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African Banker

Un fervent défenseur de l’indépendance de la SARB

Un fervent défenseur de l’indépendance de la SARB
  • Publiémai 30, 2023

Lesetja Kganyago est depuis 2014 le gouverneur de la Banque centrale d’Afrique du Sud. Le gouverneur cultive un style bien personnel, jaloux de son indépendance ; les derniers chiffres de l’inflation semblent valider ses choix.

 

Lesetja Kganyago, gouverneur de la Banque de réserve sud-africaine (SARB), tient le haut de l’actualité économique en Afrique du Sud ; il doit faire face à une multitude de problèmes dans le pays tout en participant à des réunions importantes à l’étranger.

Lors des réunions de printemps du groupe de la Banque mondiale et du FMI en avril, il s’est adressé au Peterson Institute for International Economics à Washington sur la question urgente qui préoccupe tous les banquiers centraux : comment piloter la politique monétaire en période d’inflation élevée et de faible croissance du PIB ; des conditions qui sont normales pour l’Afrique du Sud, mais qui sont maintenant aussi une caractéristique des marchés mondiaux, en particulier dans les économies avancées.

« L’objectif des Banques centrales devrait être de remplir leurs missions essentielles et de créer un espace pour que les politiques gouvernementales conduisent à des changements structurels. »

En tant que gouverneur de banque centrale respecté, Lesetja Kganyago analyse l’impact de l’inflation mondiale élevée sur les économies émergentes, et plus particulièrement sur l’Afrique du Sud, et souligne que ces pays ont des leçons à partager avec les économies avancées en ce qui concerne les stratégies d’atténuation.

Selon le FMI, la croissance mondiale atteindra un niveau plancher de 2,8 % cette année, avant de remonter à 3 % en 2024. L’inflation mondiale diminuera, bien que plus lentement qu’initialement prévu, passant de 8,7 % en 2022 à 7,0 % cette année et à 4,9 % en 2024.

Une fois n’est pas coutume, les économies émergentes tirent leur épingle du jeu dans de nombreux cas, avec des taux de croissance qui passent de 2,8 % en 2022 à 4,5 % cette année. Le ralentissement économique est concomitant dans les économies avancées, où la croissance pour la même période devrait tomber à 0,7 % et -0,4 % en 2023, avant de rebondir à 1,8-2,0 % en 2024.

 

Dans son pays, la Banque centrale a réussi à contenir l’inflation à 6,9 % en 2022, qui devrait tomber à 5,8 % en 2023 et à 4,8 % en 2024. Mais l’inconstance des prévisions économiques en période d’incertitudes géopolitiques et économiques mondiales ne saurait être mieux illustrée que par le chiffre de l’inflation plus élevé que prévu au printemps. Pourtant, la hausse des prix en glissement annuel, en avril, a atteint un plus bas depuis un an, à 6,8%. Voilà qui éloigne la perspective d’une hausse des taux d’intérêt.

 

Un environnement complexe

La réunion du Comité de politique monétaire (MPC) de la SARB en mars visait un taux d’inflation moyen de 6,3 % pour cette année. La hausse surprise de mars a donc été compensée en avril.

À Washington, le gouverneur a déploré que « les prix des services et les prix de base des biens soient rigides ou aient réaccéléré, et avec des salaires qui continuent d’augmenter, l’environnement inflationniste est plus complexe ».

Aussi, redoute-t-il, « les modèles de prévision et les modèles macroéconomiques existants risquent donc fort de ne pas se former correctement. L’obsolescence des données dans les économies avancées est l’un des défis à relever. Un autre est tout simplement la forte augmentation de l’incertitude et son impact sur des variables importantes, telles que les prévisions d’inflation ».

On peut comprendre l’optimisme de Lesetja Kganyago lorsqu’il a déclaré qu’en dépit des prix élevés des denrées alimentaires, il restait persuadé que l’inflation reviendrait dans la fourchette cible de 3% à 6 % de la SARB au quatrième trimestre, comme prévu.

« Je pense qu’il y a des raisons d’être optimiste, malgré les vents contraires. Nous pouvons nous appuyer sur l’expérience que nous avons acquise dans le domaine de la Banque centrale et de la politique monétaire des marchés émergents en matière de lutte contre la stagflation. L’un des principaux enseignements de notre expérience collective concerne la manière dont les Banques centrales peuvent utiliser la transparence pour améliorer l’efficacité de la politique monétaire. »

Pour les économies avancées, « le défi de la stagflation exige sans doute une meilleure communication et une plus grande clarté de la politique ». Pour les économies émergentes, « dont beaucoup ont resserré leur politique plus rapidement, la transparence de la Banque centrale peut jouer un rôle en donnant le ton de la politique publique de manière plus générale, en aidant à assouplir ou à résoudre nos contraintes non monétaires particulières pour de meilleurs résultats en matière d’inflation ».

Selon lui, l’Afrique du Sud n’a pas connu la même accélération des prix à la consommation que beaucoup d’autres pays, car « la relance budgétaire en 2020 a été relativement prudente, et les budgets qui ont réussi se sont efforcés de dégager un excédent primaire ».

