x
Close
African Business

Bola Tinubu peut-il relancer les investissements au Nigeria ?

Bola Tinubu peut-il relancer les investissements au Nigeria ?
  • Publiéavril 24, 2023

Le président élu du Nigeria, Bola Tinubu, tient un discours rassurant quant aux réformes économiques et fiscales, mais les investisseurs restent prudents.

 

Les investisseurs étrangers peuvent faire preuve d’un optimisme prudent alors que le président élu du Nigeria se prépare à prendre ses fonctions, le 29 mai. Bola Tinubu a manifesté sa volonté d’introduire des réformes indispensables pour améliorer l’environnement des affaires. La prudence est de mise, étant donné l’incertitude quant à l’ampleur des changements qu’il est capable d’apporter.

Bola Tinubu a fait des choix recevables en matière de réformes et dispose d’un bon bilan administratif, ce qui permet à certains d’espérer une reprise économique soutenue par les investissements étrangers.

Après ce que beaucoup considèrent comme « les huit années perdues » du mandat de Muhammadu Buhari, au cours desquelles l’économie a vacillé et la confiance des investisseurs s’est effondrée, son successeur semble équipé pour au moins commencer à redresser la situation du pays. Notamment parce que Bola Tinubu, en tant que gouverneur de Lagos au début des années 2000, a supervisé une croissance significative, alimentée par des investissements étrangers, qui a contribué à relancer la mégapole en difficulté, en particulier ses infrastructures de transport.

Si les promesses électorales de Tinubu sont ambitieuses, et même s’il ne réalise que des gains économiques modestes, il sera considéré comme une amélioration par rapport à Buhari. Sous la direction de ce dernier, la dette publique a explosé, les investissements directs étrangers ont chuté de plus de 50 %, le secteur de l’énergie, épine dorsale de l’économie, a vu les grandes compagnies pétrolières se retirer, notamment en raison de l’explosion des vols de pétrole, et les compagnies aériennes étrangères, incapables de rapatrier des dollars, ont menacé de suspendre leurs activités, ce qu’Emirates a fait temporairement. La cause de Buhari n’a pas été aidée par la chute des prix du pétrole, mais son incapacité à nommer des leaders compétents à des postes clés, en particulier dans le secteur crucial de l’énergie, a contribué aux difficultés économiques du pays.

Bola Tinubu a laissé entendre qu’il desserrerait certains des principaux freins aux investissements étrangers au Nigeria et aux performances économiques globales. Il comprend clairement quels sont les défis et les goulets d’étranglement, mais il n’est pas certain qu’il ait la volonté politique et le soutien nécessaires pour les surmonter.

La liste des réformes envisagées comprend : l’amélioration du régime de change qui crée une grande incertitude pour les entreprises et les citoyens ; des allègements fiscaux pour les entreprises ; la suppression d’une énorme subvention au carburant (qui coûte des milliards de dollars) ainsi que l’élimination des échappatoires fiscales afin de dégager des fonds pour des priorités telles que les infrastructures et l’éducation ; et le renforcement de la gouvernance et de la sécurité dans le secteur énergétique en difficulté, afin que le Nigeria puisse augmenter sa production de pétrole et commencer à atteindre les objectifs des quotas de l’OPEP.

Toutes ces mesures paraissent, aux yeux des investisseurs, sensées et prometteuses, bien que les dirigeants précédents aient promis de telles réformes et d’autres similaires avec des résultats limités. Et si le président élu souhaite réellement mettre en œuvre ses projets, il devra vaincre les puissants intérêts en place qui profitent du statu quo.

Bien que Bola Tinubu reste vague sur la façon dont il stabiliserait le naira, il dit qu’il a l’intention d’y travailler avec la Banque centrale, qui pourrait s’opposer à une réforme significative des mécanismes de taux de change.

