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Zimbabwe : un scepticisme préjudiciable à l’apurement de la dette

Zimbabwe : un scepticisme préjudiciable à l’apurement de la dette
  • Publiéavril 11, 2023

Le Zimbabwe aimerait rétablir ses relations avec les bailleurs de fonds internationaux, mais l’absence de réformes politiques et économiques constitue une importante pierre d’achoppement.

 

Le dossier est-il au point mort ? Le président de la BAD (Banque africaine de développement), Akinwumi Adesina, avait appelé le gouvernement du Zimbabwe à respecter les droits de l’homme et à mettre en place des mesures pour faciliter des élections libres et crédibles. C’était lors d’une réunion sur la restructuration de la dette à Harare le 23 février 2023. Depuis, rien ou presque : le gouvernement s’est engagé à accélérer le processus d’indemnisation des fermiers blancs spoliés par Mugabe ; un geste qui n’est pas de nature à réduire la dette, mais qui améliore la gouvernance.

« Le groupe de travail [réuni le 23 février] sur la gouvernance nous permettrait d’aborder et de réaliser des progrès mesurables sur les questions essentielles de la liberté d’expression, de la protection des droits de l’homme et de la mise en œuvre de lois conformes à la Constitution », déclarait Dr Adesina aux délégués. « Nous devons également faire des progrès en ce qui concerne la loi sur la démocratie et le redressement économique du Zimbabwe. »

« Il y a longtemps que l’on aurait dû revoir le processus controversé de la réforme agraire, mais le Zimbabwe ne peut tout simplement pas se permettre de contracter davantage de crédits. »

Réunis, ces éléments devraient permettre la tenue d’élections pacifiques, libres et équitables. Ils permettront également de lever les obstacles à l’apurement des arriérés et au règlement de la dette. La réunion de Harare, qui était la deuxième réunion de la plateforme de dialogue structuré du Zimbabwe sur les arriérés et l’apurement de la dette, a été facilitée par l’ancien président mozambicain Joaquim Chissano, et a réuni le président du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa, le ministre des Finances Mthuli Ncube, des fonctionnaires de la BAD et des ambassadeurs des pays prêteurs.

En septembre 2022, la dette extérieure du Zimbabwe s’élevait à plus de 14 milliards de dollars, notamment auprès de prêteurs tels que le FMI (Fonds monétaire international), le Club de Paris, la Banque mondiale, la BAD et la Banque européenne d’investissement. Le gouvernement n’a pas accès à de nouvelles lignes de crédit.

 

Effet des sanctions

Dans son discours, Akinwumi Adesina a également affirmé que les sanctions occidentales avaient joué un rôle dans l’accumulation de la dette et des arriérés du Zimbabwe. Le pays fait l’objet de sanctions américaines depuis  2001 à la suite du programme chaotique de réforme agraire du Zimbabwe, qui a vu les fermiers blancs – jusqu’alors propriétaires de la plupart des terres agricoles les plus précieuses du pays – dépossédés de leurs terres sans compensation par le gouvernement de Robert Mugabe.

L’objectif déclaré de la loi était de « soutenir le peuple zimbabwéen dans sa lutte pour un changement pacifique et démocratique, pour une croissance économique équitable et généralisée et pour le rétablissement de l’État de droit ». Ses détracteurs affirment que Emmerson Mnangagwa, qui a accédé au pouvoir à la suite d’un coup d’État militaire qui a évincé Mugabe en 2017, n’a pas réussi à améliorer la situation des droits de l’homme ni à mettre en œuvre des réformes politiques et économiques, conditions essentielles pour que les sanctions soient levées par les États-Unis.

 

Le rétablissement de l’État de droit est crucial

Stevenson Dhlamini, économiste et maître de conférences à l’Université nationale des sciences et technologies du Zimbabwe à Bulawayo, estime que l’absence d’État de droit continue de peser sur la résolution des négociations sur la dette et sur la perspective d’attirer de nouvelles sources d’investissement.

« La prévalence de l’État de droit est pertinente pour que le pays honore les privilèges démocratiques de ses citoyens et elle est également bonne pour attirer les investissements étrangers directs. Ils sont inestimables pour la transformation globale de l’économie du pays et la réalisation des objectifs de développement durable. »

Le président Mnangagwa s’est efforcé de renouer avec les pays occidentaux et les États-Unis, mais le bilan de son gouvernement continue de susciter un grand scepticisme. Jee-A van der Linde, économiste à Oxford Economics Africa, estime que le Zimbabwe est désireux de parvenir à un accord pour prouver aux investisseurs que les choses changent. « Le Zimbabwe est impatient de tirer un trait sur ce différend de longue date et espère que cela permettra de normaliser les relations avec la communauté internationale, en particulier avec les pays dont les citoyens bénéficieront de l’accord, et, ce qui est peut-être plus important, avec les institutions financières internationales. »

 

Indemnisation des fermiers blancs

L’indemnisation des fermiers blancs pour la perte de leurs terres est l’une des initiatives clés qui, selon le président Mnangagwa, contribueront au rapprochement. En 2020, le gouvernement a accepté de verser 3,5 milliards $ sur vingt ans pour indemniser les fermiers blancs locaux, tandis que les fermiers blancs étrangers ont été autorisés à demander la restitution de leurs terres.

En marge de la réunion de Harare, le ministre des Finances a déclaré que le pays avait désormais l’intention d’échelonner les paiements de compensation sur une période de dix ans, l’argent étant collecté par le biais de bons du Trésor. L’espoir est qu’un accord de compensation viable pour les fermiers blancs permettra de progresser avec les bailleurs de fonds dans les négociations sur la dette.

Le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre un plan visant à résorber les arriérés de dette d’un montant de 6 milliards de dollars, afin d’avoir accès aux prêts internationaux. Toutefois, compte tenu de l’état précaire de l’économie – le FMI prévoit une croissance de seulement 2,8 % cette année – les économistes doutent que le gouvernement, à court d’argent, puisse progresser rapidement dans le règlement de ses arriérés tout en soutenant les dépenses sociales et en remboursant les fermiers blancs.

« La vérité est que le gouvernement ne dispose pas de telles ressources et cela pourrait être le cas dans les dix années à venir », commente Victor Bhoroma, économiste basé à Harare. « Idéalement, le remboursement de la dette devrait être étalé sur plusieurs années afin que le gouvernement puisse également fournir des services publics tels que des soins de santé de base, une éducation décente, des routes en bon état et de l’eau potable, ce qui pourrait être une priorité aujourd’hui. »

 

Un accord coûteux

Selon Stevenson Dhlamini, si l’indemnisation des fermiers blancs montre que le gouvernement respecte les droits de propriété, le coût de l’accord risque d’aggraver la situation de la dette. Au lieu de s’endetter davantage, le gouvernement doit intensifier sa campagne de taxation pour financer les dépenses futures.

Jee-A Van der Linde reconnaît qu’il sera impossible de lever de nouveaux fonds sur les marchés internationaux de la dette dans un avenir prévisible. « Il est incompréhensible que le gouvernement ait l’intention de faire appel aux marchés internationaux de la dette à un moment où les conditions financières mondiales se sont considérablement resserrées et où il y a tant d’autres problèmes économiques urgents au Zimbabwe », juge l’économiste. « Il y a longtemps que l’on aurait dû revoir le processus controversé de la réforme agraire, mais le Zimbabwe ne peut tout simplement pas se permettre de contracter davantage de crédits. »

Selon son confrère Stevenson Dhlamini, s’il est encore trop tôt pour juger du succès probable de la réunion sur la restructuration de la dette, il est évident qu’elle a donné un ton qui témoigne d’un engagement à transformer le paysage de la dette zimbabwéenne. « Toutefois, si le Zimbabwe ne s’attaque pas aux déséquilibres macroéconomiques fondamentaux, tous les efforts de restructuration de la dette seront vains. »

@ABanker

 

Écrit par
Farai Shawn Matiashe

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