Cartographier les frais pour mieux les réduire

Des taxes élevées et des procédures administratives complexes encouragent l’extorsion, le commerce illicite et la servitude pour dettes. L’opération « Cartographier les frais » tente de limiter ces obstacles, dans le secteur du cobalt artisanal, en RD Congo.
L’un des moyens de lutter contre la corruption dans le secteur minier est de cartographier avec minutie les taxes et les redevances exigées par la loi. Tel est le credo de l’ONG Impact, qui lance une initiative en ce sens en RD Congo, dans la filière du cobalt artisanal, en collaboration avec Action pour la Défense des droits humains (ADDH)
Le projet, baptisé « Cartographier les frais » a été inauguré le 21 mars à Kolwezi, dans la province de Lualaba, le carrefour de l’exploitation artisanale du cobalt en RD Congo.
Un atelier, premier du genre, a regroupé des experts des mines et des régies financières, des exploitantes et exploitants artisanaux, des négociants et négociantes, des exportateurs et exportatrices ainsi que des membres de la société civile pour examiner les taxes, redevances et procédures en place applicables au secteur minier artisanal du cobalt. Il ne s’agit au fond que documenter ce qui est exigé par la loi.
Le projet « Cartographier les frais » est rendu possible grâce à l’appui financier de l’Union européenne. Des activités complémentaires à ce projet bénéficient d’une aide financière accordée par Microsoft.
« Les taxes élevées et la complexité de chaque démarche administrative posent un obstacle majeur à un approvisionnement responsable. Nous avons été témoins de graves pratiques de corruption et d’extorsion de la part d’acteurs de la chaîne d’approvisionnement dans le secteur de l’or artisanal », commente Joanne Lebert, directrice générale d’Impact.
Par ce projet, l’ONG souhaiterait comparer les expériences vécues dans le secteur de l’or artisanal avec la réalité du secteur de cobalt artisanal. « En cartographiant les formalités et frais obligatoires grâce à un processus consultatif multipartite, nous espérons lever toute ambiguïté dans la fiscalité liée au cobalt artisanal et fournir aux exploitantes et exploitants artisanaux et aux négociants et négociantes un guide de référence utile qu’ils peuvent consulter pour s’assurer qu’ils ne sont pas victimes d’extorsion. »
Le projet permettra notamment de comparer la situation dans le secteur du cobalt artisanal à celle du secteur de l’or artisanal, un travail déjà effectué dans la province de l’Ituri. Dans ce travail, en 2022, Impact a élaboré quatre fiches techniques décrivant les taxes, redevances et formalités requises pour le transport interprovincial, l’exportation ainsi que l’achat et la vente d’or artisanal dans la province de l’Ituri et son extraction dans cette même province.
Appuyer les droits de la personne
En RD Congo, le secteur de l’extraction minière artisanale est régi par une fiscalité lourde, complexe et nébuleuse. Des taxes élevées et des procédures administratives fastidieuses encouragent le commerce clandestin des ressources naturelles du pays. En 219, déjà, l’OCDE dénonçait le fait que les exploitantes et exploitants artisanaux doivent verser aux coopératives ou aux fonctionnaires de l’État des dessous-de-table qui les privent d’un pourcentage pouvant atteindre 20 % de la valeur totale des matières qu’ils extraient.
Selon l’ONG, ces fiches techniques se sont révélées des guides de référence utiles pour les parties prenantes, qui peuvent s’y reporter pour connaître les démarches prescrites par la loi dans le secteur concerné. Il fallait franchir 26 étapes pour exporter de l’or artisanal depuis la province de l’Ituri, autant d’opérations qui coûtaient aux exportateurs 12 % de la valeur du minerai. Grâce au travail de cartographie, ce nombre a été réduit à neuf étapes, et le total des coûts a également diminué, revendique Impact.
En effet, les acteurs de la chaîne d’approvisionnement se servent des documents présentés pour décourager les demandes de paiements illégaux.
Dans le domaine cobalt artisanal, le travail ne fait que commencer : la série d’ateliers du projet Cartographier les frais traitera des réformes éventuelles nécessaires pour l’amélioration de la gouvernance fiscale, tant au niveau provincial que national. Les parties prenantes s’efforceront à formuler des propositions destinées à encourager la transparence et l’efficacité des chaînes d’approvisionnement.

Depuis 2011, Impact aide le ministère des Mines à mettre en œuvre les six outils requis par l’initiative régionale visant à lutter contre l’exploitation illégale des ressources naturelles, dont l’harmonisation de la législation de tous les États membres. IMPACT a également appuyé les droits de la personne au sein des communautés minières et l’adoption de mesures de diligence au sein de la chaîne d’approvisionnement dans le cadre de son projet Or Juste, qui achemine jusqu’aux marchés internationaux de l’or artisanal légal, traçable et libre de conflits.
Parallèlement, l’ONG met en œuvre le projet « Sa Sécurité » dans le domaine de l’extraction artisanale du cobalt. Ce projet se penche sur la façon dont on peut réduire le travail des enfants en augmentant les moyens de subsistance des femmes dans les communautés vivant de l’exploitation artisanale du minerai. En outre l’ONG soutient l’élaboration du Cadre de gestion des exigences ESG (environnementales, sociales et de gouvernance), qui s’articule comme un ensemble d’attentes progressives établi en vue d’un approvisionnement responsable en cobalt artisanal provenant de la RD Congo.
PF, d’après compte rendu d’Impact.
@AB