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De grands projets pour relever les défis à long terme du Nigeria

De grands projets pour relever les défis à long terme du Nigeria
  • Publiénovembre 17, 2023

Pour les investisseurs, le Nigeria devrait cocher toutes les cases : taille, ressources, opportunités. Mais des années de sous-performance ont entravé la croissance. La nouvelle administration peut-elle inverser la tendance ?

 

Les nouveaux gouvernements nigérians promettent généralement de grands changements, mais tardent à les mettre en œuvre. Depuis son arrivée au pouvoir à la fin du mois de mai, le gouvernement du président Bola Tinubu a été plus rapide à mettre en œuvre de nouvelles politiques : les subventions aux carburants ont été supprimées, certaines restrictions à l’accès aux devises étrangères ont été levées et des plans visant à augmenter les recettes fiscales ont été élaborés. Le nouveau gouvernement devrait également bénéficier de quelques grands projets d’infrastructure opportuns. Le chemin à parcourir est encore long, mais Abuja a au moins pris un départ rapide.

Bola Tinubu s’est engagé à créer une nouvelle unité de surveillance pour protéger les oléoducs dans le delta du Niger et à mettre en place des forces spéciales antiterroristes pour lutter contre les militants islamistes et d’autres groupes armés plus au nord.

La montagne de défis auxquels Tinubu a dû faire face lorsqu’il est arrivé au pouvoir comprenait un naira faible, un manque de devises étrangères, des niveaux d’inflation élevés, des problèmes persistants d’approvisionnement en électricité, une faible production de pétrole et des problèmes de sécurité dans le delta du Niger et dans le Nord. Le nouveau chef de l’État mise sur la dynamisation de l’économie comme fondement de sa stratégie, visant à créer un environnement économique plus favorable à l’investissement, de sorte que ce soit l’investissement plutôt que l’emprunt qui soit le moteur de la création d’emplois.

« Le gouvernement fédéral n’est pas en mesure d’emprunter en ce moment », déclarait le ministre des Finances, Olawale Edun, à la fin du mois d’août. Lors de son investiture le 29 mai, Tinubu a promis de s’attaquer aux plaintes des investisseurs concernant la double imposition et la réglementation anti-investissement. Le 14 juin, la Banque centrale du Nigeria (CBN) a mis fin à l’interdiction d’accéder aux devises sur le marché officiel ; et le naira a immédiatement chuté de 36 % par rapport au dollar sur ce marché.

Bola Tinubu s’était engagé pendant la campagne électorale à mettre fin aux subventions sur les carburants, mais nombreux sont ceux qui ont été choqués lorsqu’il s’est empressé de le faire dès son arrivée au pouvoir. Les subventions avaient contribué à faire baisser les prix des transports et le coût global des marchandises en réduisant les prix de la logistique. Cependant, elles ont également coûté au pays l’équivalent de 2 % du PIB en 2022, avec un montant incroyable de 3,4 trillions de nairas (4,3 milliards de dollars) affecté par le gouvernement précédent à leur financement pour le seul premier semestre de cette année.

 

Mettre fin aux importations de pétrole

Le Président a déclaré à la nation que la suppression des subventions stimulerait les investissements dans les écoles, les soins de santé et le secteur de l’électricité, et « éviterait à notre pays de sombrer ».

Cette décision a fait tripler le prix de l’essence et a déclenché une large opposition. Le gouvernement a réagi en augmentant le nombre de bus pour les étudiants, en reportant l’augmentation des frais de scolarité et en libérant plus de 200 000 tonnes de réserves de céréales pour les distribuer gratuitement afin d’atténuer l’impact sur les Nigérians. Néanmoins, une grève nationale illimitée a été déclenchée à la fin du mois de septembre pour forcer le gouvernement à changer d’avis.

Les syndicats ont suspendu la grève avant qu’elle ne commence, lorsque le gouvernement a accepté d’introduire une aide à 15 millions de ménages pauvres et une augmentation temporaire des salaires pour les fonctionnaires, ainsi que la suspension temporaire de la TVA sur le carburant diesel.

L’ensemble du secteur de l’approvisionnement en carburant du pays pourrait être révolutionné, après la suppression des subventions, par l’achèvement du plus gros investissement infrastructurel du pays, la raffinerie de pétrole Dangote, d’une valeur de 19 milliards de dollars, qui a été mise en service en mai dans le nouveau port de Lekki, à l’extérieur de Lagos. Ce projet pourrait rendre caduque l’observation bien connue selon laquelle le Nigeria doit importer la plus grande partie de son essence et d’autres produits pétroliers raffinés, bien qu’il soit le plus grand producteur de pétrole d’Afrique.

Les quatre raffineries du pays fonctionnent en deçà de leur capacité ou sont totalement hors service depuis de nombreuses années en raison d’un manque d’investissement et d’entretien.

La nouvelle usine devrait traiter 650 000 barils de pétrole brut par jour, produisant 53 millions de litres d’essence par jour , ainsi que du diesel, du carburant d’aviation et des engrais. Avant la réduction des subventions, la consommation d’essence du Nigeria était de 66,7 millions de litres par jour ; elle est tombée à 44,3 millions de litres par jour fin octobre. L’usine pourrait donc contribuer à faire du Nigeria un exportateur net de carburant, l’excédent de production étant expédié hors de Lekki.