La subvention des carburants maintient l’essence à un bas prix : les plans visant à la supprimer seraient profondément impopulaires parmi les Nigérians et se heurteraient à la résistance des politiciens qui bénéficient de la fraude liée aux subventions. Et une répression du vol de pétrole dans le delta du Niger, sans mesures visant à encourager le développement économique de la région, pourrait déclencher des troubles locaux. La dernière chose dont Abuja a besoin, alors qu’il s’efforce de réprimer une insurrection islamique dans le nord-est du pays et des conflits entre éleveurs et agriculteurs dans le centre du Nigeria.

 

Problèmes de favoritisme

L’intention déclarée de Bola Tinubu de placer des spécialistes à des postes clés pour superviser les changements qu’il a planifiés suscite également des interrogations. Dans l’industrie pétrolière, cela signifierait qu’il engage des personnes ayant une expertise technique pour mettre en place une gouvernance et des contrôles adéquats ; une rupture nette avec son prédécesseur, qui s’était nommé lui-même ministre du pétrole alors qu’il connaissait mal le secteur.

Pourtant, si le président élu a nommé des technocrates lorsqu’il était gouverneur de Lagos entre 1999 et 2007 – ce qui lui a permis de mieux gérer les finances, les services publics et le système de transport -, il a également acquis une réputation de favoritisme politique. Surnommé « le parrain », il a exercé son influence sur la ville même après sa démission et a apporté un soutien décisif à Buhari lors de sa candidature à l’élection présidentielle de 2015 et de sa réélection quatre ans plus tard. Fait révélateur, le slogan de campagne de Bola Tinubu lors de sa candidature en février était « C’est mon tour maintenant ».

Bola Tinubu salue ses partisans ,durant la campagne présidentielle.
Bola Tinubu salue ses partisans ,durant la campagne présidentielle.

 

Maintenant qu’il est au pouvoir, récompensera-t-il ses amis et ses alliés, ou tiendra-t-il sa promesse de nommer ceux qui ont l’expérience et l’expertise requises ? Et surtout, dans ce dernier cas, sera-t-il en mesure de reproduire à l’échelle nationale les succès tant vantés qu’il a obtenus à Lagos ?

Certains sceptiques font valoir que lorsqu’il dirigeait la capitale commerciale du Nigeria, le prix du pétrole était élevé et le pays connaissait un boom des investissements. Il est donc difficile de déterminer dans quelle mesure ses politiques ou l’environnement commercial favorable du pays ont attiré les fonds qui lui ont permis de revitaliser la ville. Aujourd’hui, la situation est très incertaine : Bola Tinubu arrive aux commandes alors que le pays est confronté à un ralentissement économique, que les prix du pétrole devraient baisser au second semestre et que le ratio service de la dette/recettes d’environ 80 % ne laisse qu’une faible marge de manœuvre budgétaire.

Bien que les perspectives financières ne soient pas bonnes, Bola Tinubu voudra avoir un impact positif, faute de quoi son autorité pourrait être remise en question. Il n’a obtenu que 37 % des voix lors d’une élection à laquelle seuls 29 % des électeurs ont participé. De plus, des allégations d’irrégularités ont conduit à une contestation du résultat devant les tribunaux. Des victoires économiques rapides pourraient être essentielles pour renforcer sa légitimité auprès des investisseurs et des électeurs, en particulier ceux qui ont préféré le rival électoral de Tinubu, Peter Obi, plus favorable au marché.

Bola Tinubu a fait des choix recevables en matière de réformes et dispose d’un bon bilan administratif, ce qui permet à certains d’espérer une reprise économique soutenue par les investissements étrangers. Les investisseurs seront probablement soulagés de voir le rideau tomber sur Buhari et encouragés par le fait que son successeur reconnaît les problèmes qui assaillent l’économie. Toutefois ; leurs décisions d’investissement seront probablement influencées par la manière dont il s’y attaquera – une première indication sera la compétence des personnes qu’il nommera à des postes administratifs clés.

Selebia Etomi est associée au cabinet Risk Advisory.

@AB

 

Écrit par
Selebia Etomi

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *