Peu de risques de défaut de liquidités pour les banques africaines

Moody’s considère que les banques africaines n’ont pas à redouter le scénario d’un retrait massif des déposants. Elles disposent d’importantes liquidités et les banques centrales veillent au grain. Le principal danger vient plutôt de leur exposition aux dettes des États.
Les événements récents aux États-Unis ont mis en lumière les risques que représentent pour les banques les retraits de dépôts des clients, en particulier pour celles qui sont assises sur d’importantes pertes latentes dans leurs portefeuilles d’obligations à revenu fixe. Concernant les banques africaines, les analyses de Moody’s jugent que ce risque est faible.
Les dépôts sont historiquement stables pour les grandes banques suivies par l’agence de notations, les capitaux et les liquidités sont plus élevés que dans d’autres régions, tandis que « les banques centrales jouent un rôle clé dans la fourniture de liquidités à leurs banques nationales ». Moody’s fait observer que les risques sont déjà incorporés dans les notes de crédit, généralement mauvaises, qu’elle applique aux banques africaines.
Les déposants ont également peu de choix : il existe peu d’établissements non bancaires, tels que les fonds du marché monétaire et les sociétés de gestion d’actifs, tandis que les restrictions monétaires rendent difficile l’envoi d’argent à l’étranger.
Cela dit, « la plupart disposent de liquidités solides qui peuvent absorber les retraits importants de dépôts ». La part des liquidités est de 43%, tandis que 20 % des actifs sont sous forme de liquidités, de soldes auprès de la Banque centrale et d’autres expositions interbancaires, qui sont toutes très liquides. La majeure partie du reste se présente sous la forme d’obligations souveraines locales, qui peuvent être mises en pension à la Banque centrale. À titre de comparaison, les banques européennes affichent des soldes aussi élevés, soit 16 % de leurs actifs. En cas de retrait modéré des dépôts, les banques peuvent compter sur ces soldes sans subir de pertes.
À noter le cas spécifique des banques de RD Congo : elles sont fortement dépendantes du dollar et il n’y a pas d’obligations d’État émises dans lesquelles les banques pourraient investir. Elles en sont donc d’autant moins risquées, dans la conjoncture actuelle.
Des investissements peu risqués
La plupart des banques sont des leaders sur leur marché, avec des franchises diversifiées et bien établies. En outre, une sophistication financière moindre, un manque de concurrence matérielle de la part des acteurs financiers non bancaires et une plus grande dépendance à l’égard des services bancaires traditionnels rendent les dépôts particulièrement stables dans la plupart des pays d’Afrique.
L’impact d’éventuelles pertes d’investissement non réalisées est modeste pour la plupart des banques africaines. Dans le cas improbable où certaines des pertes sur titres devraient être réalisées, la plupart des banques peuvent les absorber grâce à leurs ratios de capital élevés. De plus, « une partie des titres d’État détenus par les banques africaines ont une échéance courte, souvent inférieure à un an, et qu’ils couvrent le risque de taux d’intérêt pour une durée plus longue ».
De plus, la plupart des banques seront en mesure d’attendre l’échéance de leurs investissements sans subir de pertes significatives.
Certes, la plupart des banques africaines ne sont pas encore soumises au ratio de couverture des liquidités de Bâle III, à l’exception des régimes réglementaires plus développés comme l’Afrique du Sud et l’île Maurice. « Mais la plupart des régulateurs ont leurs propres exigences en matière de liquidités et de réserves de trésorerie », fait observer Moody’s.
La dépendance à l’égard des emprunts sur le marché, plus volatils, est modeste, puisqu’elle représente moins de 13 % des actifs au total. De plus, ces sources de financement du marché prennent principalement la forme de soldes interbancaires et de financements provenant d’institutions de financement du développement.
Certaines banques africaines, comme celles des pays exportateurs de pétrole, peuvent toutefois avoir des concentrations de dépôts provenant de déposants uniques, généralement des institutions gouvernementales et quasi-gouvernementales. Néanmoins, « il est peu probable que ces banques soient touchées par la crise que connaissent les États-Unis ».
Enfin, les autres banques du continent peuvent avoir des bases de déposants moins stables et plus concentrées, mais historiquement, on a peu constaté en Afrique de cas de retraits massifs de dépôts. Cela reflète souvent le processus « plus laborieux » de transfert des dépôts, la moindre sophistication financière et la plus grande dépendance à l’égard des services bancaires traditionnels.
Vers une année difficile, toutefois
Les déposants ont également peu de choix : il existe peu d’établissements non bancaires, tels que les fonds du marché monétaire et les sociétés de gestion d’actifs, tandis que les restrictions monétaires rendent difficile l’envoi d’argent à l’étranger. L’augmentation progressive des services bancaires mobiles et de l’inclusion financière dans la région a favorisé une augmentation générale des dépôts au cours des dernières années, mais n’a pas encore entraîné une plus grande mobilité des déposants.
Bien sûr, les banques africaines sont confrontées à de nombreux défis, qui se reflètent dans leurs faibles notations de crédit. Le risque le plus important est l’augmentation du risque de crédit souverain, au Ghana et en Tunisie, notamment. « En outre, l’inflation élevée, les conditions de financement globales serrées, les pénuries de devises et les risques sociaux croissants font de 2023 une année difficile », conclut l’agence américaine.
@ABanker