Un allié arabe de poids aux pays subsahariens

Moody’s a inauguré sa couverture de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique par une notation Aa2, assortie d’une « perspective positive ». Au-delà de cette notation, les commentaires de l’agence permettent de cerner la solidité de l’institution.
Par Véronique Clara-Véronne
Ce n’est pas le « Triple A », mais la note attribuée par Moody’s à la BADEA s’en approche. Les experts de l’agence américaine soulignent, dans leur première étude sur la Banque arabe pour le développement économique en Afrique, une position de capital « très solide ».
Ainsi qu’un faible niveau de risques, en dépit d’une qualité de crédit « relativement faible » du portefeuille de prêts, au regard d’autres institutions comparables. La BADEA bénéficie d’un niveau de liquidité « extrêmement élevé », fruit d’une gestion prudente.
La Banque n’a aucune dette – ce qui explique le désintérêt des agences de notation jusqu’à présent –, mais prévoit d’accéder aux marchés internationaux des capitaux, à l’avenir.
La Banque prévoit notamment de financer par les marchés certaines opérations libellées en euros en Afrique occidentale et centrale. De plus, Moody’s bénéficie de la solidarité de son actionnariat, malgré l’absence de soutien contractuel.
L’agence pourrait donc revoir sa note à la hausse, dans quelques mois. Cette perspective positive reflète l’opinion de ses analystes qui pronostiquent une amélioration continue de la performance des actifs de la BADEA, couplée à une amélioration des pratiques de gestion des risques et de la politique des arriérés.
Ses actionnaires « considèrent la BADEA comme la principale passerelle et catalyseur pour aider à coordonner le déploiement des fonds de développement arabes en Afrique » ; un atout même en l’absence de contrat formel.
La BADEA dispose de réserves de capital très solides, à 5,4 milliards de dollars fin 2020 – les comptes 2021 ne se sont pas encore audités. Les capitaux propres utilisables comprennent 4,2 milliards $ de capital souscrit et entièrement libéré et 1,2 milliard $ de réserves.
La BADEA a constamment renforcé son capital en affectant systématiquement ses bénéfices aux réserves générales, puisqu’elle ne distribue aucun dividende.
Un portefeuille diversifié
Le rapport entre les actifs liés au développement (donc risqués) et les actifs de trésorerie peu risqués (mais peu rémunérateurs) constitue « un point fort » du profil de crédit de la BADEA, au sein des banques mondiales de développement.
La situation de capital extrêmement solide de la BADEA a permis à la Banque d’accorder des prêts hautement concessionnels pendant des décennies sans emprunter de fonds, tandis que des bénéfices importants provenaient principalement de la gestion de ses importants actifs de trésorerie.
En revanche, de par sa conception, le portefeuille de prêts de la BADEA est entièrement situé dans la région de l’Afrique subsaharienne puisque les actionnaires de la Banque sont exclus de ses opérations directes. Cela se traduit par une qualité relativement faible des actifs du portefeuille de prêts de la Banque.
Dans le même temps, le portefeuille de crédits est très diversifié ; les montants des prêts se situent généralement entre 20 et 25 millions $, avec des conditions et des taux d’intérêt concessionnels (entre 1% et 2 %) et des échéances très longues (25 ans en moyenne).
Quelque 88% du portefeuille est constitué de prêts aux États, le solde étant alloué à des emprunteurs du secteur privé.
La BADEA vise une croissance moyenne des prêts de 6% par an, avec une part du secteur privé qui grimperait progressivement à 20% du total. En général, cela aurait de quoi alerter une agence de notation qui préfère les dettes « souveraines ».
EN BREF – Soutien au programme ivoirien de logements sociaux – Le directeur général de la BADEA, Sidi Ould Tah, a confirmé l’engagement de son institution à soutenir la Côte d’Ivoire dans sa politique de logements sociaux. La Banque mettra à la disposition du gouvernement ivoirien « des ressources importantes », a-t-il déclaré à l’issue d’un entretien avec le Premier ministre Patrick Achi, le 18 février 2022.
Cependant, « dans le cas de la BADEA, ses prêts au secteur privé ont tendance à avoir une meilleure qualité d’actifs puisque plus de 60 % sont exposés à des contreparties de qualité supérieure », constatent les analystes.
Revenant sur l’actionnariat de la banque, les analystes rappellent que ces derniers comprennent des États dont la dette souveraine est « très bien notée », tels que l’Arabie saoudite, les Émirats, le Koweït et le Qatar.
Ces actionnaires « considèrent la BADEA comme la principale passerelle et catalyseur pour aider à coordonner le déploiement des fonds de développement arabes en Afrique » ; un atout même en l’absence de contrat formel.
Voilà qui crédibilise un peu plus le programme de la BADEA à horizon 2024, concluent les analystes de l’agence américaine.
@ABKF