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Les plans du Fonds souverain égyptien dans l’énergie verte

Les plans du Fonds souverain égyptien dans l’énergie verte
  • Publiéjuin 16, 2023

Le Fonds souverain égyptien cherche à mobiliser les investissements du secteur privé dans les technologies vertes. Entretien avec son directeur général, Ayman Soliman, au sujet du mandat du fonds et de l’avenir des énergies vertes dans la région MENA.

 

L’Égypte, averti le FMI, est « très vulnérable » aux conséquences financières du changement climatique. La pénurie d’eau, les sécheresses et l’élévation du niveau de la mer pourraient mettre en péril la prospérité des communautés qui dépendent de l’agriculture, du tourisme et des ressources côtières.

C’est en partie pour cette raison que le gouvernement égyptien a déjà lancé plusieurs initiatives destinées à soutenir la transition vers une économie plus verte. Si Le Caire n’a pas encore déclaré d’objectif net zéro, le gouvernement a lancé en mai 2022 une stratégie nationale de lutte contre le changement climatique, dotée d’un budget d’un milliard de dollars. Cette stratégie vise à mobiliser le secteur privé et les marchés financiers égyptiens pour aider à financer des projets écologiques.

« Les entreprises tournées vers l’exportation résistent aux chutes de la monnaie et nous envisageons les projets d’hydrogène vert comme étant tournés vers l’exportation, cela renforce notre dossier commercial plutôt que de l’affaiblir. »

Une grande partie de cette stratégie consiste à utiliser le pouvoir du Fonds souverain égyptien pour faciliter les investissements du secteur privé dans les technologies vertes. Le Caire considère l’hydrogène vert en particulier comme un élément essentiel de la transition écologique de l’Afrique du Nord et comme une opportunité économique lucrative.

Ayman Soliman, PDG du Fonds souverain d’Égypte, explique que les avantages économiques potentiels de l’investissement dans les énergies vertes sont énormes car l’« Afrique du Nord possède les ressources renouvelables inexploitées les plus importantes au monde ».

Il rejette également l’idée que l’Égypte est en concurrence directe avec les pays voisins de la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient) qui développent également des capacités d’hydrogène vert – ce qui inclut des pays comme la Jordanie, le Maroc et l’Arabie saoudite –, car « l’ampleur du projet et les volumes d’énergie verte dont le monde a besoin signifient qu’il s’agit d’une opportunité régionale ».

Bien entendu, « les différents acteurs de la région se livrent à une saine concurrence pour tenter d’attirer les ressources », explique Ayman Soliman. « Mais nous partageons des objectifs communs, notamment la localisation de certaines industries impliquées dans la chaîne d’approvisionnement de l’hydrogène vert, telles que les technologies des composants. »

 

Des objectifs stratégiques

Se pose dès lors une question, reconnaît-il : « Comment pouvons-nous tous collaborer pour nous assurer que nous pouvons héberger cette fabrication dans la région ? La mise à l’échelle profite à tout le monde. »

Des initiatives ont déjà été prises pour favoriser la collaboration transfrontalière sur l’hydrogène vert dans la région MENA. Ayman Soliman cite en exemple le récent co-investissement convenu entre le Fonds souverain et l’Autorité d’investissement d’Oman. En mai, les deux autorités ont décidé d’investir conjointement dans un projet d’hydrogène vert qui pourrait coûter jusqu’à 5 milliards $.

Si le mandat principal du Fonds souverain est de rentabiliser les investissements réalisés avec de l’argent public, le Fonds joue un rôle important dans la réalisation des « objectifs stratégiques » de l’Égypte. Et Ayman Soliman d’affirmer que le rôle du Fonds est de faciliter l’arrivée de capitaux privés en Égypte.

« Tous les ingrédients sont en place pour développer des industries telles que l’hydrogène vert, à l’exception des capitaux ! » Comme dans de nombreux marchés émergents, l’Égypte est confrontée à une pénurie de capitaux.

Ayman Soliman
Ayman Soliman

Dès lors, estime Ayman Soliman, son rôle est de réduire les risques pour les entreprises privées qui souhaitent investir sur les marchés égyptiens et, par conséquent, d’encourager des niveaux d’investissement plus élevés dans les industries stratégiques. « Nous sommes en pourparlers avec le gouvernement pour décider un ensemble d’incitations fiscales et non fiscales afin d’encourager les entreprises à venir investir dans les énergies renouvelables et propres, telles que l’hydrogène vert et l’ammoniac vert. »

Lors de la COP27 de l’année dernière à Sharm-el-Sheikh, le Fonds souverain a signé neuf accords-cadres et 23 protocoles d’accord avec le gouvernement et les autorités locales, telles que la zone économique du canal de Suez, afin de travailler sur des cadres visant à encourager les investisseurs dans ces industries.

