Cameroun : Sortir de la crise anglophone
Tout naturellement, afin d’améliorer sa compétitivité, le pays mise sur les investissements étrangers et l’industrie locale pour retrouver cette dynamique perdue.
À cet égard, l’établissement public administratif API, qui vient d’être rattaché directement à la Présidence, maintient depuis 2013 un cadre incitatif à l’investissement qui exonère les entreprises de taxes fiscales et douanières pendant quinze ans. Les résultats de cette loi réglementant le marché d’investissement sont encourageants : près de 134 conventions de partenariat ont été signées entre les entreprises locales et les investisseurs étrangers.
Ce qui équivaut à des investissements projetés à 3 000 milliards de F.CFA à l’horizon 2035 pour 47 000 emplois directs attendus au cours des quinze prochaines années. En plus de cette réglementation, les autorités camerounaises ont également mis en oeuvre, en avril 2017, un nouveau plan d’industrialisation dit de « deuxième génération » dont l’objectif est de porter la contribution du secteur industriel à hauteur de 24 % dans le PIB. Pour atteindre cet objectif, l’État veut encourager simultanément la transformation locale des matières premières et les exportations, en même temps. Une formule qui pourrait séduire les investisseurs locaux et étrangers, sachant que la plupart des plantations destinées à l’exportation sont situées en zone anglophone, ainsi que l’unique raffinerie du pays.
ENCADRE
Coup de frein sur le tourisme
La crise anglophone n’a pas fait du bien au secteur du tourisme dans le département du Fako situé dans la Région du Sud-Ouest. Selon des informations de la presse locale, le département aurait perdu 15 milliards de F.CFA en un an. « On comptait 300 000 visiteurs à se rendre annuellement dans le Fako, la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, a fait chuter ce nombre considérablement », selon Mosoke Georges Musonge, délégué départemental du Tourisme et des loisirs du Fako.
En temps normal, un touriste dépense « 50 000 F.CFA par jour de villégiature ». Lors du lancement de la saison touristique 2017-2018 dans le Fako, les opérateurs ont prié pour le retour des visiteurs puisque le calme semble s’être réinstallé à Limbé. « Il n’y a plus de problème ici. Nous vivons dans la tranquillité et nous profitons de notre bel environnement », déclare Catherine Dima, directrice générale du Fini hôtel.
Plusieurs autres départements des régions anglophones qui abritent un certain nombre d’établissements renommés connaissent la même situation. Le secteur hôtelier, qui a beaucoup investi en prévision de la CAN 2019 se trouve contraint de mettre une partie du personnel en congé technique. « Après la taxe hôtelière qui nous a frappés de plein fouet, cette crise est vraiment malvenue », confie un hôtelier de Douala.
En comparaison, les pertes enregistrées ces quatre dernières années dans les secteurs de la pêche et de l’élevage dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, où sévit la secte terroriste nigériane Boko Haram, sont estimées à 89,809 milliards de F.CFA. C’est ce que révèle un rapport du ministère de l’Élevage, des pêches et des industries animales (Minepia), qui vient d’être rendu public.
Fruit d’une enquête de terrain dans les départements du Mayo Sava, du Mayo Tsanaga et du Logone et Chari, entre avril et mai 2016, touchés par des attaques terroristes, le document indique que le secteur de l’élevage a payé le plus lourd tribut de cette guerre contre la secte terroriste, avec des pertes estimées à 54,882 milliards de F.CFA, soit environ 65 % de pertes globales. Un «désastre», relève le rapport, dans la mesure où la pêche et surtout l’élevage, sont la principale activité des populations de cette partie du pays. En plus de s’attaquer aux êtres humains, les terroristes mettent un point d’honneur sur le vol du bétail qui fait office de trésor de guerre pour Boko Haram.
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QUELLES SOLUTIONS ?
La crise anglophone semble purement socio-économique avant d’être « politique » ou « identitaire ». Dès lors, à condition de trouver les bons partenaires, des voies de sorties de crises peuvent être trouvées.
Témoignages.
Dans la partie anglophone du Cameroun, l’urgence semble être de trouver les bons interlocuteurs pour négocier les conditions de sortie de crise. Si les solutions liées aux revendications corporatistes ont déjà été négociées, il reste à s’attaquer aux problèmes politiques et socio-économiques.
C’est-à-dire accepter de discuter de la forme de l’État, en proposant une nouvelle décentralisation qui permettrait une plus grande autonomie des régions. En effet, la trop forte centralisation de l’État a atteint ses limites. Interrogé, l’ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo a laissé entendre qu’il était volontaire pour une médiation avec la partie anglophone, si on le lui demandait. « Les habitants de cette zone peuvent éprouver un sentiment d’exclusion. Il revient aux autorités de faire en sorte que cette impression disparaisse. Si elle est injustifiée, il faut le démontrer. Dans le cas contraire, il faut corriger la situation au plus vite », a-t-il commenté.
De son côté, l’ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun et ancien vice-président de Amnesty International, Me Akere Muna, anglophone et fils de l’ancien vice-président du Cameroun fédéral (Solomon Tandeng Muna), a demandé l’intervention des Nations unies. Mais si des médiations au plan international sont envisageables, c’est néanmoins aux Camerounais, en priorité, à décider où ils veulent aller.
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