Les Trophées African Banker, un fascinant voyage

C’était il y a quinze ans. IC Publications lançait les Trophées African Banker, les premiers du genre pour l’Afrique. Un voyage fascinant pour nous et la communauté financière africaine. A l’approche de la 16e remise des Trophées, en mai, offrons-nous un retour sur ces années passionnantes.
Par Anver Versi
En 2007, IC Publications a lancé le magazine trimestriel African Banker. Cette décision faisait suite à série d’événements explosifs dans le secteur bancaire au Nigeria. Nous avons suivi les conseils de certains de nos amis les plus avisés, dont le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria, alors Chukwuma Soludo.
C’était un nouveau secteur pour nous, bien que nous ayons, bien sûr, couvert et commenté la banque et la finance dans notre publication phare, African Business. Après une refonte éditoriale et graphique totale quelques années plus tôt, qui consistait à placer l’entrepreneur africain et ses préoccupations au premier plan, au centre de tous nos efforts, la publication a pris son envol.
Le service prestigieux habituel, il reprendra dès cette année lorsque la famille African Banker se réunira de nouveau à Abidjan pour célébrer les meilleurs d’entre les meilleurs de 2021-2022. On se voit en Côte d’Ivoire !
Jusqu’alors, la couverture du monde des affaires se limitait aux frontières nationales africaines et lorsqu’une nouvelle tombait sur la scène internationale, elle se concentrait principalement sur le négatif. Très occasionnellement, une Success story africaine surgissait en arrière-plan d’autres éléments jugés plus importants, et cela aussi avec de nombreuses réserves de la part des journalistes.
La seule couverture véritablement panafricaine a été assurée par African Business pour l’Afrique anglophone, et par Jeune Afrique pour l’Afrique francophone. Même alors, l’accent était mis sur les activités des organisations multinationales telles que la Banque mondiale et le FMI en Afrique, et sur les points de vue des entreprises internationales principalement occidentales opérant en Afrique.
C’était le modèle, hérité des attitudes coloniales dans lesquelles la majeure partie de l’information économique venait de l’extérieur du continent alors l’Afrique était passive et confinée aux déclarations des ministres des Finances ou des gouverneurs des Banques centrales.
Une nouvelle voix pour l’Afrique
Mais la relance d’African Business, qui en matière de qualité journalistique et de profondeur d’écriture et de conception était tout aussi bonne – sinon meilleure concernant le continent – que les meilleures publications occidentales, a reçu un fort soutien des lecteurs et des annonceurs, non seulement en Afrique mais dans le monde. Désormais, les vedettes, occupant le devant de la scène, étaient les entrepreneurs africains et la couverture rédactionnelle s’est concentrée exclusivement sur les activités économiques et financières africaines.
Le succès d’African Business a provoqué deux phénomènes importants. Premièrement, il a brisé les silos nationaux qui avaient limité et contraint la vision et l’ambition des entrepreneurs ; deuxièmement, les succès et les compétences des entreprises africaines ne pouvaient plus être ignorés.
Profil après profil, entretien après entretien, African Business a montré la maturité, l’originalité, le raffinement et l’ambition des entrepreneurs et chefs d’entreprise africains. Leurs points de vue ont été repris, discutés, et amplifiés à travers l’Afrique. L’entreprise africaine avait trouvé sa voix ; elle parlait haut et fort, et le monde écoutait.
Bon nombre des aspirations idéalistes antérieures telles que le panafricanisme, un plus grand commerce transfrontalier, un plus grand échange d’idées, une plus grande collaboration et l’émergence de sociétés multinationales véritablement africaines semblaient désormais possibles. Nous suivions une feuille de route réaliste, pas simplement une liste de souhaits. Aujourd’hui, bien sûr, une grande partie de ces aspirations a été réalisée et la Zone de libre-échange continentale africaine en est probablement le couronnement.
En 2007, nous étions encore profondément absorbés par notre magazine African Business, qui impliquait de « former » nos correspondants pour qu’ils pensent différemment le développement du continent en mettant toujours en avant l’intérêt de l’Afrique. Certaines des entreprises devaient adapter leur publicité, alors focalisée sur la distribution locale, à la vente de leurs marques à l’international. C’est alors que l’appel est venu pour lancer une publication spécifiquement destinée au secteur bancaire et financier.
Des banques africaines sous-estimées
Ce secteur, qui était composé de quelques grandes banques occidentales internationales et d’une multitude de banques africaines plus petites, sous-capitalisées et gérées plus ou moins bien, n’avait pas suivi le rythme des progrès réalisés par d’autres entités commerciales.
Les banques étaient enfermées dans des silos nationaux étroits avec peu ou pas d’informations sur ce qui se passait sur le continent. Seule Ecobank, avec son mandat panafricain clair, avait une vue d’ensemble dès son lancement.
Les banques étaient souvent sous-capitalisées et en sous-effectifs. Et les autorités de régulation étaient faibles. Pour la majorité des clients, même dans les centres urbains, la confiance dans le système était limitée. La plus grande partie de la vie commerciale se faisait au comptant. La crème des talents africains était souvent formée et employée par des banques multinationales occidentales telles que Citi Bank, J.P. Morgan, etc.