Le Fonds souverain d’Égypte a manifestement un mandat étendu et est motivé pour conduire de vastes changements en Égypte, mais il est aussi, selon les termes de Ayman Soliman, « un fonds souverain très jeune ». L’organisation n’a été créée qu’en 2018 et est dépassée en termes d’actifs sous gestion par ses partenaires régionaux, en particulier dans le Golfe. Le total des actifs s’élève actuellement à un montant relativement modeste de 77,5 milliards de livres égyptiennes (2,42 milliards $) – un contraste frappant avec les 620 milliards $ que le Fonds d’investissement public de l’Arabie saoudite est censé détenir.

 

L’hydrogène vert a des arguments à faire valoir

Toutefois, Ayman Soliman estime que cela donne au Fonds un avantage lorsqu’il s’agit d’adopter l’hydrogène vert et d’autres technologies durables. « Nous bénéficions de l’avantage des retardataires en construisant notre portefeuille de manière plus écologique », ce qui signifie que « même si la taille actuelle de nos actifs sous gestion n’est pas aussi importante que celle d’autres fonds, nous possédons le plus grand portefeuille de projets verts ». Voilà qui le différencie des autres fonds souverains.

Ayman Soliman fait preuve du même optimisme lorsqu’il évoque l’effet des turbulences économiques en Égypte sur les activités du fonds souverain. En décembre 2022, l’Égypte a été contrainte de se tourner vers le FMI pour obtenir un programme de renflouement de 3 milliards $, présenté comme « un ensemble complet de mesures visant à préserver la stabilité macroéconomique, à restaurer les amortisseurs et à ouvrir la voie à une croissance inclusive et tirée par le secteur privé ». À la suite de ce plan, qui prévoyait la libéralisation des marchés des changes, la livre égyptienne a atteint des niveaux historiquement bas par rapport au dollar, ce qui a contribué à l’augmentation de l’inflation pour les produits de première nécessité.

Cette volatilité a-t-elle affecté la capacité du Fonds souverain à investir dans des projets d’hydrogène vert ? Ayman Soliman répond que « dans chaque défi, il y a un côté positif » et note que « pour les projets d’infrastructure, une monnaie plus faible peut devenir un avantage car l’Égypte devient plus compétitive que d’autres marchés où la monnaie est plus forte ».

En effet, le gouvernement égyptien a installé un comité chargé d’élaborer une stratégie nationale pour l’hydrogène d’une valeur de 40 milliards $, dont une grande partie concerne l’exportation d’hydrogène vert vers les marchés étrangers. « Les entreprises tournées vers l’exportation résistent aux chutes de la monnaie et nous envisageons les projets d’hydrogène vert comme étant tournés vers l’exportation, cela renforce notre dossier commercial plutôt que de l’affaiblir. »

 

Une accélération avec la baisse des coûts

Plus largement, Ayman Soliman note également que « le mécanisme de défense naturel des marchés émergents est un retour sur investissement à deux chiffres, supérieur à la moyenne ». Il reste persuadé que les arguments économiques fondamentaux en faveur de l’hydrogène vert restent solides malgré la volatilité à court terme des marchés.

Il en veut pour preuve la volatilité des marchés internationaux de l’énergie. « La hausse des prix du gaz, en 2022, constitue une bonne opportunité pour l’hydrogène vert. »

Bien que les prix du gaz naturel et du pétrole se soient assagis, la compétitivité de l’hydrogène vert ne fera que croître à mesure que la technologie continuera à se développer et à se perfectionner. « Les prix courants de la technologie vont évoluer et finiront par baisser », pronostique Ayman Soliman. « Dans toutes les industries, les coûts de production unitaires diminuent au fur et à mesure qu’elles arrivent à maturité. Dès lors, la croissance s’accélérera. »

Si cette « accélération » se produit, comme l’envisage le patron du Fonds souverain égyptien, ce dernier sera bien placé pour en récolter les fruits financiers.

@ABanker

 

Écrit par
Harry Clynch

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