Une émission obligataire de 100 milliards pour le Congo

Continuer à recourir à la dette, préparer l’avenir, tout en refinançant à moindre frais les arriérés. Tel est l’objectif du prochain appel aux marchés du Congo Brazzaville, dont le FMI salue les efforts tout en réclamant une meilleure soutenabilité de la dette à moyen terme.
Par Paule Fax
Une opération financière d’importance, dans un contexte tendu. Tandis que le FMI avertit d’une dette « insoutenable », la République du Congo s’apprête à lancer une émission obligataire par appel public à l’épargne.
Il est vrai que cet emprunt prévoit un taux d’intérêt de 6,25 %, à échéance cinq ans, en ligne avec les opérations récentes sur les marchés. L’État prévoit de lancer une obligation, nommée EOCG 6,25% NET 2021-2026 sur les marchés d’Afrique centrale, entre le 12 et le 20 mars 2021 ; il entend récolter 100 milliards de F.CFA.
Après avoir atteint 100 % du PIB en 2020, la dette publique devrait baisser pour se situer autour de 87% cette année. Le Congo a reçu un allègement du service de la dette des créanciers officiels pour 2020 et la première moitié de 2021 dans le cadre de l’Initiative du G20.
Le Congo dédiera le produit de cette émission au financement de projets inscrits dans la loi de Finances 2021 ainsi qu’à l’apurement partiel de la dette intérieure « afin de favoriser la stabilité financière et la croissance hors pétrole », précise un communiqué du gouvernement. Les projets concrets s’inscrivent notamment dans les domaines des infrastructures routières, sanitaires, scolaires et énergétiques ainsi que de l’économie forestière.
Malgré les réformes structurelles engagées ces dernières années, l’économie congolaise a été, comme la plupart des économies à travers le monde, touchée par la pandémie de la Covid-19. La chute du PIB a atteint 8%, calcule le FMI. La dégradation de l’environnement international et la contraction de l’activité économique nationale suite à la baisse de la production et des revenus pétroliers ont impacté négativement la situation macroéconomique.
Cependant, les perspectives économiques du Congo sur les cinq années sont à l’amélioration. La relance de la demande mondiale des matières premières devrait soutenir et redresser l’activité. Le pays devrait renouer avec une – modeste – croissance cette année, alors que sont attendues des améliorations au niveau des comptes extérieurs et du solde budgétaire. La hausse du PIB pourrait atteindre 4,4% en 2022.
Un tournant majeur
L’émission obligataire permettra de favoriser la croissance hors pétrole tout en œuvrant à la diversification économique du pays, dans un contexte de réflexion globale relative au développement des pays africains en période post Covid-19.
« Nous sommes dans une période particulière, à la fois complexe pour les économies et les sociétés du continent, mais très intéressante puisqu’elle nous donne l’opportunité de repenser nos manières d’agir pour le développement de nos pays », justifie Calixte Nganongo, ministre des Finances et du budget.
Qui invite à « ne pas ignorer le tournant majeur que nous vivons ». Le ministre considère que les financements dont bénéficiera l’État congolais lui permettront, en adéquation avec une meilleure conjoncture économique, « de mobiliser ses forces pour améliorer la gouvernance, renforcer le capital humain et diversifier l’économie du pays. »
L’État est accompagné par AXE Capital Corporation pour la partie conseil, tandis que l’arrangeur et chef de file de l’opération obligataire est ESS Bourse, société basée à Douala, au Cameroun.
Gageons que cette opération permettra de réduire quelque peu la charge de la dette du Congo. Le FMI a certes salué, au terme d’une mission qui vient de s’achever dans le pays, les « progrès significatifs » réalisés par Congo. Lesquels progrès pourraient faciliter la conclusion d’un accord de FEC (facilité élargie de crédit).
D’indispensables dépenses en 2021
Toutefois, « la conclusion rapide d’accords de restructuration de la dette, compatible avec le rétablissement de la viabilité de la dette, sera essentielle pour le développement durable et la réduction de la pauvreté », note l’institution de Washington.
Pritha Mitra, du FMI, note qu’en dépit de récession en 2020, « les recettes non pétrolières ont résisté, grâce à des mesures de renforcement des recettes telles que l’introduction des paiements électroniques et un élargissement de l’assiette fiscale ».
En 2021, l’amélioration des revenus pétroliers fera passer la position budgétaire globale en excédent. Cependant, le déficit primaire non-pétrolier augmentera, du fait de l’augmentation des dépenses sociales et en capital pour atténuer l’impact de la pandémie et poser les bases d’une reprise résiliente.
Dans ce contexte, juge le FMI, « la dette du Congo reste insoutenable ». Après avoir atteint 100 % du PIB en 2020, la dette publique devrait baisser pour se situer autour de 87% cette année. Le Congo a reçu un allègement du service de la dette des créanciers officiels pour 2020 et la première moitié de 2021 dans le cadre de l’Initiative de suspension du service de la dette du G20.
Les autorités prévoient de soumettre très prochainement au Parlement des amendements à la loi anticorruption et d’adopter le rapport de l’audit des arriérés intérieurs. Ajoutées à d’autres, « ces mesures pourront entraîner des gains en termes d’efficacité et en plus de transparence dans la gestion des ressources publiques », commente le FMI. Qui appelle néanmoins les autorités à « intensifier leurs efforts ».
PF