De Beers cède aux exigences du Botswana

Le géant des diamants De Beers a accepté les exigences du Botswana, abandonnant davantage de diamants aux intérêts de l’État. Le groupe pérennise sa présence dans le pays mais sa domination sur le marché mondial des pierres précieuses est diluée.
De Beers, la plus grande société de diamants au monde, a conclu un accord de dernière minute avec le gouvernement du Botswana pour lui céder une plus grande part des diamants produits dans le pays. Voilà qui permet à la filiale d’Anglo American de sauver sa présence dans le pays, et indirectement de desserrer davantage son étau sur le marché mondial des pierres précieuses.
L’accord, qui a été conclu juste après l’expiration du délai prévu, a d’énormes répercussions sur l’économie du Botswana, qui dépend des diamants, et sur la chaîne d’approvisionnement mondiale en diamants. Le président du Botswana, Mokgweetsi Masisi, n’a cessé de critiquer l’accord précédent – signé en 2011 et revu en 2020 –, exigeant des avantages plus importants pour son pays, notamment une plus grande part des pierres précieuses produites.
Si la position dominante de De Beers s’affaiblit, le Botswana prend aussi le risque, en étant lui-même un acteur de marché, de subir les aléas de ce dernier.
Selon les nouvelles conditions, le négociant en diamants de l’État botswanais recevra désormais 30 % de la production de Debswana, la filiale de De Beers responsable d’environ deux tiers de la production annuelle de l’entreprise. En outre, le gouvernement a révélé l’existence d’un accord de principe visant à augmenter sa part jusqu’à 50 % à l’avenir.
Si De Beers a poussé un soupir de soulagement après la signature d’un nouvel accord décennal, cette concession affaiblit sa position dominante sur le marché puisqu’une plus grande partie des diamants sera désormais vendue par l’intermédiaire d’une tierce partie.
Pendant des années, De Beers et son concurrent russe, Alrosa PJSC, ont contrôlé l’offre mondiale de diamants, retenant parfois les livraisons lorsque la demande ou les prix fléchissaient.
« Le nouvel accord transformateur entre le Botswana et De Beers reflète les aspirations du peuple botswanais, propulse le Botswana et De Beers vers l’avant et soutient l’avenir de leur coentreprise Debswana grâce des investissements à long terme », indique une déclaration commune publiée par les deux parties.
Un accord « gagnant-gagnant »
Avant l’accord, l’Okavango Diamond Company du Botswana recevait 25 % de la production de Debswana. L’accord prévoit également le renouvellement d’une licence d’exploitation minière de 25 ans pour Debswana.
Les négociations entre De Beers et le gouvernement du Botswana étaient en cours depuis 2018. L’accord précédent expirait en 2020 mais avait été prolongé à plusieurs reprises, initialement en raison de la pandémie.
Les négociations prolongées découlent de désaccords concernant le volume de diamants que le Botswana devrait recevoir. Des tensions sont également apparues concernant l’implication du négociant en pierres précieuses belge HB Antwerp, qui avait développé une relation étroite avec le gouvernement.
Au début de l’année, le Botswana a acquis une participation de 24 % dans HB Antwerp, bien que les détails financiers de la transaction n’aient pas été divulgués. Dans le cadre de cette transaction, le Botswana s’est assuré un approvisionnement auprès de l’Okavango Diamond Company.
Pendant que les accords officiels de vente et d’exploitation minière sont finalisés, un accord provisoire maintiendra les conditions du dernier accord de vente arrivé à expiration.
Cet accord semble une victoire indéniable pour le Botswana, estiment les observateurs ; le président Mokgweetsi Masisi obtenant l’accord « gagnant-gagnant » qu’il réclamait. Le pays a constitué un Fonds pour le développement et la diversification de l’économie, alimenté par De Beers à hauteur de 75 millions de dollars par an. Si la position dominante de De Beers s’affaiblit, le Botswana prend aussi le risque, en étant lui-même un acteur de marché, de subir les aléas de ce dernier. La production n’est pas toujours écoulée à la hauteur des espérances.
D’autres pays comme la Namibie ou l’Afrique du Sud pourraient profiter de l’aubaine et revoir leurs accords avec De Beers. Dont la production de diamant provient à 70% du Botswana. Théoriquement, le producteur de diamants a la garantie de rester dans le pays jusqu’en 2054. Au sein ou non du groupe Anglo American, cela est une autre affaire.
SK, avec LA
@AB