Un état-major pour la Caisse des dépôts du Cameroun

Richard Evina Obam est le premier directeur général de la future Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun. L’institution devra investir et faire fructifier un capital financier pour l’heure endormi dans d’autres structures du pays. (Actualisation).
Cette fois, c’est la bonne. Le président camerounais Paul Biya a signé le décret nommant les dirigeants de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDEC) du Cameroun. Il a chargé Richard Evina Obam de mettre en musique cette nouvelle institution, en germe depuis des années.
Le nouveau responsable, inspecteur principal des impôts, est le directeur général de la Caisse autonome d’amortissement, chargée de gérer la dette publique.
« C’est à travers les financements longs que peut apporter une caisse de dépôts et consignations que l’Afrique centrale pourra amorcer sa marche vers le développement dans de bonnes conditions. »
Pour l’heure, les ressources que la CDEC est appelée à centraliser et à gérer sont aux mains d’autres structures de l’administration ou du secteur privé. Lesquelles « ne voient pas d’un bon œil l’avènement d’un organisme destiné à accaparer ces avoirs parfois au centre de pratiques ne servant aucun intérêt général », croit savoir le magazine Investir au Cameroun. Qui en veut pour preuve le blocage de l’opérationnalisation de la CDEC depuis quinze ans. Pourtant, ce type d’institutions fait ses preuves. En France bien sûr, mais aussi au Gabon, seul pays de la Cemac à en être doté.
D’ailleurs, l’automne dernier, Richard Evina Obam, expliquait lui-même que « les missions que va assurer la Caisse de dépôts et consignations sont remplies aujourd’hui, avec plus ou moins de succès, par des structures qui fonctionnent très bien ». Nuançant aussitôt : « Les pays de la CEMAC ont des systèmes financiers aujourd’hui qui ont des insuffisances. Au niveau bancaire, les banques sont surliquides, mais ne contribuent pas efficacement au financement de l’économie. Le marché financier quant à lui est embryonnaire et en pleine construction ». Aussi une CDC, si elle ne constitue pas une panacée, pourrait-elle « combler un vide », dans une optique de long terme. « C’est à travers les financements longs que peut apporter une caisse de dépôts et consignations que l’Afrique centrale pourra amorcer sa marche vers le développement dans de bonnes conditions », concluait celui qui est désormais chargé de combler le vide…
Un réveil en novembre 2022
Dans un premier temps, donc, les ressources proviendront de l’épargne réglementée, des dépôts des notaires ou des professions juridiques, des consignations administratives et de cautionnement, des fonds des Caisses nationales d’épargne ou de Sécurité sociale, des fonds de retraite et des régimes de retraite des fonds d’assurance et de garantie. Ceci à travers différents réseaux distributeurs et collecteurs comme la Poste, des banques affiliées, des Caisses d’épargne, des guichets dédiés ou des plateformes dédiées.
La loi portant création d’une Caisse des Dépôts et Consignations au Cameroun date d’avril 2008. Trois ans plus tard, un décret est venu en dessiner les contours. Pourtant, pour des raisons diverses, cette structure a mis longtemps à prendre forme. La crise de la dette camerounaise, de même que la crise sanitaire et les difficultés de collecter les ressources, face aux difficultés de certaines entreprises publiques, relancent l’intérêt envers une telle institution.
L’histoire s’est accélérée en novembre 2022. Le ministre de l’Économie et des finances (Minfi) du Cameroun, Louis Paul Motazé, ainsi que d’autres personnalités de l’État, ont reçu une délégation du Forum des Caisses de dépôt et consignation. Forum itinérant qui a fait escale les 16 et 17 novembre à Yaoundé. Visiblement, le travail de lobbying de cette association, encouragé par le ministre, a porté ses fruits.
Le principe des CDC est recommandé depuis 2015 par l’Union africaine, car il permet de mieux mobiliser les ressources, les gérer, et financer les besoins de l’État. « Le modèle des Caisse des dépôts repose sur la gestion et la sécurisation des ressources endogènes, stables et diversifiées, et leur transformation pour financer des projets à forte valeur ajoutée », a reconnu le ministre Motazé au cours de la réunion.
Rentabiliser des ressources oisives
Courroie de transmission des finances, investisseuse dans des entreprises publiques et privées, les CDC sont aussi un important soutien à l’économie. Conformément aux Objectifs de développement durable, elles font passer la stratégie du gouvernement, par exemple en matière d’infrastructures, au sein du secteur privé. « Il s’agit réellement d’un partenaire de choix au regard du potentiel des ressources mobilisables, de son impact en matière de création des richesses et d’emplois tout en garantissant en sa qualité de tiers de confiance, la sécurité des ressources transformées », a poursuivi Louis Paul Motazé.
Le ministre Louis Paul Motaze (photo) considère que ce coup de pression du Forum « permettra sans doute d’améliorer la perception des autorités et du public sur les enjeux et les défis de la mise en place d’une Caisse des dépôts, mais aussi d’apaiser les réticences de certains de nos partenaires quant à la complémentarité de cet instrument au service du développement des pays ».
Voilà également pourquoi le ministre Motaze souhaite la création d’une structure qui collecte, sécurise et rentabilise sur le long terme des ressources généralement « oisives ».
@ABanker