x
Close
African Business

Buhari laisse une économie sinistrée à son successeur

Buhari laisse une économie sinistrée à son successeur
  • Publiémars 1, 2023

Le président sortant du Nigeria laisse derrière lui une économie peu performante, caractérisée par une faible production de pétrole, une inflation galopante et une croissance faible.

 

Alors que le Nigeria vient de se choisir un nouveau Président, Bola Tinubu, le principal héritage de son prédécesseur, Muhammadu Buhari, sera riche d’une économie en difficulté et d’une société polarisée. Le dernier jour de son mandat, l’actuel président laissera derrière lui une dette nationale d’au moins 77 000 milliards de nairas (167 milliards de dollars), selon le bureau de gestion de la dette du pays. C’est plus du double de la dette dont il a hérité en 2015. Elle comprend au moins 26 900 milliards de nairas (62,2 milliards de dollars) de dette intérieure, 17 100 milliards (39,7 milliards de dollars) d’emprunts à l’étranger et 22 700 milliards (49,2 milliards de dollars) de financement des voies et moyens de la Banque centrale du Nigeria. L’accumulation de la dette a vu le ratio dette/PIB du Nigeria bondir de 33 % à 45 %, en un an. Lorsque Muhammadu Buhari a pris ses fonctions en 2015, le Nigeria avait une dette extérieure de seulement 7,3 milliards de dollars et des obligations domestiques de 8,8 trillions de nairas.

L’amélioration des recettes d’exportation atténuera la pression du taux de change sur le naira tout en améliorant la solvabilité du pays. Ainsi, un nouveau gouvernement pourrait gagner du temps et de l’espace pour faire face aux plus grands défis économiques du pays.

En 2022, le service de la dette a absorbé plus de 80 % des recettes du gouvernement fédéral, et le FMI estime qu’il dépassera 100 % en 2023. La production pétrolière a atteint son niveau le plus bas depuis trois décennies, soit environ 1 million de barils par jour à un moment donné l’année dernière, alors que le vol de pétrole, rendu possible par la corruption du gouvernement, de l’industrie et des responsables de la sécurité, a atteint une échelle industrielle. La réduction des revenus des exportations de pétrole, principale source de devises du pays, a exacerbé les difficultés de l’économie, la valeur du naira s’effondrant alors que l’économie dépendante des importations se bat pour trouver des devises.

Bola Tinubu élu au Nigeria, un changement dans la continuité

Dans le même temps, le gouvernement a maintenu une subvention sur l’utilisation du carburant domestique, identifiée par un certain nombre d’enquêtes gouvernementales ces dernières années comme un canal de corruption. Le paiement de cette subvention a consommé environ un tiers du budget de 2022 après que le gouvernement a changé d’avis pour y mettre fin à l’approche des élections de 2023, craignant de s’aliéner l’électorat. La décision de mettre fin à cette subvention controversée est maintenant laissée au nouveau gouvernement, qui devra la prendre d’ici juin.

 

Les mauvaises notes font augmenter les coûts d’emprunt

La situation financière précaire du pays a été reflétée par les agences de notation internationales. En février 2023, Moody’s a abaissé la note du Nigeria de B3 à Caa1, estimant que la situation budgétaire et la dette du gouvernement devraient continuer à se détériorer. Il en résulte que le Nigeria devra payer plus cher pour emprunter sur les marchés financiers internationaux, éventuellement à un moment où le nouveau gouvernement aura un besoin urgent de fonds pour démarrer. Si Muhammadu Buhari insiste sur le fait qu’il a obtenu de bons résultats au cours de ses deux mandats, même certains membres du parti reconnaissent qu’il y a eu des échecs.

« Il n’a pas été génial avec les principes et les politiques économiques », a reconnu, en pleine campagne électorale, Mustapha Audu, porte-parole de la campagne présidentielle du All Progressives Congress (APC), qui sort donc gagnant du scrutin. « Nous voulons des gens qui ont la capacité d’appliquer ce qu’ils disent », a-t-il ajouté, citant la candidature de Boloa Tinubu. Les politiques économiques étatistes de Buhari ont été définies par des restrictions monétaires, des contrôles stricts des importations et des fermetures temporaires des frontières avec les États voisins dans le but de stimuler la production nationale.

