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Tunisair doit encore s’assainir

Tunisair doit encore s’assainir
  • Publiémars 30, 2022

Après avoir frôlé la disparition durant la pandémie, Tunisair présente désormais des perspectives de reprise. La compagnie doit transformer sa flotte, ses ressources humaines, ses choix de destinations, et trouver un partenaire stratégique.  

 

Par Nicolas Bouchet

 

« Revenir progressivement. » Pour son retour en grande pompe à l’aéroport d’Orly après avoir quitté ses locaux parisiens, la compagnie nationale Tunisair a tenu à allier l’image et la stratégie. En présence de l’ambassadeur de Tunisie, Mohamed Karim El Jamoussi, et de représentants d’Aéroports de Paris, le PDG Khaled Chelly a inauguré le nouveau comptoir de sa société dans le Hall 4 de l’aéroport du sud parisien. Une manière d’adoucir l’annonce simultanée de plans sociaux et de transformation drastiques, en préalable à une reprise encore lointaine.

Ces plans sont devenus indispensables à une compagnie qui souffre depuis longtemps des orientations industrielles et des choix de gouvernance impulsés par le gouvernement tunisien. Khaled Chelly, aux responsabilités depuis un an, doit faire revivre une société qui a aussi, comme les autres compagnies aériennes, souffert de la crise sanitaire. Première escale, ne conserver « que les destinations qui couvrent les coûts d’exploitation » en référence aux résultats constatés de 2011 à 2021, et augmenter leurs fréquences. 

En quête d’un partenaire stratégique pour Tunisair, l’État ne veut pas se limiter au secteur aéronautique ni aux entreprises nationales. Son PDG lance ainsi des appels du pied aux partenaires que sont les tour-opérateurs, les agences de voyage et les fournisseurs.

La comparaison avec l’activité de l’année 2019 montre ainsi une baisse de 60% assortie d’une réduction de la flotte, passée en trois ans de 21 appareils à 12. Khaled Chelly préfère oublier 2020 pour annoncer qu’en ce premier trimestre 2022, sur un an, l’activité de l’entreprise publique ressort en hausse de 175% en nombre de passagers et de 200% en chiffre d’affaires. La réaction ne doit pas se faire attendre et, pour cela, le plan de transformation de Tunisair opère des coupes franches et vise à renouer avec les bénéfices en 2024.

 

Réductions d’effectifs

Au plan social, le groupe Tunisair comptait en 2014 un effectif de 8 400 employés, déjà réduit de 1 700 postes. La société a procédé à une nouvelle réduction de 1 000 postes, de 2014 à 2019. En 2022, le groupe Tunisair dans son ensemble – qui compte 6 950 employés dont 3 200 pour la seule compagnie aérienne –, envisage un millier de nouveaux départs avec pour cible un ratio de 120 postes par avion. La flotte, vieillissante, s’est transformée dans cette logique et poursuit sur cette lancée.

Encore composée d’appareils de type 737-600, A319, A330 et A320, cette flotte se défera bientôt des deux premiers modèles. À terme, elle sera entièrement composée d’A320 NEO acquis au moyen du leasing, et comptera 19 appareils en 2025. « La compression des coûts signifie homogénéiser la flotte », souligne Khaled Chelly. Deux appareils NEO sont acquis et trois le seront en avril 2023 avant un nouveau leasing pour les cinq suivants.

Ces rebonds impressionnants ne doivent pas faire perdre le cap à Tunisair. La priorité reste à la satisfaction de la clientèle, dont on apprend qu’elle apprécie particulièrement le catering de la compagnie. Laquelle bénéficiera de la numérisation des services, synonyme elle aussi de réduction de personnel. Ainsi, pour Tunisair, « le plan de transformation par compression des coûts ne touchera pas le service aux clients ». Un changement attendu de longue date.