Alors que les banques locales à travers l’Afrique essayaient de se trouver une place au soleil pour servir les intérêts des nouvelles classes commerciales locales et des gouvernements nationaux, la situation du secteur bancaire au Nigeria était devenue désastreuse. La confiance dans le système avait diminué alors que les scandales se succédaient et que les difficultés des banques se multipliaient.
En 2004, le gouverneur de la banque centrale, Chukwuma Soludo, a déclenché le « Big bang de la consolidation ». Il a multiplié le seuil du capital des banques de 2 milliards de nairas à 25 milliards de nairas (190 millions de dollars, à l’époque).
Cela a envoyé de nombreuses banques en mode panique. Elles ne pouvaient trouver cette somme d’argent que par le biais de fusions, d’acquisitions ou en levant de nouveaux capitaux. Parmi les autres exigences du programme de réformes en treize points de Chukwuma Soludo, figurait un cadre réglementaire fondé sur des règles davantage axé sur les risques, garantissant une conformité et une transparence accrues et une gouvernance d’entreprise considérablement améliorée.
Aucune autre réforme dans l’histoire financière du Nigeria n’était allée aussi loin, ni n’avait été aussi profonde. Une ruée vers les fusions et acquisitions et la collecte de fonds s’est ensuivie, tout comme la recherche de cadres compétents et qualifiés.
Cela a engendré un nouveau groupe de PDG et de gestionnaires talentueux, dont beaucoup avaient occupé des postes importants dans des banques internationales. Ces banquiers voyaient de vastes opportunités dans le nouveau paysage – dans lequel seules demeuraient 25 banques – et étaient avides de succès. Un nouveau chapitre brillant s’était ouvert dans l’histoire de la banque nigériane et le reste de l’Afrique voulait en savoir plus.
Recruter l’excellence
À IC Publications, nous devenions convaincus que quelque chose de très important était en cours et qu’il ne s’agissait pas d’un tournant temporaire mais d’une nouvelle route permanente pour la banque et la finance en Afrique.
C’était le signal pour lancer African Banker, dont j’ai eu le privilège d’être le premier rédacteur en chef. Notre grand allié dans cette entreprise était Christian Udechukwu – un Nigérian entreprenant doté d’une énergie débordante, qui était un lien vital entre le gouvernement nigérian, la Banque centrale, et les banques commerciales. Grâce à son organisation Business in Africa Events, il a réuni diverses personnalités et mis en mouvement de très nombreuses relations précieuses.
Comme je l’ai déjà dit, African Banker était un nouveau secteur pour nous. Nous nous sommes mis à la recherche des meilleurs rédacteurs financiers que nous pouvions trouver. Pas si simple, car la plupart étaient des journalistes travaillant pour des quotidiens nationaux et n’avaient aucune idée du type d’articles qui intéresseraient un public panafricain et international.
S’ils travaillaient pour les grandes agences ou les médias occidentaux, ils avaient du mal à regarder l’actualité du point de vue panafricain plutôt que du point de vue national de leur pays d’origine.
Mais là où il y a une demande, l’offre suit et nous avons progressivement constitué une excellente équipe de correspondants et de commentateurs spécialisés. Nous avons décidé d’appliquer le modèle d’African Business à African Banker et nous avons fait des banquiers et des financiers les vedettes du nouveau magazine à travers des profils et des entretiens. Comme dans toutes nos publications, le thème panafricain a coulé de source dans le magazine.
African Banker a été un succès instantané. Beaucoup de nos articles et interviews ont été repris et reproduits dans des journaux et des magazines financiers sur tout le continent.
Des personnalités de choix
Avec la nouvelle plateforme désormais établie, des dirigeants importants du monde bancaire et financier ont collaboré avec nous et ont noué des liens solides avec notre groupe de presse. Parmi eux, citons Arnold Ekpe, l’ancien PDG de Ecobank, ou Jean-Louis Ekra, l’ancien président d’Afreximbank, ou encore Aigboje Aig-Imoukhuede, l’ancien PDG d’Access Bank. Ces leaders exemplaires ont été parmi les premiers à soutenir notre aventure.
Donald Kaberuka, l’ancien président de la Banque africaine de développement est un banquier très conscient du pouvoir des médias pour faire avancer les choses. Il nous a invités au siège de l’organisation, alors à Tunis, et nous a donné carte blanche pour interviewer qui nous voulions. Cela contrastait fortement avec la politique antérieure de secret qui avait entouré la banque. La publication de l’article a changé l’image de la banque presque du jour au lendemain.
Encore une fois, nous avons noué des liens et des amitiés très solides, par exemple avec Tim Turner, alors responsable de la branche du secteur privé de la banque et avec Cecilia Akintomide, secrétaire générale de la BAD.
Parmi les autres fidèles amis du magazine qui nous ont fourni des informations inestimables figurent Ngozi Okonjo-Iweala, aujourd’hui directrice générale de l’OMC, Razia Khan, économiste en chef chez Standard Chartered, Obiageli ‘Oby’ Ezekwesili, vice-président de la Banque mondiale et une foule d’autres personnalités qui ont contribué à combler les lacunes et à faire partie de la famille African Banker.