L’agroécologie, une autre vision de l’agriculture

En parallèle aux débats sur l’agro-industrie et la quête de rentabilité, les tenants de l’agroécologie privilégient une approche plus soucieuse des besoins de chaque agriculteur. Ils redoutent une uniformisation de la filière.
Par Kimberly Adams
L’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) a organisé, durant trois jours, une grande conférence en ligne sur l’avenir des marchés alimentaires. L’occasion pour cette organisation de la société civile de promouvoir une agriculture alternative sur le continent, l’agroécologie. Et, parfois, de répondre à ses détracteurs qui privilégient les investissements massifs dans l’agro-industrie.
L’agroécologie a été reconnue par les grands organismes internationaux (ONU, FAO…) comme étant une réponse à la malnutrition. Les méthodes agroécologiques seraient-elles supérieures aux autres en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle ? Telle est la conviction des tenants de l’agroécologie.
L’agroécologie est une approche intégrative qui reconnaît le lien entre les plantes, les animaux, les êtres humains et l’environnement, renseigne l’AFSA. Ses premiers pas auraient « fortement contribué » à la réalisation des ODD (Objectifs de développement durable), en améliorant l’accès à une alimentation saine et nourrissante, et en permettant une augmentation des rendements et des revenus, la mise en place de systèmes de production durables et l’accroissement de la biodiversité.
Durant trois jours, des intervenants de haut niveau ont succédé aux témoignages – filmés ou en direct –, d’agricultrices et d’agriculteurs, venus essentiellement d’Afrique subsaharienne. Très au fait des enjeux et des mécanismes des marchés agricoles africains, y compris dans leurs aspects les plus techniques, ils ont exposé leurs difficultés – mais aussi leurs succès – pour faire connaître leurs produits.
Tous ont réclamé une autre manière de distribuer les intrants agricoles (semences, engrais, pesticides), en Afrique. Tel producteur du Zimbabwe, par exemple, explique les failles initiales de la coopérative à laquelle il appartient : elle distribuait sans trop de discernement les semences aux agriculteurs, ce qui entraînait une forte déperdition.
L’expérience a payé : désormais, la coopérative retient pour elle-même une partie des semences acquises pour la communauté, ne la distribuant qu’en fonction des premières récoltes. Un « retour d’expérience » désormais connu de l’Afrique entière, grâce à la conférence de l’ASFA.
La mise en commun des expériences
À l’autre bout de la chaîne de production, intervient le conseiller en agriculture biologique Hervé Bouagnimbeck. Au Cameroun, il anime un Groupement d’appui pour le développement durable. Il a démontré, lors de la conférence, l’intérêt des systèmes participatifs de garantie, une organisation communautaire qui permet aux agriculteurs biologiques de faire connaître leur production. Dans une industrie où l’on ne peut rivaliser avec les budgets marketing des entreprises multinationales…
Pour réussir, les agriculteurs doivent être assez nombreux, à l’échelle d’une région, précisément pour mutualiser les ressources, a-t-il détaillé. Cette mise en commun, aux résultats vite perceptibles, permet de stimuler les capacités entrepreneuriales des producteurs. Elle réduit bien vite les coûts de transports, les coûts de service. Elle permet également d’évaluer les besoins spécifiques aux agriculteurs afin d’éviter les déperditions.
La première journée avait été consacrée aux allocutions de représentants d’associations ou d’organisations internationales. Une assemblée plénière virtuelle, en quelque sorte. L’occasion pour le coordinateur de l’ASFA, Million Belay, de populariser le concept d’agroécologie et de tenter de convaincre l’urgence de s’y intéresser. « La Covid-19 nous a fait prendre conscience qu’il nous faut repenser la façon dont nous organisons notre système alimentaire », a-t-il affirmé.
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Il considère que l’Europe « le réalise maintenant », faisant ici allusion à la stratégie « Farm to Fork » en Europe, le New Deal vert européen. « C’est pourquoi le mouvement pour la souveraineté alimentaire en Afrique est plus important que jamais. »
L’agronome éthiopien se veut optimiste, notamment à la faveur de la prise de conscience qui monte en Afrique, aussi bien du côté des consommateurs, des décideurs, que des chercheurs. L’approche systémique triomphe progressivement. Avant, on parlait d’agriculture, de chaînes de valeur, de consommation. Désormais, on voit que que tout est interdépendant et que le système alimentaire doit être appréhendé comme un tout, a-t-il insisté.
Retrouver le libre choix des semences
À son sens, les causes profondes de la crise actuelle, au-delà du virus, sont elles-mêmes très parlantes, dans la mesure où la dégradation de l’environnement et l’expansion de l’élevage intensif sont deux facteurs majeurs de l’augmentation des risques sanitaires.
Les travaux des ateliers – jusqu’à trois simultanément – ont réuni des personnalités aussi diverses que Bibi Giyosi, du Nepad, qu’Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations unies ; mais l’essentiel des intervenants appartenait au bouillonnant monde associatif qui milite pour une agriculture alternative.