Car à plus long terme, les causes de l’urgence Tunisair remontent à la révolution de 2011 et aux errances de la politique industrielle du pays qui l’ont suivie. À tel point que cette politique a fait réagir parmi les responsables industriels tunisiens : en 2020, neuf de ses anciens patrons ont appelé, dans une tribune, à séparer gouvernance et direction d’une part, et à réduire la part de l’État au capital, d’autre part. La perspective d’une faillite commerciale proche du fait de la structure de l’entreprise leur semblait encore aggravée par le déclenchement de la crise sanitaire. Si cet appel n’a pu être entendu par l’État pendant la crise sanitaire, de telles orientations se dessinent aujourd’hui.

 

Quel partenaire ?

En effet, un Tunisair en quête d’augmentation de son capital ne se conçoit qu’avec une part moindre de l’État. Celui-ci, assure Khaled Chelly, restera majoritaire à 51% et il n’est pas question de privatisation. Seulement, la recapitalisation devra reposer sur l’entrée d’un « partenaire stratégique », que l’État choisira, et dont la nature et l’origine à préciser. La Tunisie ne veut pas se limiter au secteur aéronautique ni aux entreprises nationales. Son PDG lance ainsi des appels du pied aux partenaires que sont les tour-opérateurs, les agences de voyage et les fournisseurs. Tous verraient d’un bon œil la reprise d’activité de Tunisair, vers les destinations françaises en particulier. Celles-ci représentent 40% de l’activité et 35% des passagers. Le tourisme en Tunisie donne des signes de hausse mais sa pleine reprise demeure suspendue aux subventions de l’État tunisien. Pour l’heure, difficile d’envisager un rétablissement avant la fin 2023 des destinations nationales que sont Tozeur et Tabarka. Quant aux moyen-courriers vers Prague, Ouagadougou et Beyrouth, ils resteront fermés.

Toutefois, les perspectives immédiates sont bonnes. Tunisair entrevoit avec optimisme une saison 2022 forte qui l’obligera, en situation de sous-offre avec sa flotte actuelle, à louer des vols à d’autres compagnies. Cet élan encourageant permet à la société de confirmer son ambition de regagner la confiance des passagers et d’opérer « un repli stratégique avant un retour en force ».

 

Trois questions à Khaled Chelly

 

Vous avez présenté votre plan pour l’avenir. Avez-vous eu voix au chapitre face au ministère des Transports dans l’élaboration des objectifs et des moyens ?

Ce plan a été préparé sur quatre mois en Conseil d’administration. Après son approbation en Conseil d’administration, il a été soumis à notre tutelle, le ministère des Transports. Celui-ci doit à son tour la soumettre en Conseil des ministres restreint. Le plan comporte des points importants sur l’assainissement financier et social et nous avons consacré trois séances avant l’approbation d’une première esquisse.

Dans cette affaire, le gouvernement est très impliqué au travers d’une commission interministérielle composée du ministère des Finances, du ministère des Affaires sociales, et du ministère des Transports. L’État veut l’augmentation de capital de Tunisair et un assainissement social avec des départs volontaires. Nous attendons la finalisation du projet puis, fin avril, un nouveau Conseil ministériel restreint.

 

Quel est le poids de l’État dans le Conseil d’administration ?

Sans détour, l’État détient 65% du capital, 10% reviennent à des d’entreprises étatiques, le reste étant détenu par des privés. En termes de membres siégeant au Conseil d’administration, douze représentent l’État et les sociétés publiques, et un membre représente les petits actionnaires.

Le PDG de Tunisair, le 29 mars 2022 (Photo Nicolas Nédellec)

 

Quelles sont les destinations lointaines que vous envisagez grâce à l’autonomie des A320-NEO ?

Avec un tel rayon d’action et la transformation que nous prévoyons, nous voulons ouvrir d’ici à 2026 des destinations long-courriers vers Pékin et vers New York. Rappelons que le Canada est actuellement notre seule destination long-courrier, avec trois fréquences hebdomadaires en été et deux fréquences le reste de l’année.

L’A330 est destiné aux marchés turc et français. Ce dernier a deux fréquences par jour vers Paris qui comptent une forte demande de cargo, pas seulement de passagers. Ceci après une baisse de 60% de l’activité depuis 2019. Nous redémarrons avec 70% de la capacité que nous avions en 2019 !

 

@NBouchet

Écrit par
Nicolas Bouchet

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