Le gouvernement cherche à rassurer les milieux industriels, mais ceux-ci s’expliquent mal la réquisition de 200 kilos d’or auprès de Semafo et sa volonté de taxer l’activité minière. L’État aurait besoin de devises pour acquérir du carburant et des armes afin de lutter contre les groupes djihadistes.
Le Burkina Faso a-t-il un besoin urgent de liquidités, de devises, ou le gouvernement dit « de la Transition » souhaite-t-il faire acte d’autorité ? Toujours est-il que le 13 février 2022, le pays a réquisitionné 200 kilos d’or auprès de Semafo, une filiale d’Endeavour Mining, a-t-on appris quelques jours plus tard. Une question de « nécessité publique dictée par un contexte exceptionnel », selon un premier communiqué publié par le gouvernement.
Le gouvernement, pour l’heure, ne confirme pas que 300 autres kilos d’or auraient également été saisis auprès de Nordgold, comme l’avancent certains médias burkinabè.
Ce « contexte » serait celui de la lutte contre les groupes djihadistes qui sévissent au Sahel, où les attaques se sont multipliées ces dernières semaines.
Le ministre de l’Énergie, des mines et des carrières, Simon-Pierre Boussim, a confirmé « la réquisition de l’or produit par la société d’exploitation minière d’or de Semafo Burkina Faso ». Le ministère précise que cette disposition est « conforme à l’article 16 du Code minier ». Les 200 kg d’or ont été produits à la mine de Mana, à l’ouest du pays. Le ministère indique que la société minière « percevra une indemnisation correspondant à la valeur de l’or ainsi réquisitionné », mais ne donne pas plus de précisions. Si la compensation s’effectue bien aux cours mondiaux de l’or, comme semble l’entendre le gouvernement, la plus-value sera donc nulle pour l’État. La transaction représente environ 7,2 milliards de F.CFA (11 millions d’euros).
Afin d’éviter tout malentendu, le gouvernement a souhaité, dans un second temps, « rassurer les investisseurs et tous les autres partenaires du Burkina Faso ». Regrettant que des doutes puissent s’immiscer chez les industriels, le porte-parole du gouvernement, Jean-Emmanuel Ouedraogo, précise : « La décision de réquisition est dictée par un contexte exceptionnel de nécessité publique qui fonde l’Etat à demander à certaines sociétés minières de lui vendre une partie de leur production d’or. »
Le gouvernement de la Transition tient à faire savoir également que cette transaction « à titre exceptionnel et temporaire » s’est effectuée « aux conditions d’achat de l’or sur le marché international ».
Des mines mises à contribution
Selon le Code minier – d’ailleurs en cours de révision –, « les installations minières ou de carrières et les substances extraites ne peuvent être ni réquisitionnées, ni expropriées par l’Etat que pour un motif de nécessité publique et moyennant une juste et préalable indemnisation » fixée en accord entre les parties ou par un tribunal arbitral ou de droit commun, rappelle l’AFP. L’Agence nationale d’encadrement des exploitations minières, artisanales et semi-mécanisées (Aneemas) a été chargée d’appliquer l’arrêté ministériel.
En exploitation depuis mars 2008, la mine d’or de Mana, l’une des plus grandes parmi la dizaine que compte le Burkina Faso, a produit officiellement 6,04 tonnes d’or en 2022. Elle est la propriété d’Endeavour Mining, qui a fusionné en 2020 avec le canadien Semafo pour former l’un des plus gros producteurs d’or en Afrique de l’Ouest.
Selon certains observateurs, l’opération aurait pour but d’acquérir des devises sur les marchés financiers, afin dans un second temps d’acheter des armes et de rémunérer les soldats. Le Burkina Faso doit aussi assurer l’intendance des quelque 60 000 « VDP » (Volontaires pour la défense de la patrie) récemment recrutés pour servir de force d’appoint à l’armée régulière, notamment par l’achat de carburant. Voire par des armes – auprès de la Russie, en dépit de l’embargo ? Ce, dans un contexte où l’État peine à honorer ses échéances.

À noter que le gouvernement, pour l’heure, ne confirme pas que 300 autres kilos d’or auraient également été saisis auprès de Nordgold, comme l’avancent certains médias burkinabè. Une nouvelle autorisation d’exploiter, délivrée en décembre 2022 à cette compagnie russe, avait d’ailleurs suscité la colère des pays occidentaux.
« Nous ne donnons pas de permis aux gens parce qu’ils viennent de Russie, ou des États-Unis… nous donnons des permis aux entreprises qui paient des impôts et respectent nos lois », a rétorqué Simon-Pierre Boussim, lors de l’inauguration du grand rendez-vous de l’industrie, Mining Indaba, le 6 février au Cap (Afrique du Sud).
De même, on prête l’intention au ministère des Mines de lever une taxe exceptionnelle, de l’ordre de 1% sur le chiffre d’affaires des mines. « On nous a dit de répondre d’ici la semaine prochaine, c’est comme un ordre », a confirmé un exploitant minier cité par le magazine VOA.
Qui précise qu’en début d’année, le chef de la junte au pouvoir, le capitaine Ibrahim Traoré, avait réuni des représentants de l’industrie minière pour les prévenir que l’État leur réclamerait environ 500 milliards de F.CFA (762 millions d’euros).
@AB