L’urbanisation façonne le continent

Démographie, développement, croissance économique… l’urbanisation transforme durablement l’Afrique, expliquent différents représentants d’organismes internationaux. Ce phénomène n’en serait qu’à ses débuts, ce qui implique une prise en compte plus forte des décideurs politiques.
Par Aude Darc
Le rapport Dynamiques de l’urbanisation africaine 2022 a donné lieu à plusieurs prises de position de la part des institutions ayant supervisé sa rédaction. Au-delà des plaidoyers pro domo pour l’action de telle ou telle, elles permettent de voir que les institutions prennent au sérieux cette dimension souvent réduite aux caricatures et au catastrophisme.
La BAD a accordé un financement en faveur d’études préparatoires pour la future autoroute reliant Abidjan à Lagos, un projet de 15,6 milliards de dollars via Accra, Lomé et Cotonou, susceptible de générer près de 75 % d’activités commerciales en Afrique de l’Ouest.
Au contraire, le rapport met en évidence que l’urbanisation constitue pour l’Afrique un certain atout. Ainsi, Ibrahim Assane Mayaki, président de l’AUDA-Nepad, explique-t-il que les villes africaines « ont maintenu leurs performances économiques malgré une croissance de 500 millions d’habitants au cours des trente dernières années, fournissant plusieurs centaines millions de personnes avec de meilleurs emplois et un meilleur accès aux services et aux infrastructures ». Ceci, dans un contexte de soutien et d’investissement publics très limités ; cette performance est probablement « l’une des réalisations les plus sous-estimées » des villes africaines.
Edlam Yemeru, directrice au sein de la CEA (Commission économique pour l’Afrique) considère que l’« urbanisation de l’Afrique change la donne ». Selon elle, le changement n’est pas seulement démographique, mais remodèle également considérablement les résultats économiques et sociaux. Les villes doivent donc être placées au cœur de l’élaboration des politiques économiques nationales. « La transition de l’Afrique vers l’urbanisation façonne le continent à un rythme très rapide et ce changement n’est pas seulement démographique, elle constitue une transition économique et sociale. »
L’avenir de l’Afrique réside dans ses villes
Et la CEA de souligner que l’urbanisation stimule la croissance économique, en créant des économies d’agglomération. Environ 30% de la croissance du PIB par habitant de l’Afrique au cours des vingt dernières années sont dus à l’urbanisation, avance l’organisme onusien.
De plus, l’urbanisation entraîne la transformation économique. Les travailleurs qualifiés représentent près de 36% du total des travailleurs dans les zones urbaines, tandis qu’en milieu rural, ils représentent un peu moins de 15% de la main-d’œuvre.
Le rôle moteur de la BAD
Le rapport rappelle aussi que ce phénomène améliore l’accès aux services financiers, augmente les niveaux d’éducation. Surtout, tient à souligner la CEA, les villes profitent aux zones rurales, tandis que les groupes de villes offrent de nouvelles opportunités. Les zones rurales proches des villes obtiennent de meilleurs résultats que les zones rurales éloignées en termes d’emploi, d’éducation, d’accès au financement et aux infrastructures.
La CEA reprend à son compte les principales conclusions du rapport quant à l’action à mener. Pour Edlam Yemeru « L’Afrique a également une chance unique de réussir l’urbanisation, car la majeure partie de sa croissance urbaine est à venir ». Selon la représentante de la CEA, les dirigeants africains doivent « planifier le développement des villes et la croissance urbaine, car il est parfois trop coûteux, voire impossible, de défaire et de reconstruire la configuration physique des villes une fois que le processus d’urbanisation a eu lieu ».
Edlam Abera Yemeru (CEA)
Edlam Abera Yemeru pointe également le lien étroit qui existe entre urbanisation et jeunesse de la population : « Entre 1980 et 2015, l’Afrique a enregistré une augmentation de 362 % du nombre de jeunes résidant en zone urbaine. »
L’urbanisation est l’ « une des mutations les plus importantes que le continent africain va connaître au cours de ce siècle », considère de son côté Solomon Quaynor, vice-président de la BAD (Banque africaine de développement) Faisant écho à Ibrahim Mayaki, selon qui les conclusions du rapport devraient déboucher sur des politiques puis sur un financement ad hoc, Solomon Quaynor appelle les parties prenantes à prêter attention aux transitions démographiques, sociales et économiques qui influenceront l’urbanisation croissante de l’Afrique – et réciproquement.
De son côté, la BAD a porté ses financements en faveur du secteur urbain à plus de 400 millions d’euros en 2018, contre 100 millions d’euros par an en moyenne sur la période 2005-2009. En 2020, conformément aux Objectifs de développement durable et aux priorités opérationnelles de ses « High 5 », la Banque africaine de développement a lancé le Fonds de développement urbain et municipal pour intensifier son soutien. Récemment, la BAD a accordé un financement de 22,4 millions d’euros en faveur d’études préparatoires pour la future autoroute reliant Abidjan à Lagos, un projet de 15,6 milliards de dollars via Accra, Lomé et Cotonou, susceptible de générer près de 75 % d’activités commerciales en Afrique de l’Ouest.
@NA