L’Église catholique s’implique dans la microfinance

Le Fonds mondial de solidarité de l’Église catholique soutient un accord visant à aider les personnes vulnérables en Éthiopie à accéder au capital. Il se veut un bâtisseur de ponts entre les organisations confessionnelles et la demande de micro-crédits.
En juillet, African Business relatait que le Fonds mondial de solidarité de l’Église catholique (GSF) soutenait un accord visant à apporter des services de microfinance aux personnes vulnérables et déplacées en Éthiopie. Un consortium de congrégations religieuses locales, soutenu par le GSF, a signé un protocole d’accord avec la Hibret Bank et l’entreprise technologique Elebat Solutions, qui permettra aux institutions d’accorder des prêts aux personnes non bancarisées ou ayant des antécédents limités en matière de crédit.
L’initiative, connue sous le nom de projet Tila, sera supervisée par le ministère éthiopien du travail et des compétences et soutenue financièrement par la Fondation Mastercard. Ses promoteurs espèrent que ce projet aidera à terme plus de 40 000 personnes en Éthiopie à accéder au capital.
Pour l’avenir, l’idée est de perfectionner le modèle en Éthiopie, puis de commencer à l’étendre à d’autres pays de la région, en tirant parti de l’« énorme réseau dont disposent les congrégations religieuses ».
Jini Sebakunzi, gestionnaire de programmes et de subventions à la GSF et spécialiste de l’inclusion financière, explique que le projet consiste à « fournir des prêts par téléphone plutôt qu’en espèces, afin de faciliter les choses et de les rendre plus transparentes ». Il estime que cela contribuera à favoriser l’inclusion financière car « si beaucoup des personnes défavorisées auxquelles nous nous adressons sont analphabètes, avec un niveau d’éducation très bas, elles ont toutes un téléphone portable et savent lire les chiffres ».
Jini Sebakunzi juge qu’avec cette facilité qui leur est offerte pour la première fois, davantage de personnes exclues financièrement pourront accéder aux prêts et au système bancaire formel. L’ambition à long terme est de permettre aux personnes marginalisées d’être mieux placées pour obtenir le capital initial nécessaire à la création d’une petite entreprise, et donc de stimuler la croissance et la prospérité au sens large.
Des partenariats pour aider les personnes vulnérables
Le projet Tila démontre également le rôle que l’Église catholique se donne pour encourager le développement et l’adoption de nouvelles solutions financières inclusives en Afrique. Le continent représente près de 20 % de la population catholique mondiale et est la région du monde où la croissance du catholicisme est la plus rapide. Compte tenu de l’accélération de ces tendances démographiques, il est peut-être naturel que l’Église catholique commence à réfléchir à la manière dont elle peut opérer sur le continent de manière plus globale dans différents secteurs.
Jini Sebakunzi juge que « la mission consiste à travailler comme un bâtisseur de ponts, à établir des partenariats et des connexions entre les organisations confessionnelles et les autres acteurs qui travaillent avec les personnes vulnérables ».
Et relate : « On constate souvent que de nombreux groupes différents essaient de faire la même chose mais ne se parlent pas. Mais si vous unissez vos forces, vous devenez plus efficace et vous avez un impact plus important. Nous travaillons avec les secteurs public et privé, les ONG, les agences de développement et des groupes tels que les Nations unies, la Banque mondiale et le FMI pour essayer de rassembler les gens. »
À cette fin, le GSF participe activement à des sommets mondiaux tels que le Forum économique mondial de Davos et cherche constamment, selon ses propres termes, à « catalyser les partenariats ». Le projet Tila, dans le cadre duquel le GSF a réuni des banques, des entreprises technologiques, des organismes gouvernementaux et des institutions financières mondiales, illustre parfaitement la manière dont le Fonds conçoit son rôle.
Le Fonds travaille avec des organisations et des communautés catholiques pour aider à la réalisation des projets, mais les projets eux-mêmes sont conçus pour soutenir les personnes défavorisées de toutes les religions. « La mission du GSF est d’améliorer les moyens de subsistance des personnes vulnérables en établissant des partenariats avec des membres de toutes les religions », explique Jini Sebakunzi. Dans le cas de l’Éthiopie, il s’agit d’un projet pilote mené principalement avec des organisations catholiques qui soutiennent toutes les communautés locales issues de différentes organisations religieuses.