 

Changements de politique monétaire

L’augmentation de la production au cours des deux prochaines années devrait considérablement améliorer la balance commerciale du Nigeria. Le coût des importations de produits pétroliers raffinés du pays est passé de 8,4 milliards $ en 2017 à 23,3 milliards $ en 2022 et aurait atteint 30 milliards $ par an en 2027 si la raffinerie n’avait pas été achevée.

Bola Tinubu est également intervenu auprès de la CBN, en remplaçant Godwin Emefiele en tant que gouverneur de la Banque centrale, par Olayemi Cardoso. L’ancien gouverneur a été suspendu en juin, puis accusé de fraude aux marchés publics. La CBN a publié des comptes audités en août, pour la première fois en cinq ans. Ils ont révélé des engagements de 19 milliards $ en produits dérivés en 2022, ce qui signifie que ses réserves en devises – déclarées à 33 milliards de dollars en octobre –,  étaient en réalité bien inférieures aux prévisions. Cela rend plus difficile la création d’un régime de taux de change flexible.

Abuja a présenté ses plans économiques lors du sommet économique nigérian, en octobre. Le ministre des Finances, Wale Edun, a déclaré que les institutions nationales seraient désormais autorisées à émettre des instruments de change afin d’atténuer les pénuries de devises. Certaines restrictions sur les opérations de change ont été levées, les bureaux de change et les opérateurs de téléphonie mobile étant désormais autorisés à échanger des devises sur le marché officiel.

Le gouvernement et la Banque centrale ont permis au taux de change officiel du naira de s’affaiblir par rapport au dollar américain, ce qui a fait naître l’espoir d’une convergence à long terme entre les taux officiels et les taux du marché noir, mais les taux du marché noir ont également chuté depuis. L’écart entre le taux de change officiel et le taux de change illégal du naira par rapport au dollar reste important et les investisseurs ont toujours du mal à obtenir des dollars. En conséquence, la CBN a enregistré un arriéré de 7 milliards $ dans la demande de devises au début du mois d’octobre.

En juin, la Banque mondiale avait prévu que la suppression des subventions aux carburants et la réforme du marché des changes permettraient au Nigeria d’économiser jusqu’à 3 900 milliards de nairas (4,9 milliards de dollars) d’ici la fin de l’année. Alex Sienaert, économiste en chef de la Banque mondiale pour le Nigeria, a déclaré que les réformes « ouvrent réellement la voie à une nouvelle trajectoire de développement pour le Nigéria ».

Le budget 2024 prévoit de dépenser 26 010 milliards de nairas (34 milliards $), sur la base d’un prix moyen du pétrole de 73,96 $ le baril sur l’année, soit environ 15 $ de moins que le prix à la fin octobre 2023. Le service de la dette représentera 8,25 billions de nairas (10,7 milliards $).

 

Réformes fiscales

Une somme plus importante pourrait être nécessaire pour maîtriser l’inflation : celle-ci s’élevait à 26,7 % en octobre, soit le taux le plus élevé depuis 19 ans. Le gouvernement prévoit un taux de 21 % pour l’année prochaine.

Des réformes sont nécessaires pour restructurer l’économie nigériane et relever les taux de croissance à long terme : la Banque mondiale prévoit une croissance du PIB de seulement 3,3 % cette année et de 3,7 % en 2024. Bol Tinubu s’est fixé pour objectif d’atteindre une croissance économique d’au moins 6 % par an au cours de son mandat.

L’agence de notation S&P Global Ratings a réagi aux premiers mois de la nouvelle administration en révisant sa perspective sur le Nigeria de « négative » à « stable ». « Le gouvernement nouvellement élu du Nigeria a agi rapidement pour mettre en œuvre une série de réformes fiscales et monétaires qui, selon nous, bénéficieront progressivement aux finances publiques et à la balance des paiements », commente S&P Global Ratings.

Taiwo Oyedele, conseiller de Bola Tinubu pour la réforme fiscale, a déclaré en octobre que le gouvernement simplifierait la structure fiscale du pays en réduisant le nombre de taxes fédérales et d’État de plus de 60 à moins de dix, et en réduisant le nombre d’agences de recouvrement des impôts dans le même temps. « Plus il y a d’impôts, moins il y a de recettes », a-t-il estimé, « car ils créent des possibilités de fuites et l’intervention d’acteurs qui collectent de l’argent et le gardent pour eux ». Des changements constitutionnels seraient nécessaires pour clarifier quel niveau de gouvernement – fédéral, étatique ou local –, devrait collecter quelle taxe.

Nigeria pétrole

 

Les recettes de presque tous les gouvernements africains sont gravement affectées par des niveaux relativement faibles de collecte des impôts. Le nouveau gouvernement nigérian travaille donc avec la Market Traders Association of Nigeria sur des mesures visant à collecter la TVA auprès des commerçants informels, y compris une plateforme numérique à laquelle les commerçants peuvent accéder à l’aide de nouvelles cartes d’identité pour suivre leur chiffre d’affaires à des fins fiscales.

Dans un communiqué, le Federal Inland Revenue Service (FIRS) a déclaré que ce partenariat contribuerait à « freiner les activités des rabatteurs et des collecteurs d’impôts auto-imposés impliqués dans la collecte illégale d’impôts sur les marchés nigérians ». Selon la FIRS, les recettes fiscales du Nigeria s’élèvent actuellement à environ 10,8 % du PIB. Par conséquent, seuls 47 % du budget fédéral de cette année proviendront des recettes fiscales du gouvernement.

 

Investissement dans les secteurs clés

En juillet, Bola Tinubu a annoncé la création d’un fonds de soutien aux infrastructures destiné à financer des projets dans les domaines de la santé, de l’éducation, des transports, de l’électricité et de l’eau, bien que les détails concernant l’origine des fonds n’aient pas encore été précisés. Le fonds « améliorera la compétitivité économique, créera des emplois et apportera la prospérité économique aux Nigérians », a déclaré un porte-parole du gouvernement. Les lacunes des infrastructures nationales constituent un frein important à la croissance économique. Il sera donc intéressant de voir combien d’argent est proposé et quels sont les domaines prioritaires.

La capacité nationale fonctionnelle de production d’électricité est d’environ 5 GW, soit à peu près la même qu’il y a vingt ans. En théorie, la capacité de production est de 12,5 GW, mais une grande partie est inutilisée ou sous-utilisée en raison de la pénurie de gaz. Pour stimuler les investissements dans de nouvelles centrales électriques, ainsi que dans les infrastructures de transport et de distribution, il faudra là aussi supprimer les subventions. Toutefois, les travaux de construction de la nouvelle centrale électrique indépendante de Gwagwalada, d’une capacité de 1 350 MW, ont débuté en août près d’Abuja. GE Vernova et China Machinery Engineering Corporation développent le projet en trois phases, en partenariat avec la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC). Ce projet et deux autres plus au nord fourniront collectivement 3,6 GW.

Le gouvernement prévoit de créer une société minière publique appelée Nigerian Solid Minerals Corporation. Elle cherchera à conclure des « accords de partenariat avec de grandes multinationales du monde entier afin de tirer parti du régime favorable aux investissements en vigueur dans le pays pour garantir des investissements étrangers directs massifs dans le secteur minier » a déclaré Henry Dele Alake, le ministre des minéraux solides. L’actuelle National Iron Ore Mining Company devrait faire partie de la nouvelle société.

 

Le défi du pétrole

Dans le même temps, le gouvernement va exiger des sociétés minières étrangères opérant dans le pays qu’elles transforment leur production au Nigeria, afin de garantir que le pays conserve une plus grande partie des avantages économiques de la chaîne de valeur. Cette politique pourrait être particulièrement axée sur l’industrie du lithium, les pays africains étant en concurrence pour s’approprier des éléments de la chaîne de production des batteries de véhicules électriques.

L’un des plus grands défis du gouvernement sera d’inverser le long déclin de la production pétrolière. Les mauvaises conditions de sécurité et les vols de pétrole dans le Delta du Niger ont conduit les compagnies pétrolières établies à céder de nombreux actifs, à réduire les investissements dans la prospection et à diminuer le développement de nouveaux projets. La production de brut est passée d’un pic de 2,5 millions de barils par jour en 2005 à moins d’un million en avril dernier, soit moins que l’Angola, qui a dû faire face à ses propres problèmes de production.

Diverses initiatives ont été lancées par les gouvernements nigérians au cours des vingt dernières années, mais aucune n’a été couronnée de succès à long terme. Si la production de pétrole ne se redresse pas, la compagnie nationale NNPC pourrait ne pas être en mesure d’approvisionner la raffinerie Dangote à partir de sa part de production issue des accords de partage de la production conclus avec les compagnies pétrolières internationales. La raffinerie pourrait donc être obligée d’importer du pétrole, ce qui compromettrait une grande partie de ses avantages économiques potentiels.

Le nouveau chef de l’État mise sur la dynamisation de l’économie comme fondement de sa stratégie, visant à créer un environnement économique plus favorable à l’investissement, de sorte que ce soit l’investissement plutôt que l’emprunt qui soit le moteur de la création d’emplois.

Bola Tinubu s’est engagé à créer une nouvelle unité de surveillance pour protéger les oléoducs dans le delta du Niger et à mettre en place des forces spéciales antiterroristes pour lutter contre les militants islamistes et d’autres groupes armés plus au nord. L’amélioration de la situation en matière de sécurité  pourrait relancer les investissements dans le delta du Niger, mais il faudrait une période prolongée de sécurité pour que cela se traduise par une augmentation de la production de pétrole. Là encore, l’amélioration des perspectives économiques plus larges du Delta – et pas seulement celles liées au secteur pétrolier –, paraît la meilleure méthode pour apaiser les tensions dans le sud du Nigeria, riche en pétrole.

@AB

Écrit par
Neil Ford

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