La crédibilité de l’objectif d’inflation de l’Afrique du Sud a contribué à atténuer les premières vagues de l’inflation mondiale, en maintenant les anticipations d’inflation à un niveau modéré pendant un certain temps.

 

La crédibilité de la Banque centrale est essentielle

« La profondeur de nos marchés de capitaux nationaux a limité l’exposition aux fluctuations des taux d’intérêt en devises fortes, tandis que la position nette des investissements internationaux de l’Afrique du Sud est restée positive en termes de rand, ce qui suggère qu’il n’y a guère de changement nécessaire dans ce qui est un niveau bénéfique d’intégration financière internationale. »

Parallèlement à un excédent de la balance courante dû à des termes de l’échange robustes et à des niveaux relativement faibles de dette extérieure et de dette libellée en devises, la monnaie a joué son rôle de « stabilisateur automatique sans susciter d’inquiétudes financières », juge le gouverneur.

Il reste persuadé que les économies émergentes telles que l’Afrique du Sud seront en mesure de retrouver la stabilité de l’inflation.

 

Cependant, il existe deux paramètres politiques essentiels pour toutes les Banques centrales qui sont confrontées à des défis croissants, à savoir l’indépendance opérationnelle et la transparence. L’article 224 de la Constitution sud-africaine stipule que la SARB doit « exercer ses fonctions de manière indépendante et sans crainte, faveur ou préjudice, mais il doit y avoir des consultations régulières entre la Banque et le ministre des Finances ».

Lors de la 55e conférence annuelle de l’ANC en décembre dernier, des appels ont été lancés pour que le mandat de la SARB soit élargi au-delà de la gestion de la politique monétaire et de l’inflation. Certains responsables de l’ANC, dont le président Cyril Ramaphosa, souhaiteraient que la SARB mène des politiques visant à promouvoir directement l’emploi, la croissance et la transformation économique.

La très forte crédibilité de la SARB, explique Jan Friederich, responsable des notations souveraines pour la région EMEA chez Fitch Ratings, constitue « un atout important pour la solvabilité de l’Afrique du Sud, qui a contribué à contenir les coûts de financement sur les marchés internationaux ».

« Cette crédibilité s’explique par une série de facteurs, dont les antécédents sont probablement les plus importants. Il est peu probable qu’un changement de mandat conduise immédiatement à une politique monétaire substantiellement différente et nécessite un changement de notation, car il n’est pas certain qu’une politique monétaire plus souple soutienne l’emploi, la croissance ou la transformation à long terme ».

Dans son rapport 2023 sur la stabilité financière, le FMI souligne qu’il est essentiel que les Banques centrales améliorent la transparence car, en fin de compte, c’est leur indépendance et l’efficacité de leur politique qui seront en jeu.

 

L’indépendance est un gage de crédibilité

Les turbulences économiques et financières exigent une plus grande transparence de la part des décideurs politiques. Lorsque les banques centrales augmentent les taux d’intérêt pour freiner l’inflation, les parties prenantes sont de plus en plus attentives. Dans certains pays, les décideurs politiques sont de plus en plus sollicités pour restreindre leur autonomie.

« Pour conserver la confiance du public, préserver l’indépendance et renforcer l’efficacité des politiques face à ces défis, les autorités monétaires doivent mettre l’accent sur la transparence et la responsabilité », rappelait le FMI.

Dans un rare cas de réaction publique contre son président, son cabinet et ses collègues de l’ANC, le gouverneur Kganyago a souligné lors du dialogue économique à l’université de Witwatersrand en mars que « de plus en plus, les banques centrales sont confrontées à des problèmes de transparence et de responsabilité ». On demande aux Banques centrales de s’attaquer à des problèmes qui relèvent directement de la compétence du gouvernement, sans tenir compte des conditions et de la manière dont les banques centrales peuvent atteindre leurs objectifs.

« La crédibilité et l’indépendance sont essentielles pour atteindre nos objectifs. D’autres éléments essentiels comprennent un nombre limité et bien défini d’objectifs, des outils efficaces pour atteindre ces objectifs, des indicateurs de succès mesurables et une obligation de rendre des comptes. » La crédibilité de la Banque centrale est directement liée à la réalisation des objectifs et à la responsabilité.

Si vous voulez que la SARB s’attaque à la crise du chômage, a-t-il rappelé, « vous devez nous donner les outils nécessaires pour faire face à des problèmes tels que les coûts élevés de licenciement et d’embauche ou le grand nombre de travailleurs non qualifiés ».

Pour réussir, « nous devons agir de manière indépendante, sans tenir compte des questions politiques ». Et Lesetja Kganyago de s’interroger : « Combien de politiciens en seraient satisfaits ? Comment pourriez-vous nous demander des comptes si vous nous donnez des objectifs multiples ? L’objectif des Banques centrales devrait être de remplir leurs missions essentielles et de créer un espace pour que les politiques gouvernementales conduisent à des changements structurels. »

@ABanker

 

Écrit par
Mushtak Parker

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