Soulagement pour la relance financière du Maroc

La décision du Groupe d’action financière internationale de retirer Rabat de sa liste grise pour la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est une bonne nouvelle pour le gouvernement et les investisseurs.
Deux ans de suspense prennent fin, de manière heureuse pour le Maroc, dont le système financier va pouvoir aller de l’avant. Souvenons-nous : en 2020, une importante enquête de police a révélé un système élaboré de blanchiment d’argent dans lequel les trafiquants de drogue marocains jouaient un rôle majeur.
Les autorités ont découvert que le produit du haschisch marocain était blanchi à Dubaï par le biais de l’achat d’or. Les réformes que le gouvernement a apportées aux processus de conformité, de lutte contre le blanchiment d’argent et de lutte contre le financement du terrorisme au Maroc contribueront à rendre l’économie plus résiliente.
Les groupes criminels organisés à grande échelle recevaient les paiements illicites pour la drogue en petites coupures, qui sont pratiquement inutilisables pour des transactions importantes. La solution la plus pratique qu’ils ont trouvée était d’acheter des lingots d’or et de les exporter vers Dubaï.
À leur arrivée, les douaniers ont traité la cargaison comme étant tout à fait légitime. Une fois à Dubaï, l’or a pu être vendu et le produit de la vente a été placé sur des comptes bancaires. Cette situation a soulevé de sérieuses questions sur les pratiques de conformité des institutions financières, tant dans le Golfe qu’en Afrique du Nord.
C’est dans ce contexte de craintes croissantes que les banques marocaines ne parviennent pas à mettre en œuvre efficacement les réglementations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme que le Groupe d’action financière (GAFI), un organisme mondial de surveillance du blanchiment d’argent, a placé le Maroc sur sa « liste grise » au début de l’année 2021.
Le GAFI a signalé que Rabat ne respectait pas les réglementations de l’organisme de surveillance et a suggéré que les unités de renseignement financier du pays étaient trop faibles pour lutter contre la criminalité financière.
Cette décision a porté un coup sévère à la réputation du Maroc en tant que centre d’investissement, le pays étant placé dans la même catégorie que le Yémen et la Syrie, ce qui a nui aux investissements étrangers. Alors que les chiffres spécifiques au Maroc ne sont pas encore disponibles, on estime que le placement du Pakistan sur la liste grise du GAFI lui a fait perdre 38 milliards de dollars d’activité économique. Compte tenu de la surveillance accrue dont font l’objet les pays figurant sur la liste grise, cette décision a également augmenté les coûts de mise en conformité pour les banques marocaines en les obligeant à mettre en œuvre des processus de lutte contre le blanchiment d’argent beaucoup plus rigoureux. L’inscription sur la liste grise peut également avoir un impact sur la capacité d’un pays à lever des capitaux sur les marchés de la dette souveraine en impliquant un risque plus élevé pour les investisseurs étrangers.
Toutefois, après une série de réformes politiques et réglementaires entreprises par le gouvernement marocain, le GAFI a retiré le pays de la liste grise, annonçant fin février que le Maroc « n’est plus soumis à une surveillance accrue de la part du GAFI ».
L’organisme de surveillance a déclaré que le Maroc avait « renforcé l’efficacité de son régime de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme » en « améliorant ses mécanismes de coopération internationale, en renforçant la supervision de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et en renforçant la transparence des personnes morales ». Les réformes des forces de police du pays signifient également que le Maroc est désormais mieux placé pour confisquer les produits du crime et mener à bien des opérations de blanchiment d’argent.
L’économie marocaine devrait en bénéficier
Quelles sont les conséquences de cette décision pour le Maroc et son économie ?
Le premier impact potentiel est indirect. Cette mesure est susceptible d’améliorer sensiblement la réputation de Rabat auprès des investisseurs étrangers et d’abaisser son profil de risque, ce qui encouragera davantage d’investisseurs à engager des capitaux au Maroc. Le gouvernement marocain a déclaré que la décision du GAFI « renforcera l’image du Maroc et son positionnement dans les négociations avec les institutions financières internationales, ainsi que la confiance des investisseurs étrangers dans l’économie nationale ».
Les investissements directs étrangers (IDE) au Maroc ont légèrement diminué entre 2021 et 2022, en partie à la lumière de la décision du GAFI, mais un profil de risque plus faible pourrait également permettre au Maroc de regagner du terrain en termes d’attraction des IDE.
Ceci est particulièrement important dans le contexte de la dette souveraine. Le Maroc a annoncé son intention d’émettre une obligation libellée en dollars, mandatant les banques d’investissement mondiales BNP Paribas, Citi, Deutsche Bank et JP Morgan pour gérer le processus d’émission de sa première obligation depuis deux ans. Une meilleure réputation sur les marchés internationaux devrait stimuler la demande pour cette obligation, augmentant ainsi le montant des capitaux que le Maroc peut lever et réduisant les coûts d’emprunt.
Le directeur général adjoint du FMI, Kenji Okamura, s’est rendu au Maroc au début du mois et a souligné que « le Fonds s’est engagé activement auprès du Maroc, notamment par le biais de quatre accords successifs ce qui montre que les relations du Maroc avec les institutions financières internationales s’améliorent à la lumière de ses réformes financières ».
De bonnes nouvelles pour les notations de crédit du Maroc
Ainsi, la notation de crédit du Maroc, auprès d’agences internationales telles que Fitch Ratings, pourrait également être améliorée à la lumière de la décision du GAFI. Dans son dernier rapport de novembre 2022, Fitch a souligné que les fondamentaux du crédit du Maroc sont soutenus par plusieurs facteurs, mais sont également confrontés à « des indicateurs de développement et de gouvernance faibles ».
Fitch a également noté qu’elle ne s’attendait pas à ce que le Maroc fasse appel aux marchés internationaux en raison de conditions de financement externes moins favorables, tant pour le Maroc que pour les marchés émergents en général. Toutefois, ces deux conditions pourraient être amenées à changer, le GAFI ayant annoncé publiquement les progrès réalisés en matière de renforcement des contrôles de la lutte contre le blanchiment d’argent et de la lutte contre le financement du terrorisme, et le Maroc ayant de ce fait un accès de plus en plus favorable aux marchés des capitaux.
Le Maroc doit encore relever des défis économiques. Cependant, les réformes que le gouvernement a apportées aux processus de conformité, de lutte contre le blanchiment d’argent et de lutte contre le financement du terrorisme au Maroc contribueront à rendre l’économie plus résiliente. En renforçant la réputation du Maroc sur les marchés internationaux et en améliorant la capacité de Rabat à lever des capitaux moins chers, le pays pourrait être mieux équipé pour faire face à la volatilité économique.
@AB