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African Banker Analyse et Opinion

Qu’attend le capital-risque des décideurs politiques ?

Qu’attend le capital-risque des décideurs politiques ?
  • Publiéjuin 7, 2023

Navin Suri et Rafat Kapadia, d’Elevandi Ltd, mettent en évidence six grands domaines d’opportunité susceptibles d’accélérer les flux de capital-risque international vers les pays africains.

 

Ce qu’attend le capital-risque des décideurs politiques en Afrique ? Beaucoup de choses. Et rapidement. De notre travail sur le terrain, qui comprend un large éventail de conversations approfondies avec des apporteurs de capitaux privés locaux, régionaux et mondiaux, qui investissent actuellement dans des start-up basées en Afrique, il apparaît clairement quelles tâches attendent les décideurs politiques pour attirer davantage de capital-risque international dans leurs pays.

Navin Suri est conseiller auprès du conseil d’administration d’Elevandi Ltd., une société d’événements sur la finance, basée à Singapour. Rafat Kapadia est responsable des investissements chez Elevandi.

La bonne nouvelle : les investisseurs en capital-risque et les autres investisseurs en phase de croissance sont désireux d’augmenter leurs investissements en Afrique. Dans le même temps, ils souhaitent une plus grande intervention politique et une plus grande urgence de la part des gouvernements dans le développement des infrastructures de base.

Voyons six grands domaines d’opportunité susceptibles d’accélérer les flux de capital-risque international vers les pays africains.

L’identification numérique est aujourd’hui un élément fondamental du progrès national et économique, où que ce soit. L’Afrique ne fait pas exception. Dans un monde où le numérique est roi, les cartes d’identité numériques sont les voies qui permettent à l’innovation financée par des capitaux d’atteindre de manière fiable tous les citoyens dans tous les coins. Ils facilitent la mise à l’échelle des start-up.

La valeur de l’entreprise est ainsi créée plus rapidement, ce qui attire davantage de capitaux d’investisseurs, en particulier à un stade beaucoup plus précoce et plus critique du parcours d’une startup.

Par exemple, la pile Aadhar, en Inde, a permis à 1,4 milliard de personnes d’obtenir une carte d’identité numérique. Cela a non seulement transformé le pays, mais a également attiré un afflux de capitaux sans précédent, car les start-up ont commencé à intégrer et à construire avec et autour de la pile Aadhar ID afin d’exploiter pleinement l’opportunité de l’Inde à l’échelle de la population. L’Afrique subsaharienne abrite la moitié de la population mondiale sans carte d’identité nationale (environ 1,2 milliard de personnes) alors qu’elle ne représente qu’un sixième de la population mondiale.

 

Convergence des politiques

La cohérence des politiques est essentielle. Les différences de politiques entre les pays africains, combinées à des populations et des économies souvent réduites, font qu’il est difficile pour une nouvelle solution prometteuse développée dans un pays du continent d’être portée et lancée dans d’autres pays sans un remaniement important. Ces différences de politique empêchent en fin de compte l’ensemble du continent de tirer pleinement parti de son « échelle collective » et de la taille de ses opportunités.

Par conséquent, si le marché potentiel reste fragmenté en fonction de la petite taille de chaque pays, l’afflux de capitaux reste lui aussi limité. En revanche, si le continent s’efforce de mettre en œuvre des politiques cohérentes, le marché total se multiplie soudainement et devient plus attrayant pour les investisseurs.

Il est juste de dire qu’une union politique de type européen pour les nations africaines est une solution peu probable, voire inutile, mais qu’une « union des politiques » entre les pays d’Afrique est une approche possible. Il existe déjà quelques collaborations panafricaines qui répondent à ce besoin : le système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS) et le protocole sur le commerce numérique de la ZLECAf.

Il suffit d’ajouter qu’au moins les pays du continent qui acceptent de participer à une telle harmonisation ou collaboration des politiques seront probablement les premiers à récolter les fruits de l’augmentation des flux d’investissements étrangers, et ce plus rapidement.

La clarté des politiques est elle aussi insuffisante, voire inexistante dans de nombreux pays africains. Ce défi est plus prononcé lorsqu’il s’agit de moteurs clés de la numérisation tels que la confidentialité des données, la localisation des données, la souveraineté des données, l’informatique en nuage, entre autres.

La clarté des politiques est comme l’oxygène de la certitude que les fournisseurs de capitaux recherchent toujours. Après tout, ils prennent un risque réel avec l’argent qu’ils investissent, et ce à long terme (les horizons d’investissement des sociétés de capital-risque sont généralement de huit à dix ans). Aucun bailleur de fonds ne veut savoir, cinq ans plus tard, après avoir investi des sommes importantes et créé une véritable valeur d’entreprise, qu’une clarification ou une modification d’une politique de base annule (détruise) soudainement toute cette valeur. Le changement du jour au lendemain du cycle de règlement des actions de T+5 à T+3 en 2015 en Ouganda, qui a causé des ravages sur les marchés des capitaux, est encore frais dans l’esprit des investisseurs.

 

Une pénurie de talents à combler

Le manque de clarté limite aussi directement la taille, la fréquence et la répétitivité des entrées de capitaux. Sur les 54 pays du continent, le Kenya, l’Afrique du Sud, le Nigeria et l’Égypte sont les seules exceptions notables à bénéficier d’une politique relativement claire. En 2022, le Nigeria était en tête en matière de financement de capital-risque avec 1,2 milliard de dollars reçus, suivi de près par le Kenya avec 1,1 milliard $, l’Égypte (820 millions $) et l’Afrique du Sud (555 millions $).

Le groupe de réflexion mondial Brookings constatait, fin 2022 qu’« avec l’intérêt accru des jeunes Africains pour les entreprises internationales, les 450 millions de personnes en âge de travailler en Afrique pourraient contribuer à remédier à la pénurie mondiale de talents dans le domaine de la technologie ».

Pourtant, la Banque africaine de développement prévoit une pénurie importante de talents technologiques en Afrique, estimant que 4 millions de nouveaux emplois technologiques devraient être créés d’ici à2025. L’Afrique devrait disposer de suffisamment de professionnels qualifiés pour occuper seulement 50 % de ces postes.

L’un des grands entrepreneurs africains que nous avons interrogés possède une équipe de développement de logiciels de plus de 300 personnes au Vietnam. Il est évident que l’Afrique doit investir davantage dans le développement des talents technologiques, et ce de toute urgence.

D’une manière générale, les marchés boursiers africains sont toujours caractérisés par leur manque de liquidité et leur forte fragmentation, ainsi que par la faiblesse de leur environnement réglementaire. Pourtant, la région tente d’accélérer la connectivité transfrontalière pour stimuler les échanges et la liquidité, et attirer davantage d’investissements internationaux. Parmi les problèmes à résoudre, citons la multiplicité des dépositaires centraux de titres au niveau des marchés locaux. Cette situation est non seulement inefficace, mais aussi coûteuse.

Une nouvelle politique audacieuse promouvant la numérisation et la connectivité entre les Bourses n’est qu’une des améliorations très attendues. Les places de Casablanca, d’Égypte, de Johannesbourg, de Nairobi, du Nigeria, de l’île Maurice et une autre ont même signé ensemble un contrat pour l’acquisition d’un système de routage des ordres.

D’autres mesures de ce type sont nécessaires, et rapidement.

Enfin, comment ne pas évoquer l’inclusion financière ?

L’Afrique compte plus de 700 millions de portefeuilles mobiles et environ 450 millions de comptes bancaires. Toutefois, l’accès au crédit formel reste très limité en raison de la faiblesse des infrastructures de crédit et de la lenteur des acteurs des services financiers, en particulier des banques traditionnelles. L’inclusion financière est toutefois un succès dans les grands pays, par exemple au Kenya, au Nigeria et en Égypte.

L’argent mobile reste l’une des contributions les plus importantes des entrepreneurs Fintech de la nouvelle ère, qui a directement contribué à faire entrer davantage de personnes dans l’écosystème financier formel. Cependant, l’absence de cadres législatifs pour favoriser l’innovation dans le secteur est un problème majeur pour les Fintech en Afrique. Malgré cela, les prêts peer-to-peer par blockchain gagnent du terrain en Afrique. C’est encourageant.

En lever de rideau de l’Inclusive Fintech Forum, qui se tiendra du 20 au 22 juin 2023 à Kigali (Rwanda), le « Capital Meets Policy Dialogue » mettra en avant les opportunités que nous venons de souligner. Le dialogue détaillera également des moteurs de croissance tout aussi importants, tels que l’accélération de la croissance des fondateurs africains.

En savoir plus sur https://www.inclusivefintechforum.com/cmpd.

@ABanker

 

Écrit par
Navin Suri et Navin Suri

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