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African Banker

Le temps est venu d’une agence panafricaine de notation de crédit

Le temps est venu d’une agence panafricaine de notation de crédit
  • Publiéaoût 8, 2023

Les préjugés et l’ignorance de l’environnement opérationnel du continent produisent des notations de crédit faussées pour l’Afrique. Il est temps que le continent dispose de sa propre agence de notation.

 

Les agences de notation sont conçues pour évaluer la solvabilité des gouvernements, des entreprises publiques, des entreprises privées ou d’autres emprunteurs afin de leur permettre d’accéder au financement.

Les informations qu’elles fournissent sont ensuite utilisées pour aider les investisseurs à prendre des décisions sur le risque, le rendement et les taux d’intérêt appropriés, de sorte que la notation de crédit attribuée a une influence considérable sur la capacité des emprunteurs à lever et à rembourser des fonds.

Pourtant, le sentiment grandissant est que les agences existantes ne répondent pas aux besoins de l’Afrique et qu’une nouvelle institution centrée sur le continent est nécessaire.

Sovereign Africa Ratings a été créée par un groupe d’entrepreneurs qui espèrent en faire une agence panafricaine au fil du temps, mais on pourrait faire valoir qu’une agence soutenue par une grande institution pourrait gagner plus rapidement en crédibilité.

À l’heure actuelle, les trois grandes agences de notation basées aux États-Unis, Moody’s, Fitch et Standard and Poor’s, contrôlent 95 % du secteur mondial de la notation. Cependant, chacune d’entre elles fournit des notations pour des économies africaines différentes, avec seulement 32 pays couverts au total, ce qui rend difficile la comparaison de la solvabilité des différents gouvernements.

Le nombre de pays couverts a augmenté au fil du temps et il n’y a que 29 ans que l’Afrique du Sud est devenue le premier pays africain à recevoir une notation de l’un des trois grands.

Le fait que les grandes agences aient été lentes à relever les notes des États africains, et promptes à les abaisser, a été de plus en plus critiqué. Le manque de couverture de l’Afrique a longtemps limité les offres publiques initiales et l’activité obligataire sur le continent, tandis que les rendements de la dette ont grimpé en flèche depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de sorte que l’émission d’obligations souveraines africaines s’est tarie.

La situation mondiale est largement responsable, mais durant son mandat à la tête de l’Union africaine (UA), le président sénégalais Macky Sall rappelait : « La perception du risque continue d’être une préoccupation majeure pour les pays africains : elle continue d’être plus élevée que le risque réel. »

 

Le coût des préjugés

Une étude publiée en avril 2023 par le PNUD concluait que les biais subjectifs dans les notations de crédit avaient coûté aux pays africains 74,5 milliards de dollars en paiements d’intérêts plus élevés et en opportunités perdues.

Des notations inexactes peuvent résulter de données inadéquates ou de méthodologies trop subjectives, mais la création d’une nouvelle agence africaine ne suffira pas à remédier au premier problème.

Le PNUD a réuni les parties prenantes lors d’une réunion à Washington en avril pour discuter de l’impact des notations de crédit sur le coût du financement du développement en Afrique. « Les agences de notation fournissent des avis contre-intuitifs parce qu’elles emploient du personnel inexpérimenté qui est bon en mathématiques mais qui ne comprend pas la complexité du monde réel, en particulier l’environnement opérationnel complexe de l’Afrique », y a notamment déclaré Aloysius Uche Ordu, directeur de l’Initiative pour la croissance de l’Afrique à la Brookings Institution.

Même s’ils s’appuient sur les trois grandes agences, « les pays africains doivent s’engager auprès des agences de notation pour comprendre leurs méthodologies et s’assurer que les évaluations sont conformes aux fondamentaux macroéconomiques », a ajouté Daouda Sembene, directeur général du groupe de réflexion AfriCatalyst, basé à Dakar.

La solution la plus évidente serait de créer une agence centrée sur l’Afrique qui couvrirait tous les pays du continent. Basée en Afrique et développée pour l’Afrique, elle devrait avoir une meilleure compréhension du continent et sa création pourrait même motiver les trois grands à augmenter leur couverture des notations africaines.

Il existe certainement une lacune sur le marché en raison du nombre de pays africains qui ne sont pas notés par les trois principales agences, mais les entreprises et les organismes parapublics en bénéficieraient également. En outre, elle pourrait proposer des notations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), ce qui pourrait être crucial pour attirer les investissements étrangers axés sur l’ESG. Toutefois, il est essentiel qu’une telle institution soit à la fois indépendante et perçue comme telle pour gagner en crédibilité sur le marché.

 

Un financement initial de l’UA ?

La première agence de notation de crédit en Afrique, Sovereign Africa Ratings, a été lancée en Afrique du Sud en septembre et ne couvre que l’économie sud-africaine. Elle a été créée par un groupe d’entrepreneurs qui espèrent en faire une agence panafricaine au fil du temps, mais on pourrait faire valoir qu’une agence soutenue par une grande institution pourrait gagner plus rapidement en crédibilité.

L'agence Bloomfield de Stanislas Zézé est active en Afrique de l'Ouest et Afrique centrale.
L’agence Bloomfield de Stanislas Zézé est active en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

 

En 2019, les ministres des finances de l’UA ont signé une déclaration sur la nécessité d’une agence africaine et l’UA semble s’acheminer vers la création d’une telle agence. Elle doit maintenant décider de la manière dont elle sera financée, détenue et gérée, une institution indépendante sur le modèle de l’Afreximbank étant une possibilité.

Elle générerait des revenus en faisant payer les emprunteurs pour leur notation, bien qu’un financement de départ soit nécessaire, soit de la part de l’UA elle-même, soit, plus probablement, par l’intermédiaire d’un groupe de multilatéraux, comprenant probablement la Banque africaine de développement. C’est une idée qui a fait son chemin, mais il est essentiel d’adopter le bon modèle pour qu’elle soit couronnée de succès.

@AB

Écrit par
Neil Ford

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