Le déclin de l’économie s’est accompagné d’un déclin de la cohésion sociale. Au moment où Muhammadu Buhari a pris le pouvoir en 2015, on déplorait des conflits armés actifs impliquant les djihadistes de Boko Haram dans le Nord-Est, des affrontements pour les pâturages dans la Middle Belt et les militants de la région pétrolière dans le Sud. À la veille de son départ, des groupes armés sont actifs dans toutes les régions du Nigeria. Cette dégradation de la sécurité a particulièrement affecté l’agriculture et le transport de marchandises à travers le pays.

Rencontre entre Muhammadu Buhari et Bola Tinubu à Londres, en août 2021.
Rencontre entre Muhammadu Buhari et Bola Tinubu à Londres, en août 2021.

 

Considéré par beaucoup comme celui qui allait mettre un terme au déclin du Nigeria sous l’ancien gouvernement PDP en 2015, Muhammadu Buhari a déçu certains de ses premiers partisans. Selon ses détracteurs, ses réflexes politiques et sa vision étatiste de l’économie, façonnés pendant les années de guerre civile du Nigeria, où il a combattu comme soldat avant de faire un coup d’État pour devenir chef militaire dans les années 1980, ne sont plus adaptés aux besoins de la population majoritairement jeune du pays.

L’ancien président Olusegun Obasanjo fait partie des critiques qui ont accusé Buhari de partialité en faveur des musulmans du nord et de son groupe ethnique Fulani. Ils attribuent l’escalade de la violence séparatiste dans le sud-est et l’émergence de tendances similaires dans le Sud-Ouest, au cours des derniers mois, au fait que Muhammadu Buhari « gère mal la diversité » du pays le plus peuplé d’Afrique, qui compte plus de 200 millions d’habitants et plus de 250 groupes ethniques, et qui est également divisé de manière presque égale entre les adeptes de l’islam dans le nord et ceux du christianisme dans le Sud.

 

Une histoire de contre-performance

L’administration n’a pas semblé préparée au choc pétrolier de 2015, qui a vu les prix du pétrole brut tomber sous les 30 dollars le baril à un moment donné. Les troubles dans la région pétrolière du delta du Niger se sont intensifiés au cours du premier mandat de Buhari, paralysant davantage les exportations de pétrole et aidant le Nigeria à connaître sa première récession en 25 ans.

Le pays s’en était à peine remis lorsque la pandémie de coronavirus a frappé en 2020. Une fois de plus, le Nigeria a subi une énorme contraction économique, et sa reprise a été discrète : le FMI s’attend à ce que l’économie ne croisse que de 3,2 % cette année, après une expansion de 3,6 % l’an dernier.

Les derniers chiffres de l’inflation fournis par le Bureau national des statistiques montrent une augmentation à 21,8 % en janvier, soit le niveau le plus élevé depuis presque deux décennies. Le principal moteur reste l’inflation des denrées alimentaires, qui a atteint 24,3 % en janvier, contre 23,7 % le mois précédent, maintenant une hausse constante au cours de l’année écoulée, imputée par la banque centrale aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement alimentaire dues à l’insécurité dans les principales régions productrices de nourriture.

 

Améliorer les recettes

Le manque d’argent induit par la politique de remplacement des billets de banque a paralysé l’économie informelle et paralysé les entreprises dans tout le pays. Outre les difficultés économiques, le nouveau président héritera également d’une population sur le qui-vive, dans l’expectative et à court d’inspiration. Des mesures urgentes devront être prises pour mettre fin aux principales pénuries qui frappent l’économie : les billets de banque et le carburant.

Le budget 2023 signé par Muhammadu Buhari n’étant sûr de financer que la moitié environ des 20 500 milliards de nairas prévus, le nouveau gouvernement devra trouver les fonds nécessaires à son fonctionnement. Les nouvelles approches des marchés financiers internationaux pour lever de nouvelles euro-obligations se heurteront probablement à des taux prohibitifs. Il ne reste donc que les emprunts nationaux, y compris les dépenses de la banque centrale, parmi les rares options de financement du nouveau gouvernement.

Dans ces circonstances, la seule voie claire vers la solvabilité pour le gouvernement est de récupérer la production de pétrole des cartels criminels qui la contrôlent actuellement. Cela lui permettra d’augmenter la production de pétrole, qui était en moyenne de 1,3 million de barils par jour l’année dernière, pour atteindre la fourchette normale de 1,8 million à 2,2 millions de barils par jour.

@NA

 

 

Écrit par
Dulue Mbachu

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *