed Ibn Chambas, citant une vague de coups d’État contre les dirigeants politiques de l’ère de l’indépendance et des changements anticonstitutionnels de gouvernement accrus à travers le continent.
Mohamed Ibn Chambas reconnaît que l’Afrique n’a pas été en mesure de faire respecter l’Initiative « Faire taire les armes » comme prévu », pointant du doigt les conflits actuels dans le Bassin du Lac Tchad, le Sahel, la région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique.
Appelant à l’établissement et au respect des limites des mandats politiques, en particulier du mandat présidentiel dans les pays africains, Mohamed Ibn Chambas déclare que les femmes et les jeunes doivent avoir la parole, le pouvoir et l’espace dans la gouvernance de leurs pays.
@AB