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African Banker Analyse et Opinion

Opinion : Nos banques font-elles leur métier?

  • Publiéaoût 29, 2017

Les progrès réalisés par les banques africaines ces vingt dernières années sont indiscutables. L’Afrique est dotée de banquiers visionnaires qui ont permis la réalisation de grandes performances. Non sans écueils.

Par Dhafer Saidane, professeur au Skema Business School

La  rentabilité des capitaux (ROE) des banques africaines avoisine aujourd’hui les 20 %, en moyenne. Avec un ratio de fonds propres moyen de 12 % et un total de bilan proche des 1 500 milliards de dollars en constante progression, l’Afrique semble sur le bon sentier de l’expansion. Quelques écueils peuvent cependant gêner l’observateur averti.

La banque a pour fonction principale de financer l’économie. Pour cela, elle s’adonne en tant qu’intermédiaire à un art complexe et risqué basé sur une gestion sophistiquée d’informations.

Au niveau microéconomique, en tant qu’entreprise la banque transforme des dépôts en crédits, et en tant qu’acteur macroécono­mique de la politique monétaire, elle offre des crédits qui lui reviennent ensuite sous forme de dépôts.

Des banques, bras financier de l’État…

Ainsi l’adage « les dépôts font les crédits et les crédits font les dépôts » résume l’art du banquier. Cette intermédiation financière reposant sur une transformation d’échéance et une sélectivité du crédit aboutit à une marge d’intérêt qui constitue l’élément central du revenu de la banque dans son produit net bancaire (PNB).

Au gré de mes recherches récentes, j’ai rencontré deux situations assez curieuses qui éloignent la banque africaine de son art originel. L’une concerne certaines banques en Tunisie, l’autre porte sur des banques de la zone Cemac. Dans son billet économique de janvier 2017 rédigé pour l’intermédiaire en Bourse MAC SA, le profes­seur Ghazi Boulila de l’Essec de Tunis fait le constat suivant, s’agissant des banques tunisiennes : « La Banque centrale de Tunisie finance le déficit budgétaire indirectement en prêtant aux banques et en les “forçant” par la suite à acheter des bons du Trésor à des taux relativement élevés comparés aux taux des prêts étrangers. » Il poursuit : « Cette pratique a engendré des effets pervers importants grevant davantage le déficit budgétaire, augmentant le service de dette intérieure et engendrant des sorties additionnelles de devises».

L’endettement des États et une situation d’oligopole des grandes banques conduisent ces dernières à privilégier le marché de la dette publique, au détriment du financement du secteur privé. Un paradoxe à corriger.

En effet, les bons du Trésor représentent plus de 20 % de l’actif de certaines banques tunisiennes. De relais de la politique monétaire, les banques se complaisent dans un rôle qui ne devrait pas être le leur : instrument de la politique budgétaire.

…qui y trouvent leur compte et une confortable rente

Les banques tunisiennes cherchent-elles la facilité par l’accroissement de leur portefeuille titres aux dépens des crédits à l’économie ? Ghazi Boulila affirme que les banques se sont orientées vers l’activité de placement pour préserver un niveau de revenu stable et moins risqué.

Et d’ajou­ter qu’en 2015, les encours de crédits des banques ont enregistré une hausse de 4,8 % seulement par rapport à 2014, alors que les portefeuilles titres d’investissement et commercial ont connu une progression importante de l’ordre de 19,5 %. La part du portefeuille titres dans les crédits est passée de 17,63 % à 20,1 %. Cette nouvelle configuration place les banques dans une zone de « confort à zéro risque » et réduit son rôle d’intermédiation et de transformation financière en créant une situation de rente.

Écrit par
African Banker

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