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Bonne gouvernance

Sango, une monnaie de singes ?

Sango, une monnaie de singes ?
  • Publiéjuillet 4, 2022

La Centrafrique lance le processus de création d’une cryptomonnaie, le Sango. L’initiative vise surtout à valoriser la richesse économique du pays, explique le président Touadéra. Qui annonce la création d’un paradis fiscal, sur l’île aux Singes, devant Bangui.

 

Par Aude Darc

Le président centrafricain persiste. Faustin Archange Touadéra présente lui-même, dans une vidéo de six minutes, son projet de cryptomonnaie, baptisée Sango. La Centrafrique était devenue, voici quelques semaines, le premier pays africain et l’un des premiers pays au monde, après le Salvador, à reconnaître le bitcoin comme monnaie légale.

« Aujourd’hui, nous sommes à l’ère de technologie, Une voie pour réduire la souffrance des Centrafricains est d’utiliser la cryptomonnaie pour trouver des solutions dans les transactions ou sécuriser pour qu’il n’y ait pas de blanchiment d’argent », explique le porte-parole du gouvernement.

Désormais, la Centrafrique franchit une étape supplémentaire en émettant sa propre monnaie virtuelle. Ce, en dépit de l’opposition des institutions internationales et de la Banque centrale d’Afrique centrale.

De plus, le Président annonce l’ouverture du premier « crypto-hub africain, à fiscalité nulle ». Une forme de paradis fiscal en plein cœur du pays, destiné à faciliter l’essor de cette monnaie virtuelle. Ce lieu, bien réel celui-là, serait situé – cela ne s’invente pas –, sur l’île des Singes, située face à la capitale, sur la rivière Oubangui. Voilà donc l’endroit transformé en « île de la crypto » : une zone franche sans taxes où palaces, casinos, grand stade et parc aquatique pourraient prospérer. Peu de détails sont, pour l’heure, fournis quant à la création de ce « Sango Coin » et de l’île crypto, plateforme permettant, assure le Président, à cette monnaie virtuelle de devenir « le catalyseur de la tokénisation des vastes ressources naturelles » de la Centrafrique.

Pour l’État centrafricain, le recours à une monnaie virtuelle permet de répondre à un des maux de l’Afrique. Faustin Archange Touadéra déplore, en effet, que sur un continent qui « souffre d’un manque criant d’infrastructures » et où « 57 % de la population n’est pas bancarisée », de nombreux habitants ne puissent pas avoir accès aux services financiers. Dès lors, une « solution » : « Le smartphone, pour commercer et investir en cryptomonnaies. »

 « Le smartphone, c’est l’alternative à la banque traditionnelle, à l’argent liquide et à la bureaucratie financière », juge le président de la Centrafrique, l’un des pays les moins développés au monde, selon les critères des Nations unies. Qui pourraient pointer là une faille dans le raisonnement présidentiel : moins de 15% de la population a un plein accès à l’électricité et encore moins dispose d’une connexion à l’Internet.

 

Trouver le cadre légal

Argument rejeté : « La Centrafrique est assise sur une montagne de richesses inexploitées », dont l’or, le diamant, les métaux rares, et « Sango Coin sera l’accès direct à nos ressources pour le monde entier » pour attirer les investisseurs et « faire démarrer les moteurs de l’économie », s’enthousiasme le chef de l’État. Dès lors, « Sango signifie la langue de l’argent et de la richesse. La crypto-monnaie aide les pauvres à prendre le contrôle de leurs investissements », poursuit-il.

Que penser alors de cette initiative ? Une démarche purement politique, tandis que l’on prête l’intention à Faustin Archange Touadéra de briguer un troisième mandat ? Démarche qui nécessite un changement constitutionnel, un projet de loi a d’ailleurs déjà été déposé en ce sens. Une démarche économique, visant à valoriser les ressources du sol et du sous-sol centrafricain ? Car la « tokenisation » permet bien de valoriser, même en monnaie « de singes », des actifs (ou des services) bien réels. Une épine dans le pied du franc CFA ? Une démarche financière ? Une monnaie virtuelle peut attirer des capitaux. Y compris, prétendent leurs détracteurs, des capitaux aux origines mafieuses.

Pour les autorités, l’attrait des capitaux est essentiel, afin de doter le pays des infrastructures nécessaires. Bien sûr, un cadre légal précis s’impose. « « Nous sommes entièrement d’accord avec les opposants et nous les remercions d’ailleurs pour cette attention portée aux questions de conditions de vie de nos compatriotes », ironise Serge Djorie, porte-parole du gouvernement. « Pour autant, aujourd’hui, nous sommes à l’ère de technologie,

Une voie pour réduire la souffrance des Centrafricains est d’utiliser la cryptomonnaie pour trouver des solutions dans les transactions ou sécuriser pour qu’il n’y ait pas de blanchiment d’argent. »

D’ailleurs, « nous pouvons organiser cela puisque la Centrafrique est un État de droit, il faut tout structurer. » Et il faut faciliter la tâche à celui qui prendra le pouvoir après Toudéra, « parce que rassurez-vous, Touadéra ne sera pas éternellement au pouvoir ! », lâche le porte-parole, cité par RFI.

Cette initiative, annoncée en pleine chute mondiale des cryptomonnaies, ne manquera pas de faire réagir.

@AB

 

 

Écrit par
Aude Darc

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