Alerte de Moody’s sur les sanctions imposées au Mali

Moody’s Investor Services abaisse sa note attribuée à la dette souveraine du Mali, prévenant d’une nouvelle dégradation si le blocus économique et financier du pays se poursuit. Le pays reste solvable, mais sa gouvernance dégradée et les sanctions aggravent sa situation.
Par Laurent Soucaille
Est-ce un coup dur, sur le plan financier, pour le Mali, en quête de financements sur les marchés ? Ou au contraire, un argument financier de poids permettant de débloquer la situation financière du pays ?
L’influente agence de notation Moody’s a abaissé d’un cran sa notation, de Caa1 à Caa2, un niveau plaçant un peu plus la dette malienne à un rang « spéculatif ». Pire, l’agence américaine a indiqué laisser la note du Mali sous surveillance, « en vue d’une possible nouvelle dégradation ».
Des sanctions prolongées pourraient avoir un impact négatif important et durable sur le profil de crédit du Mali, saper l’économie, contribuer à aggraver l’instabilité sociale et éroder la solidité budgétaire du pays.
Cette décision n’est guère une surprise. Elle intervient quelques jours après le défaut de paiement décidé par le gouvernement du Mali sur le marché de la dette de l’Uemoa, le 28 janvier 2022. Ce refus est motivé par les sanctions économiques et financières décidées par la CEDEAO au gouvernement malien, quelques jours plus tôt.
Sanctions qui font elles-mêmes suite à la décision de la junte militaire d’étendre son pouvoir cinq ans de plus, malgré les engagements précédents d’organiser au plus tôt des élections. Moody’s associe la position du gouvernement malien « à une gouvernance plus faible et en particulier à une érosion de la qualité des institutions législatives et exécutives du pays, à partir de niveaux déjà faibles », souligne la note de l’agence.
« Tant que les comptes du gouvernement à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) resteront gelés en raison des sanctions, le pays continuera probablement à ne pas payer les dettes commerciales en cours. » Alors que la BCEAO est intervenue pour assurer les paiements prévus sur les titres de créance en circulation du Mali lors des sanctions initiales imposées en août et septembre 2020 à la suite du coup d’État, elle ne l’a pas fait cette fois.
Question de gouvernance
La décision maintenir la notation sous surveillance négative reflète l’opinion de Moody’s selon laquelle « la situation politique actuelle pourrait se détériorer davantage ». Surtout si les négociations entre le gouvernement militaire malien et la communauté internationale ne parviennent pas rapidement à un accord concernant une transition pour un retour rapide à un régime civil.
L’agence suppose que l’État malien « a les moyens financiers de payer sa dette ». Le problème relève donc essentiellement de la politique et de la gouvernance, tandis qu’une résolution rapide de ce dossier semble improbable.
Si la situation se dénoue rapidement, une levée des sanctions ouvrirait la voie à la reprise des paiements de la dette, avec probablement des pertes limitées pour les investisseurs. À l’inverse, si les sanctions restent en place pendant une période prolongée, les répercussions économiques et financières peuvent entraîner des pertes plus importantes.
De plus, l’économie et la population du Mali souffriraient de sanctions prolongées, avec des conséquences négatives potentiellement significatives pour la solvabilité à long terme de l’État.
Bien que le gouvernement puisse compter sur les réserves financières conservées sur des comptes bancaires au Mali pour faire face au paiement des salaires et des fournitures à court terme, plus les sanctions resteront en place longtemps, plus la population et l’économie seront durement touchées.
En particulier, les sanctions entraînent également une réduction du commerce international – ne serait-ce que par un accès fermé aux ports –, et une baisse des investissements dans le pays.
Cela aura également un impact sur le budget avec des niveaux inférieurs de droits de douane perçus pendant que les sanctions sont en place. Le secteur minier, qui est la principale source de recettes étrangères, devrait également souffrir d’une interruption plus prolongée des échanges.
@LS
Business – Finance : Des agences de notation « à la fois le joueur et l’arbitre »
L’Union africaine comprend la colère du Ghana face à la décision de Moody’s de dégrader sa notation souveraine, à un rang spéculatif. L’agence est priée de revoir sa copie et le sérieux de ses critères. Elle n’y est en rien contrainte.