L’Église engagée dans les objectifs de développement
Le GSF est une « très jeune organisation », précise Jini Sebakunzi, puisque ce fonds ne fonctionne que depuis 2018, mais il est né de la volonté de l’Église d’aider les communautés à progresser dans le cadre de l’Agenda 2030 de l’ONU et des Objectifs de développement durable. Depuis son élection en 2013, le pape François soutient ces initiatives, ainsi que d’autres dispositifs axés sur la durabilité, et a engagé l’Église catholique à « promouvoir et mettre en œuvre les objectifs de développement qui sont soutenus par nos valeurs religieuses et éthiques les plus profondes ».
Bien que le GSF ne dispose pas d’un fonds de dotation et n’investisse donc pas directement dans des projets ou des entreprises, Jini Sebakunzi estime que les contacts de l’Église avec les communautés vulnérables et un large éventail d’institutions font qu’elle est bien placée pour faciliter les partenariats entre les différentes parties prenantes.
« Notre objectif est d’améliorer les moyens de subsistance des personnes vulnérables, ajoute-t-il ; nous travaillons avec les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, les migrants et les réfugiés principalement parce que l’Église a une très bonne expérience de travail avec ces groupes. Il est très important que l’Église aide les plus pauvres d’entre les pauvres. »
L’accès au crédit est essentiel

Récemment Jini Sebakunzi (photo) s’est rendu en Éthiopie ; la visite lui a permis de réaffirmer sa conviction que l’un des moyens les plus efficaces d’aider les personnes les plus pauvres est de les aider à accéder au capital et à créer des entreprises. Des initiatives telles que le projet Tila sont conçues pour couvrir le premier point, mais le GSF est également actif dans la fourniture de conseils pratiques à ceux qui souhaitent créer et gérer de petites entreprises.
« L’accès au crédit est l’un des problèmes de l’inclusion financière, mais une fois que les gens ont accès à un prêt, nous avons découvert que beaucoup d’entre eux ont également besoin d’un mentorat », relate Jini Sebakunzi. C’est pourquoi « les gens viennent nous voir et nous disent : « J’ai un emplacement. J’ai une entreprise. J’ai accès à des prêts. Mais j’aimerais pouvoir demander à un expert comment obtenir davantage de clients, de meilleurs fournisseurs ? » Ce genre de choses est moins tangible que l’accès au capital, mais tout aussi important. »
C’est pourquoi le GSF aide également à mettre en relation les propriétaires de petites entreprises avec des organisations de conseil aux entreprises qui peuvent leur fournir le mentorat dont ils ont besoin pour réussir. « Les entreprises apprécient que quelqu’un vienne leur offrir des conseils, pas tous les jours bien sûr, mais seulement une fois par mois », explique reconnaît Jini Sebakunzi. « Le propriétaire peut simplement vouloir appeler un expert de temps en temps pour lui poser quelques questions. L’accès à un conseiller expert qui peut l’accompagner tout au long de son parcours est inestimable. »
Histoires de réussite
Le GSF n’en est qu’à ses débuts, mais Jini Sebakunzi se dit encouragé par les succès constatés. « J’ai rencontré récemment une femme en Éthiopie qui possédait une machine à coudre. Nous l’avons formée et lui avons donné accès à un espace de travail adéquat. Au bout de deux mois, elle avait déjà deux machines à coudre. Elle en était arrivée à avoir deux machines parce qu’elle gagnait suffisamment d’argent pour en louer une autre et que la demande était là aussi. C’était formidable de voir qu’elle pouvait développer une activité de cette manière, et elle était très reconnaissante », se réjouit-il.
La GSF a l’ambition de travailler dans toute l’Afrique et plus loin encore, mais le fonds a commencé par opérer principalement en Éthiopie, simplement parce que de nombreux professionnels travaillant pour l’organisation ont déjà des liens étroits avec ce pays d’Afrique de l’Est. « Nous avons commencé par là parce que nous avions déjà des relations en Éthiopie, nous savions déjà quelles congrégations religieuses nous devions atteindre, ce qui nous a facilité la tâche », explique le gestionnaire. Qui précise que le groupe a commencé à prendre des mesures pour lancer des initiatives d’inclusion financière au Nigeria, tandis que le GSF est également actif dans des projets humanitaires en Colombie.
Pour l’avenir, l’idée est de perfectionner le modèle en Éthiopie, puis de commencer à l’étendre à d’autres pays de la région, en tirant parti de l’« énorme réseau dont disposent les congrégations religieuses ».
« Nous voulons voir comment nous pouvons impliquer plus de partenaires, plus d’acteurs », explique-t-il. » Dès lors, « 2024 sera une année intéressante parce que nous pourrons évaluer le succès des solutions Fintech et de microfinance que nous avons explorées et les porter ailleurs ».
@ABanker