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Un « plateau de financement » dans le capital-risque

Un « plateau de financement » dans le capital-risque
  • Publiéaoût 3, 2023

Après avoir longtemps défié la tendance, l’Afrique n’a pas échappé au recul des volumes de capital-risque, au premier semestre. Les investisseurs se montrent plus sélectifs et privilégient les start-up au profil moins risqué.

 

Les investissements mondiaux en capital-risque ont atteint 144 milliards de dollars au premier semestre 2023, soit un repli de 50% en un an, constate l’Association africaine des capitaux-risqueurs AVCA. Les contraintes macroéconomiques habituelles, notamment les taux d’intérêt « obstinément élevés », l’instabilité géopolitique en Europe et les préoccupations liées à la stabilité du système bancaire mondial, sont en partie responsables de cette période peu propice au financement.

Le secteur financier a fait preuve de résilience, maintenant largement les moyennes historiques en termes de proportion de financement attiré, à la fois en volume et en valeur.

Toutefois, les pertes records enregistrées par les « titans » du secteur – le fonds Vision de SoftBank, Tiger Global –, ainsi que la dissolution de Sequoia Capital ont amplifié la tendance et les turbulences. Après avoir atteint un pic de près de 187 millions $ au quatrième trimestre de l’année 2021, l’investissement mondial en capital-risque a reculé au cours de chaque trimestre suivant pour s’établir à 65 milliards de dollars $ au deuxième trimestre 2023.

Dans ce contexte, comment le capital-risque en Afrique se comporte-t-il ? Après avoir longtemps défié la tendance, l’« écosystème africain du capital-risque n’est plus le dernier homme debout », reconnaît l’AVCA. Finalement en proie aux forces changeantes du marché, les investissements en capital-risque en Afrique ont chuté de 43 % en glissement annuel au premier semestre 2023. Ceci dans un contexte de collecte de fonds relativement importante par les gestionnaires de fonds de capital-risque africains les mois précédents. Les investisseurs en capital-risque semblent donc adopter une approche prudente en matière de déploiement de capitaux, étant donné le degré élevé d’incertitude du marché qui ne montre aucun signe de résolution immédiate.

Volume total des opérations de capital-risque en Afrique, par année et par trimestre (source : AVCA).
Volume total des opérations de capital-risque en Afrique, par année et par trimestre (source : AVCA).

 

Au cours du premier semestre 2023, on a relevé 263 opérations de capital-risque en Afrique, pour un capital cumulé de 2,1 milliards $ attribués à 258 entreprises. Cela correspond à une baisse de 40 % en volume et en valeur par rapport aux 3,5 milliards $ en un an. Avec un peu plus d’un milliard $ levés chaque trimestre, cette contraction du financement des startups est considérée par certains comme un « hiver du financement » pour le capital-risque africain.

 

Moins d’opérations de grande envergure

Sans céder à ce « sensationnalisme », l’AVCA constate qu’en effet, les canaux de financement des start-up africaines se réduisent, « dans un effet d’entraînement tardif mais anticipé du ralentissement macroéconomique mondial ». L’association préfère évoquer « un plateau de financement » : lorsqu’elle est évaluée par rapport à la moyenne historique pour la période 2017-2022, l’activité de l’industrie dans l’écosystème du capital-risque en Afrique en 2023 se compare favorablement.

Une vision à long terme est donc nécessaire pour tempérer les inquiétudes trop pessimistes de ce qui peut sembler à première vue être une chute de l’activité de transaction, en particulier alors que l’écosystème sort d’une tendance de deux ans d’accélération à trois chiffres. Contrairement à la débauche de capitaux des trimestres précédents, les investisseurs en capital-risque appliquent une approche plus judicieuse de l’investissement ; ils allouent activement des capitaux aux start-up dont les fondamentaux sont solides.

Les investisseurs en capital-risque se sont détournés des tours de financement de grande envergure au cours des six premiers mois de 2023. Cinq opérations de très grande envergure mobilisant un peu plus d’un milliard $ ont été enregistrées. Bien que le nombre d’entreprises ayant conclu des accords d’une valeur de 100 millions $ ou plus ait baissé en 2023 S1, la proportion du financement global assumée par ces tours de financement importants au cours de chaque trimestre est restée largement conforme à la moyenne historique.

En février 2023, le fournisseur de systèmes solaires domestiques Qotto a mobilisé 8 millions de dollars pour son expansion en Afrique de l’Ouest.
En février 2023, le fournisseur de systèmes solaires domestiques Qotto a mobilisé 8 millions de dollars pour son expansion en Afrique de l’Ouest.

 

Dans ce contexte, la dette à risque prend une part plus importante dans ces cycles de financement. Par exemple, plus de 200 millions $ de la levée de fonds de la plateforme kenyane de financement d’actifs M-Kopa étaient des financements par la dette, liés à la durabilité, la levée de fonds de la sud-africaine Planet 42 comprenait une facilité de crédit de 75 millions $, tandis que la licorne FinTech égyptienne MNT-Halan a levé 140 millions $ par le biais de deux émissions d’obligations titrisées pour compléter sa levée de fonds de 260 millions $.

Bien que le phénomène soit plus marqué à la fin de la phase d’investissement, toutes les phases d’investissement ont connu des contractions significatives en volume et en valeur au premier semestre 2023. Aux premiers stades du continuum du capital-risque, les opérations d’amorçage ont représenté la plus grande part de l’activité de capital-risque en Afrique (parts 71%-72%).

 

L’Afrique de l’Ouest en pointe

Cette « domination anormale » des opérations de démarrage est en partie due à la quasi-absence d’opérations de fin de cycle. Compte tenu de la grande incertitude qui règne sur les marchés développés, la chute des dernières étapes n’est pas surprenante car les investisseurs mondiaux en capital-risque ont continué à se retirer des méga-tours de table.

L’Afrique de l’Ouest en tête en termes de volume, clôturant le premier trimestre avec 35 opérations et le deuxième trimestre avec 33 opérations exécutées. Elle précède de très peu l’Afrique de l’Est qui a enregistré une activité de transaction particulièrement forte au premier trimestre. En termes de valeur toutefois, ce sont bien l’Afrique australe (19 % du total africain) et l’Afrique du Nord (18 %) qui dominent.

Alors que les start-up ayant une empreinte géographique multirégionale représentent généralement une petite proportion du volume des opérations de capital-risque chaque année, elles constituent régulièrement la plus grande part de la valeur des opérations, et le premier semestre 2023 n’a pas fait exception à la règle.

Sur le plan sectoriel, les FinTech ont continué à stimuler l’activité des transactions sur le continent au premier semestre 2023. D’ailleurs, le secteur financier a fait preuve de résilience, maintenant largement les moyennes historiques en termes de proportion de financement attiré, à la fois en volume et en valeur, au cours des deux trimestres.

Ailleurs, les entreprises technologiques exerçant dans le domaine de la propreté ont été les plus recherchées par les investisseurs, devant les domaines des énergies renouvelables et du stockage de l’énergie, dont l’intérêt va croissant.

Bien qu’il s’agisse encore d’un domaine d’investissement émergent, les bénéficiaires de financements qui tirent parti de la technologie pour améliorer la durabilité environnementale comprennent 19 millions d’euros pour le fournisseur d’énergie propre malgache WeLight, ainsi qu’une série A de 8 millions $ pour Qotto, un fournisseur de kits solaires qui opère au Burkina Faso et au Bénin.

@ABanker

Écrit par
Laurent Soucaille

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