Moody’s a abaissé la note du Ghana, de B3 à Caa1. Cette décision a entraîné la colère du gouvernement ghanéen. Selon son ministre des Finances, l’agence a omis des informations clés et révèle « un parti pris institutionnel contre les économies africaines ». Fitch Ratings avait pourtant pris une décision similaire, en janvier. « Nous sommes gravement préoccupés par ce qui semble être un parti pris institutionnalisé contre les économies africaines à cet égard… sans tenir compte de l’impact négatif sur le coût et l’accès au financement pour les souverains africains », affirme un communiqué du ministère ghanéen des Finances, dirigé par Ken Ofori-Atta.
« Nous continuerons activement à soutenir le tollé mondial contre ce Léviathan », ajoute le texte. Les économistes craignent que le Ghana ne se dirige vers une crise de la dette, souligne l’agence Reuter, alors que le pays est aux prises avec un déficit budgétaire à deux chiffres et une inflation en hausse.
Dans l’espoir de rallier les investisseurs et de stabiliser les rendements obligataires, le gouvernement a déclaré, en janvier, qu’il plafonnerait les dépenses à 80% de ce qui avait été approuvé pour le budget 2022 jusqu’à ce que les perspectives de déficit s’améliorent. Le Ghana a fait appel de la décision de Moody’s mais pour l’heure, l’agence refuse de reconsidérer sa décision.
De son côté, le Mécanisme d’évaluation par les pairs (MAEP), une structure de l’Union africaine, a pris parti pour le Ghana. L’institution reconnaît que la nouvelle notation attribuée indique que le gouvernement du Ghana est soumis à un risque très élevé de défaut de règlement des obligations souveraines ou de paiement des coupons à leur échéance.
Selon le gouvernement du Ghana et l’Union africaine, Moody’s n’a nommé un analyste principal pour évaluer le pays que quelques jours avant la publication de sa note. Et encore, cet analyste ne se serait même pas rendu dans le pays.
Pour autant, la dégradation par Moody’s du Ghana place sa note un cran en dessous de celle de Fitch émise le 14 janvier 2022 et de celle de S&P Global émise le 11 septembre 2020.
Le gouvernement, pour la deuxième fois, s’inquiète des inexactitudes et de la précipitation des décisions de notation des agences de notation. « Moody’s aurait donc dû prêter l’attention voulue aux problèmes soulevés », juge le MAEP. Lequel « soutient et corrobore » les observations faites par le gouvernement du Ghana, qui « met en évidence des fondamentaux importants qui contredisent l’action de déclassement de Moody’s ».
L’instance de l’UE rappelle que le Ghana est l’une des principales économies d’Afrique. En Afrique de l’Ouest, comme ailleurs, l’absence d’un analyste principal pour évaluer un pays, « augmente considérablement la probabilité de biais négatifs ». Or, l’agence américaine n’a nommé un analyste principal que quelques jours avant les décisions de notation ; lequel analyste n’« a jamais visité le Ghana ».
Une dégradation « inexacte »
Évoquant le rejet de l’appel, argumenté, du gouvernement du Ghana, la structure de l’UA relève une procédure d’émission usant d’un pouvoir à l’évidence « non réglementé et irresponsable » (juridiquement) par les agences internationales de notation de crédit. Les agences sont à la fois « le joueur et l’arbitre en Afrique ».
Compte tenu de la nature des notations et de l’influence des agences de notation, la dégradation « inexacte » de la notation par Moody’s réduira la solidité des fondamentaux au Ghana, frustrant les efforts du gouvernement dans l’assainissement budgétaire en cours.
Sur ces bases le MAEP demande à Moody’s de réexaminer l’appel du Ghana, « comme prévu dans les procédures et méthodologies utilisées par l’agence pour déterminer les notations de crédit ».
Et demande à l’agence américaine d’assurer une présence suffisante d’analystes dans le pays, par le biais de visites sur le terrain pour bien comprendre et évaluer l’environnement économique et politique.
« L’analyse de Moody’s ne devrait pas prendre de décisions de notation hâtives qui pourraient être compliquées à corriger, au détriment de la solvabilité du gouvernement. » L’instance de l’UA recommande aussi au gouvernement de promulguer une législation pour renforcer la supervision et la réglementation des agences de notation internationales, et de conformer les instances de régulations des marchés aux standards internationaux.
@LS
1 Commentaire
Bonjour a vous, pourquoi ne paq créé ine agence de notation Africaine et congédier ces agences étrangères en Afrique.